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La déportation et le système concentrationnaire nazi

Conférence de Jean-Pierre HUSSON à l'invitation de l'association « Témoins des témoins »
créée par des étudiants de Reims Management School
autour d'un projet de sensibilisation au génocide perpétré par les nazis
des élèves de troisième du Collège Saint Joseph de Reims
Jeudi 12 février 2004

I. Camps de concentration et camps d'extermination
   - L'ouverture des premiers camps à partir de 1933
   - Le développement du système concentrationnaire dans les territoires annexés ou occupés par les nazis


II. Véracité et singularité du génocide

    - Un génocide programmé, aboutissement d'une politique antisémite
    - La mise en oeuvre systématique du génocide
    - Auschwitz


III. 
La complicité du régime de Vichy dans la mise en œuvre de la « solution finale »

IV. Le bilan de la déportation et du génocide
    - Le bilan du génocide des Juifs
    - Le bilan du génocide des Tsiganes
    - Les autres victimes de la déportation en France


V. Se souvenir - La mémoire de la déportation
    - Les témoins survivants
    - Les associations d'anciens déportés
    - Les lieux de mémoire
    - Les commémorations

VI. Quelques références documentaires pour préparer le voyage à Auschwitz


I. Camps de concentration et camps d'extermination

   Même si la mortalité dans les camps de concentration de l'Allemagne nazie a été élevée, il convient d'emblée de bien distinguer les termes de camps de concentration et de camps d'extermination.
   Le terme de camp de concentration n'a pas été inventé par les nazis.
   Il a été utilisé dès le début du XXème siècle par les Britanniques, lors de la guerre des Boers qui les a opposés en Afrique du Sud aux descendants des colons néerlandais.

   Dans l'Allemagne hitlérienne, la fonction des camps de concentration était une fonction d'exclusion et de terreur. Ces camps étaient destinés à recevoir non seulement les adversaires des nazis, mais aussi tous les individus considérés comme dangereux pour le régime nazi. Les uns et les autres étaient arrêtés et amenés dans ces camps pour y être astreints au travail forcé.

   Les camps d'extermination eux, ont été construits pour liquider physiquement les Juifs et les Tsiganes, groupes ciblés par les nazis, comme étant deux peuples de trop, voués, conformément à l'idéologie mortifère nazie, à disparaître totalement, selon des modalités mobilisant tous les moyens dont disposait l'État nazi, au terme d'un processus dans lequel l'extermination constituait une fin en soi, quels que soient les moyens utilisés pour y parvenir .

   Chronologiquement, l'ouverture des camps de concentration a précédé celle des camps d'extermination.

   1. L'ouverture des premiers camps de concentration à partir de 1933

   Les premiers camps de concentration ont été ouverts dans l'Allemagne hitlérienne dès l'arrivée au pouvoir des nazis au début de l'année 1933, pour recevoir : les communistes, les autres opposants politiques, socialistes et démocrates chrétiens, les Juifs qualifiés de « sous-hommes », mélangés avec les prisonniers de droit commun condamnés par les tribunaux allemands, et les « asociaux », les « parasites », termes utilisés par les nazis pour désigner pêle-mêle les Tsiganes, les malades mentaux, les homosexuels et les témoins de Jéhovah.

   Le premier camp a été ouvert à Dachau, près de Munich, en mars 1933.
   D'autres ont été ouverts en Allemagne à Oranienburg-Sachsenhausen près de Berlin, à Buchenwald, à Flossenburg et à Ravensbrück pour les femmes.

   Des camps ont été aussi implantés dans les pays annexés ou occupés par l'Allemagne nazie, à Mauthausen en Autriche en 1938, à Theresienstadt en Tchécoslovaquie en 1939, à Auschwitz en Pologne en 1940, au Struthof-Natzweiler en 1941, seul camp implanté en territoire français annexé, en Alsac
e. 

Le camp de Natzweiler-Struthof
photographié par la Royal Air Force, le 19 juillet 1944

L'entrée du camp de Natzweiler-Struthof
photographiée en 1967

Le site du Struthof aujourd'hui

Le camp de Natzweiler-Struthof sur le site " Histoire et mémoire "

   Les autres camps ouverts en France, par exemple à Drancy et Compiègne, dans la région parisienne, ou à Beaune-la-Rolande et Pithiviers dans le Loiret, n'étaient ni des camps de concentration, ni des camps d'extermination, mais des camps d'internement, des camps de transit, de regroupement, où les déportés étaient rassemblés avant d'être embarqués dans les wagons à bestiaux qui les conduisaient vers les camps de concentration ou d'extermination.

2. Le développement du système concentrationnaire
dans les territoires annexés ou occupés par les nazis

   Deux catégories de déportés ont été acheminés vers ces camps :

      - d'une part, les « déportés résistants et politiques », termes désignant, s'agissant des déportés français, les gaullistes, communistes et autres résistants accusés par le gouvernement de Vichy de se livrer à des activités qualifiées d'« 
antinationales » ;

       - d'autre part, il y avait les « déportés  raciaux », c'est-à-dire les Juifs et les Tsiganes.

   Pour distinguer ces différentes catégories de déportés, soumis tous au même régime, un triangle de tissu était cousu sur leur vêtement rayé :

   - Triangle rouge pour les « politiques », porté par les opposants au nazisme, puis par tous les résistants d'Europe ;

   - Triangle bleu pour les « apatrides »

   - Triangle vert pour les « droits communs »

   - Triangle violet pour les témoins de Jéhovah

   - Triangle brun pour les Tsiganes

   - Triangle noir pour les « asociaux »

   - Triangle rose pour les homosexuels

   - Triangle jaune pour les Juifs

   Les premiers camps ont été agrandis, d'autres ont été ouverts :
      - à Neuengamme, Bergen-Belsen, Dora, Gross-Rosen en Allemagne ;
      - à Maïdanek et Stutthof en Pologne.

   Des convois affluèrent de toute l'Europe occupée vers ces camps placés sous le contrôle des SS.
   Dans ces camps de concentration, les déportés étaient soumis au travail forcé dans les kommandos, les usines secrètes d'armement et les filiales des grandes firmes allemandes, installées dans l'enceinte même des camps ou à proximité des camps : 12 heures de travail par jour ; les appels interminables dès l'aube et tard dans la nuit par tous les temps ; les sévices infligés par les kapos ; la sous-alimentation ; les maladies mal soignées.

   Les déportés les plus faibles ne résistaient pas longtemps à ce régime.
   Les camps de concentration devinrent d'inépuisables réservoirs de main d'œuvre constamment renouvelés, où les déportés étaient utilisés comme des esclaves au service de la machine de guerre nazie.
   Beaucoup de déportés sont morts d'épuisement, dans ces « camps de la mort lente ».

3/ L'ouverture des camps d'extermination, centres de mise à mort immédiate

   En Pologne, à partir de 1941-1942, des camps d'extermination ont été ouverts à Chelmno, à Treblinka, à Sobibor, à Belzec, ou implantés dans des camps de concentration préexistants tels que Maïdanek et surtout Auschwitz-Birkenau, dans le cadre de ce que les nazis ont appelé la « solution finale de la question juive ».
   
L'objectif des nazis était l'extermination totale, méthodique, systématique, qualifiée de « biologique » des Juifs et des Tsiganes qualifiés de « sous-hommes », dans des centres de mise à mort immédiate.
   La plupart des déportés étaient exterminés le jour même de leur arrivée ou au cours des jours suivants, à l'issue d'une sélection qui envoyait immédiatement dans les chambres à gaz les enfants, les vieillards, les femmes, les malades, tandis que les plus valides étaient utilisés quelque temps comme esclaves au travail forcé, avant d'être liquidés à leur tour.
   Le fonctionnement des camps de concentration et des camps d'extermination relevait d'une organisation rigoureuse et scientifique, faisant appel aux techniques les plus modernes. Elle s'appuyait sur la gestion des convois de déportés acheminés vers les camps dans des trains qui devaient partir à l'heure, et poussait la recherche de l'efficacité jusqu'à l'exploitation commerciale et industrielle des cadavres.

   Après avoir confisqué les vêtements, les chaussures, les effets personnels des déportés dès leur arrivée dans les camps, les nazis récupéraient, après les avoir exterminés, les dents en or, les lunettes, les dentiers des déportés, tandis que leurs cheveux étaient tissés pour fabriquer des couvertures, leurs os broyés et transformés en engrais
.

II. Véracité et singularité du génocide

   1. Un génocide programmé, aboutissement d'une politique antisémite

   Contrairement à ce que tentent de faire croire les négationnistes, les négateurs du génocide, ceux qui nient le génocide, ou qui cherchent à le banaliser, les nazis ont bien exterminé Juifs, Tsiganes et Slaves.

   Le génocide a bien eu lieu et il n'est pas le fruit du hasard ou des circonstances liées à la 2ème guerre mondiale.

   La « solution finale » procédait chez les nazis d'une volonté systématique d'extermination, inscrite dans l'idéologie nazie, ouvertement exprimée par HITLER dans Mein Kampf ( Mon combat ) dès le milieu des années 1920, avant qu'il ne parvienne au pouvoir, et qui a été mise en œuvre avec obstination à partir de 1933, conduisant tout droit au génocide.

   Dès 1933, des mesures discriminatoires se sont abattues sur les 500 000 Juifs qui vivaient en Allemagne :
      - boycott des magasins juifs ;
      - interdits professionnels dans l'administration ;
      - numerus clausus limitant l'accès des étudiants juifs à l'Université ;
      - autodafés d'ouvrages juifs brûlés en place publique.

   En 1935, les lois de Nuremberg sur la protection du sang allemand ont interdit :
      - les mariages entre Juifs et ressortissants allemands ;
      - les relations sexuelles entre Juifs et Allemands en dehors du mariage ;
      - le droit pour les Juifs d'employer dans leur ménage des ressortissantes allemandes de moins de 45 ans.
      - le droit pour les Juifs de hisser les couleurs nationales du Reich.

    En 1938, toute une série d'ordonnances ont renforcé la législation raciste, antisémite du Reich hitlérien :
      - 22 avril : « Tout Juif doit évaluer et déclarer la totalité de ses biens ».
      - 25 juillet : « Les installations de médecins juifs doivent cesser le 30 septembre 1938 ».
      - 18 août : Les Juifs n'ont plus le droit de porter un prénom chrétien et doivent tous s'appeler Israël ou Sarah.
      - Octobre : Les Juifs doivent faire tamponner la mention « J » sur leurs pièces d'identité, et les biens juifs en Allemagne sont placés sous la tutelle d'administrateurs « aryens » ; c'est l'aryanisation des biens appartenant aux Juifs.
      - 12 novembre : « Le comportement hostile envers le peuple et l'État allemand des Juifs qui ne reculent pas devant de lâches assassinats exige des moyens de défense énergique et une punition sévère (...) Une contribution d'un montant de 1 milliard de reichsmark sera imposée à l'ensemble des Juifs de nationalité allemande au profit de l'État allemand ».
   Cette ordonnance allemande fait allusion à l'assassinat, à Paris, du conseiller d'ambassade Von RATH par un jeune Juif, assassinat qui déclencha en Allemagne un vaste pogrom orchestré par les SA et les SS, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938. Au cours de cette nuit qualifiée de « Nuit de cristal », des Juifs ont été assassinés, plusieurs milliers arrêtés et internés dans des camps de concentration ; 262 synagogues et 7 000 magasins juifs ont été détruits ou pillés.
      - 18 novembre : « Il est interdit aux Juifs à partir du 1er janvier 1939 de s'occuper de commerce de détail, d'expéditions et d'affaires de transports, de comptoirs d'achat, aussi bien que d'exercer le métier d'artisan indépendant ».

   2. La mise en œuvre systématique du génocide

   En janvier 1939, Hitler considérait comme probable « l'extermination de la race juive en Europe » si une guerre devait intervenir.

   En septembre 1939, après la défaite et l'occupation de la Pologne, les Juifs polonais ont été rassemblés à proximité des nœuds ferroviaires et enfermés dans des ghettos où ils furent astreints au travail forcé.

   En 1940, après la défaite française, les nazis envisagèrent un moment la possibilité de transférer les Juifs d'Europe à Madagascar.
En attendant, les préparatifs de la politique d'extermination se poursuivirent en Allemagne, en Autriche, en Tchécoslovaquie, en Pologne, et dans tous les territoires annexés ou occupés par les nazis :
      - recensement des Juifs sur des fichiers tenus à jour
      - marquage ( port obligatoire de l'étoile jaune dite de David )
      - discrimination et exclusion ( interdits professionnels, interdiction des mariages mixtes )
      - spoliation ( confiscations des biens = aryanisation ) ;
      - ghettoïsation ( regroupement obligatoire des Juifs dans des quartiers isolés )
      - déportation des Juifs ( transports ) dans des camps.

   Entre le printemps et l'automne 1941, les chefs nazis ont pris trois décisions importantes pour mettre en œuvre leur politique d'extermination systématique des Juifs :
      - créer des forces mobiles spéciales organisées au sein de groupes d'intervention, les Einsatzgruppen, chargés de pratiquer des exécutions massives en plein air ;
      - étendre le génocide à l'ensemble du continent européen ;
      - construire des camps d'extermination équipés de camions à gaz et de chambres à gaz utilisant le monoxyde de carbone ou le Zyklon B (acide prussique), ainsi que des fours crématoires pour brûler les cadavres.

   En juin 1941, dès le début de l'invasion de l'Union soviétique par les troupes allemandes , les Einsatzgruppen au fur et à mesure de l'avance allemande en territoire soviétique ont fusillé sur place en même temps que les cadres et les membres du parti communiste, tous les Juifs, hommes, femmes, et enfants

   Le 7 décembre 1941, le maréchal KEITEL, chef du Haut-commandement de la Wehrmacht, a signé ce que l'on a appelé le décret Nacht und Nebel (Nuit et brouillard).
   Ce décret, bientôt appliqué dans toute l'Europe occupée, avait pour objectif de terroriser les populations civiles et de réduire toute velléité de résistance : toutes les personnes arrêtées, qui n'avaient pas été condamnées à mort par les Cours martiales allemandes, seraient déportées en Allemagne, marquées des lettres NN = Nacht und Nebel, c'est à dire destinées à disparaître dans la nuit et le brouillard.

   Le 20 janvier 1942, les modalités du génocide ont été définitivement arrêtées à la conférence de Wannsee, réunie près de Berlin sous la présidence de Reinhard HEYDRICH, chef de l'Office central de sécurité du Reich, secondé par Adolf EICHMANN.

  [ Heydrich, qui commandait la police secrète, la Gestapo, et les services de renseignements nazis, le SD, a été exécuté par des résistants tchèques en 1942.
Eichmann, qui s'était réfugié en Argentine après la 2ème guerre mondiale, a été repéré, enlevé et ramené par les services secrets israéliens à Jérusalem, où il a été jugé, condamné à mort et exécuté en 1961. Son procès a marqué le début en France du réveil de la mémoire juive du génocide, impulsé par Serge Klarsfeld, président de l'association des Fils et Filles de déportés Juifs de France.
En 1999, Rony Brauman et Eyal Sivan ont réalisé un montage des principaux moments de ce procès qui avait été intégralement filmé, sous le titre Un Spécialiste - Portrait d'un criminel moderne ].


   Au printemps 1942, a été lancée l'« opération Reinhard » qui concernait la liquidation des Juifs de Pologne.
   Dans le même temps, le processus d'extermination s'intensifia : de toute l'Europe occupée partirent des convois à destination des camps d'extermination, principalement celui d'Auschwitz-Birkenau.

   3. Le complexe d'Auschwitz

   Implanté en Pologne à partir de 1940, le camp d'Auschwitz est devenu rapidement le plus important et le plus vaste des complexes aménagés par les nazis dans le cadre de la « solution finale ».

   Le complexe d'Auschwitz était composé de trois camps :
      - Auschwitz I, initialement camp de concentration, transformé en camp d'extermination ;
      - Auschwitz II - Birkenau, camp d'extermination ;
     -  Auschwitz III - Monowitz, camp de travail au service de l'IG-Farben qui y avait installé une usine de caoutchouc.

Le camp principal d'Auschwitz I
photographié par la RAF, le 4 avril 1944

Le camp d'Auschwitz II - Birkenau
photographié par la RAF le 13 septembre 1944

Chambre à gaz et crématoire 2 de Birkenau

Le camp d'Auschwitz III - Monowitz,
photographié par la RAF, le 14 janvier 1945

   À partir de 1942, Auschwitz-Birkenau a été la destination de très nombreux convois de déportés raciaux en majorité juifs, venant de toute l'Europe occupée.

   Mais ce camp a reçu également des déportés non raciaux, déportés politiques et résistants, classés Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard).

   Dès leur arrivée à Auschwitz-Birkenau, les déportés étaient immédiatement triés et rangés sur deux files :
      - d'un côté, les plus vigoureux, ceux que les SS pensaient pouvoir utiliser au moins un temps pour le travail forcé ;
      - de l'autre côté, les enfants, les vieillards, les adultes hommes et femmes malades ou trop affaiblis par le voyage, qui étaient dirigés immédiatement vers les chambres à gaz.

   Au total, 1 million de déportés ont été assassinés, exécutés dans ce camp.

III. La complicité du régime de Vichy dans la mise en oeuvre de la « solution finale »

   En France, le gouvernement mis en place à Vichy par le maréchal PÉTAIN, chef de l'État français qu'il a substitué à la République, n'a jamais eu pour objectif l'extermination des juifs, mais il n'en a pas moins été l'instrument efficace de la première étape du génocide.

   En septembre 1940, à la suite de la 1ère ordonnance allemande prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée, un fichier des Juifs a été établi dans chaque préfecture, fichier ensuite régulièrement et systématiquement mis à jour.

   En octobre 1940, avec la promulgation du 1er statut des Juifs, la politique vichyste d'exclusion et de persécution, expression d'un antisémitisme et d'une xénophobie à la française, a défini, classé, marqué et isolé les Juifs résidant en France.

   Le 3 octobre 1940, le 1er statut des Juifs a exclu les Juifs de tout poste dans la fonction publique, la presse et le cinéma, et défini comme juive « toute personne issue de 3 grands-parents de race juive ou de 2 grands-parents de même race si son conjoint lui-même est juif ».

   À partir d'octobre 1940, les préfets pouvaient assigner à résidence les « étrangers de race juive » ou les interner dans des « camps spéciaux », et la police française faisait appliquer les ordonnances allemandes concernant l'obligation pour les Juifs de zone occupée d'avoir une carte d'identité portant la mention « Juif », et pour les entreprises commerciales juives d'afficher l'inscription « Entreprise juive ».

   Le 29 mars 1941, a été créé le Commissariat général aux Questions juives, chargé de mettre en application la législation antisémite de Vichy.

La propagande antisémite dans la France de Vichy

   Le 14 mai 1941, a eu lieu à Paris la « rafle » dite du billet vert : des milliers de Juifs étrangers ont été convoqués par la Police française ; 3 700 d'entre eux ont été arrêtés puis déportés.

   Le 2 juin 1941, le deuxième statut des Juifs a renforcé l'exclusion des Juifs des professions libérales, commerciales, artisanales et industrielles, et a prescrit aux Juifs de la zone non occupée de se faire recenser sous peine d'internement « dans un camp spécial même si l'intéressé est français ».

   Le 22 juillet 1941, a été promulguée une loi concernant la liquidation des biens juifs et leur passage sous contrôle d'administrateurs non juifs. Cette tâche est confiée au Commissariat général aux questions juives qui, en 3 ans, « aryanise » plus de 70 000 entreprises juives.

   Le 20 août 1941, a été ouvert le camp de Drancy, dans la région parisienne, placé sous le contrôle de la Gestapo, mais gardé par des gendarmes français.

   En 1941, près de 40 000 juifs étrangers sont internés dans des camps en zone non occupée, c'est-à-dire sur un territoire qui est encore entièrement sous l'autorité du gouvernement de Vichy.

   À partir de 1942, l'appareil d'État français, sous la direction de Pierre LAVAL, a apporté son concours à la mise en œuvre en France par les nazis de la « solution finale ».

   Le 27 mars 1942 : Départ de Drancy et de Compiègne du premier convoi vers Auschwitz.

   Le 28 mai 1942, une Ordonnance allemande a obligé les Juifs de plus de 6 ans à porter l'étoile jaune en zone occupée.

Le port de l'étoile jaune

En juin 1942, la famille Baumann de Vitry-le-François
pose, confiante sous le portrait du maréchal Pétain.
Les parents seront déportés à Auschwitz en novembre 1943.

Solange et Marc Ast photographiés devant leur maison de Saint-Memmie
près de Châlons-sur-Marne, au cours de l'été 1942,
seront déportés en octobre 1943 à Auschwitz

La mémoire de la famille Ast

   Au début du mois de juillet 1942, les nazis ont annoncé leur objectif : déporter 100 000 Juifs de France âgés de 16 à 40 ans. À la suite de négociations avec les responsables de la Gestapo, le secrétaire général à la Police, René BOUSQUET, qui avait été préfet de la Marne de 1940 à avril 1942, assura que la police française arrêterait les Juifs dans les deux zones, occupée et non occupée, et a obtenu en contrepartie que les rafles ne concernent que les Juifs étrangers. Quant aux enfants de moins de 16 ans - le plus souvent nés en France et donc français - le chef du gouvernement, Pierre LAVAL, proposa qu'ils soient déportés avec leurs parents.
   
    Les 16 et 17 juillet 1942, la police française a arrêté en région parisienne 13 152 Juifs dont 4 115 enfants ; la plupart furent parqués au Vélodrome d'Hiver de Paris avant d'être internés à Pithiviers ou à Beaune-la-Rolande puis à Drancy et déportés à Auschwitz.

   Le 7 août 1942, 10 000 Juifs étrangers ont été arrêtés en zone non occupée par la police française et livrés aux Allemands.   

   Le 31 juillet 1944 : départ du dernier convoi de Drancy pour Auschwitz.

   Plus de 80 % des Juifs déportés de France ont été arrêtés par la police française.

   En acceptant de livrer les juifs étrangers aux nazis pour affirmer la souveraineté de son gouvernement et tenter d'obtenir des concessions en faveur des Juifs français, LAVAL et BOUSQUET se sont engagés dans une politique de marchandage dangereuse et illusoire, parce que condamnée à toujours céder un peu plus aux nazis.


   67 des 72 convois de déportés raciaux qui ont quitté la France pendant l'Occupation allemande ont été acheminés à Auschwitz.

Vichy et les Juifs

IV. Le bilan de la déportation et du génocide

1/ Le bilan du génocide des Juifs : au total environ 5 100 0000 victimes

Répartition par mode d'extermination

  • Morts par suite de la « ghettoïsation » et des privations : 800 000

  • Morts par exécutions en plein air par les Einsatzgruppen et autres fusillades : 1 300 000

  • Morts dans les camps : 3 000 000

Répartition géographique

  • Europe Orientale : plus de 3 400 000 ( dont 3 000 000 en Pologne )

  • URSS : plus de 700 000

  • Europe centrale et balkanique : environ 730 000

  • Europe occidentale : environ 210 000

En France

   Au total, 76 000 Juifs ont été déportés de France vers les camps nazis, soit environ un quart de la population juive qui résidait dans notre pays en 1940. [Au début de la Seconde Guerre mondiale, bien qu'il soit difficile de l'évaluer exactement, on considère que 330 000 Juifs, approximativement, résidaient en France et que la moitié d'entre eux était étrangère].

   2 500 déportés juifs seulement ont échappé à l'extermination.


   Avec les 3 000 Juifs morts dans les camps français d'internement et le millier de Juifs exécutés ou fusillés comme otages, le bilan total avoisine les 80 000 victimes.

Dans la Marne

   Dans le département de la Marne, 321 Juifs ont été déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, représentant près d'un tiers du nombre total des déportés de ce département.

   Les grandes rafles se situent en 1944, qui est aussi l'année où a été recensé le plus grand nombre de déportés.

   La rafle de loin la plus importante a eu lieu le 27 janvier 1944 : ce jour-là, 93 Juifs marnais ont été arrêtés, dont 63 à Reims et à Tinqueux ; 83 ont été déportés à Auschwitz ; il n'y eut que deux survivantes.


   Au cours de cette rafle, qui n'a épargné ni les enfants, ni les vieillards, des familles entières ont été arrêtées et déportées, en particulier la famille Schwartzmann de Tinqueux : le père, la mère, et douze de leurs treize enfants âgés de 11 mois à 22 ans.

La famille Schwartzmann de Tinqueux

   Parmi les 321 Juifs marnais qui ont été déportés en 1942, 1943 et 1944, douze seulement ont échappé à l'extermination, ce qui représente un taux de mortalité de 96 %.

   2/ Le bilan du génocide des Tsiganes :
au total environ 250 000 victimes

  • Dans toute l'Europe sous domination allemande : environ 250 0000 Tsiganes déportés dans les camps d'extermination, c'est-à-dire 1/3 de la population tsigane.

  • En France : 15 000 Tsiganes déportés

  • Très peu ont survécu

3/ Les autres victimes de la déportation
en Europe et en France

   Pour l'ensemble de l'Europe soumise à l'annexion ou à l'occupation de l'Allemagne nazie, nous ne disposons pas d'un bilan global précis du nombre des déportés qui ne relevaient pas de la « solution finale » : on avance les chiffres de 550 000 à 650 000.

   En France, dans les années 1950-1960, l'enquête sur la déportation conduite par le Comité d'histoire de la 2ème guerre mondiale a dénombré 66 000 déportés « non raciaux », dont 1/3 seulement a survécu à la déportation.

   En 2004, le Livre-Mémorial, édité par La Fondation pour la mémoire de la déportation ( FMD ), aboutit à un bilan sensiblement plus élevé : près de 86 000 « déportés de répression » ( résistants, politiques, otages, Républicains espagnols ), dont 40 % sont morts dans les prisons ou les camps nazis.
   Parmi ces déportés :
     - 7 000 Républicains espagnols réfugiés en France et livrés aux nazis par le gouvernement de Vichy ;
     - et 5 000 résistants déportés dans le cadre du décret « Nuit et Brouillard ».

Jules Huon, déporté politique rémois à Auschwitz

   Au total, près de 162 000 déportés de répression ou de persécution, ont été acheminés depuis la France vers les camps de concentration et d'extermination nazis.

V. Se souvenir - La mémoire de la déportation

   Au retour des camps, beaucoup de déportés se sont enfermés dans un long et profond silence, fait à la fois d'angoisse et de honte, correspondant à ce qu'on a appelé le syndrome du survivant.

   Lorsque les déportés sont rentrés en France en mai-juin 1945, la France était libérée depuis près d'un an, la guerre était terminée, et l'opinion publique était toute tournée vers la reconstruction. On espérait en finir le plus vite possible avec les privations et on voulait tourner la page sur le passé.
   Finalement les résistants avaient été une toute petite minorité, minorité courageuse, minorité dérangeante.
   La majorité de la population s'était surtout préoccupée de survivre et de surmonter l'épreuve de la guerre.
   Elle s'était tant bien que mal accommodée du régime de Vichy et de l'occupation allemande vécue jusqu'en 1942-1943, comme un moindre mal par rapport au passé insupportable que constituait le souvenir de la 1ère guerre mondiale qui avait entraîné tant de morts, de blessés, provoqué tant de souffrances et de destructions.

   De leur côté, les déportés, traumatisés par ce qu'ils avaient vécu dans les camps, hantés par le souvenir de leurs camarades qui n'avaient pas survécu à la déportation, se sont culpabilisés.
   Pourquoi en suis-je revenu et pas mes camarades de déportation ?
   Comment puis-je parler de ma déportation, moi qui suis un rescapé, alors que tant de mes camarades n'en sont pas revenus ?
   N'est-il pas indécent de parler au nom de mes camarades morts dans les camps ?

   Dans le contexte du retour à la normale qui a caractérisé les années d'après-guerre, les déportés ont refoulé au fond d'eux-mêmes, leurs angoisses et leurs souvenirs.

   La plupart se trouvaient d'ailleurs dans l'impossibilité de transmettre l'indicible. Ce qu'ils avaient vécu était tellement horrible, tellement inimaginable aussi. On ne les aurait pas crus.

Le long silence qui a suivi le retour.
Quel sens lui donner ?
Quelles en sont les causes ?

témoignage de Roger BOULANGER
déporté au camp de Natzweiler-Struthof,
puis au camp de Flossenbürg,
Kommando de Johanngeorgenstadt

Silences, prise de parole et témoignage
Les historiens et la mémoire des déportés

conférence de François COCHET
professeur des universités

   1/ Les témoins survivants

   Quelques déportés, très peu nombreux, ont cependant témoigné par écrit dès leur retour des camps :

      Primo LEVI, ingénieur juif italien survivant d'Auschwitz, dans Si c'est un homme, écrit entre décembre 1945 et janvier 1947, édité en Italie en 1947 à 2 500 exemplaires, mais qui n'a connu le succès qu'à partir de la fin des années 1950, et n'a été traduit en français qu'en 1980.



Primo LEVI, Si c'est un homme,
traduit en français et publié par Julliard en 1987,
réédité aux
Éditions Pocket en 1997.

      - Robert ANTELME, rescapé du camp de Buchenwald, Kommando de Gandersheim, dans L'Espèce humaine, publié en 1947.

Robert ANTELME, L'espèce humaine,
Paris, Gallimard, 1957,
réédité dans la collection Tel en 1999.

   Aujourd'hui ces deux ouvrages sont inscrits dans les programmes scolaires des lycées et des classes préparatoires littéraires.
   Dans la Marne, quelques déportés nous ont légué des témoignages écrits, rédigés immédiatement ou peu de temps après leur retour des camps :

  • Jacques SONGY, membre du Groupe de Résistance Melpomède de Châlons, déporté au camp de Natzweiler-Struthof, puis au camp de Dachau, a consigné par écrit ses impressions à son retour de déportation.

Quelques semaines après mon retour de Dachau, en mai 1945, j'écrivais ces Fortes impressions, publiées en 1946, toutes fraîches et parfois naïves, issues des souvenirs marquants de l'expérience vécue de ma vingtième année.
   C'était le regard étonné d'un jeune homme, parmi tant d'autres, sur l'univers concentrationnaire.
   Étonné, mais aussi rempli d'une fougueuse indignation après le retour, parce qu'il lui semblait que personne n'avait rien compris à la Résistance et à la Déportation.

Jacques SONGY,
Fortes Impressions de Dachau,
illustrations de André BINOIS,
Châlons-sur-Marne, Imprimerie républicaine, édition de 1985.

  • En mai-juin 1945, Louis BRUN, qui avait été arrêté le 16 décembre 1943 à Épernay et déporté en janvier 1944 comme résistant à Buchenwald, puis à Mauthausen, Kommando de Gusen, a rédigé dès son retour de déportation une Relation sur Mauthausen - Gusen.

  • Le chanoine Lucien HESS, déporté au camp de Natzweiler-Struthof puis au camp de Dachau, a rédigé le 15 juin 1945 un mémoire sur son arrestation et sa déportation qui a été publié par l'Académie nationale de Reims.

" Arrestation et déportation
de Monsieur le Chanoine Hess
9 juillet 1944 - 29 avril 1945 "
,
Rapport sur les travaux de l'année 1944-1945
de l'Académie nationale de Reims
,
présenté par René Druart, secrétaire général

Lucien Hess photographié à Reims à son retour de Dachau

   En octobre 1946, un déporté du camp de Neuengamme, René MENU, a envoyé un rapport écrit au Procureur du Roi de Loenderborg au Danemark, sur le fonctionnement du Kommando de Fallersleben et sur les sévices infligés par un gardien SS danois de ce Kommando.

   En 1958, a été publié le témoignage de l'ancien maire de Reims, Henri NOIROT, déporté au camp de Neuengamme.

« À défaut de majorité, M. le Maire RECOUD... sa chaussette ! »
Le maire de Reims, Henri Noirot, au camp de Compiègne en juillet 1944.
Dessin de Bertrand de Vogüé.

  • Henri NOIROT, Souvenirs de guerre et de déportation d'un ancien maire de Reims ( 1944-1945 ), Discours prononcé le 28 juin 1958 à la séance publique annuelle de l'Académie nationale de Reims, Reims, Imprimerie du Nord-Est, 1958.

   En 1959, ont été publiés les témoignages de Charles GUGGIARI, déporté au camp de Neuengamme, de Suzanne LACOMBE, Jeanne-Andrée PATÉ et Léone DESPREZ, déportées au camp de Ravensbrück.

  • Souvenirs de déportés rémois, de leur arrestation à leur séjour dans les camps de la mort, Reims, Imprimerie Coulon, 1959.

   Plus récemment de nombreux déportés survivants, après une longue période de silence, de deuil, ont accepté de témoigner, au cours de colloques ou en venant dans les classes des lycées et des collèges dans le cadre de la préparation du Concours de la résistance et de la déportation.

Témoignage de Louis Carrière
déporté au camp de Neue Bremm,
puis au camp de Mauthausen - Kommando de Gusen,
transféré au camp de Flossenbürg, puis au Kommando de Leitmeritz

Témoignage de Raymond Gourlin
déporté au camp de Neuengamme
Kommando de Wilhelmshaven

Témoignage de Charles Guggiari
déporté au camp de Neuengamme
Kommando de Fallersleben

Témoignage de Lucien Hirth
déporté au camp de Neuengamme
Kommando de Bremen-Farge
rescapé du Cap Arcona et de l'Athen

Témoignage d'Yvette Lundy
déportée à Ravensbrück

Témoignage d'Andrée Paté
déportée au camp de Ravensbrück

   En janvier 2004, le témoignage de Roger BOULANGER, ancien déporté au camp de Natzweiler-Struthof, puis au camp de Flossenbürg, Kommando de Johanngeorgenstadt, a été publié par le Centre régional de documentation pédagogique de Champagne-Ardenne.

Roger BOULANGER,
La déportation racontée à des jeunes.
Parole et témoignage d'un ancien déporté
,
collection Histoire en mémoire 1939-1945,
Scérén - CRDP de Champagne-Ardenne, 2004.

  
 2/ Les associations d'anciens déportés

   Après la guerre, les anciens déportés se sont rassemblés dans une association qui a été vite confrontée aux secousses de la guerre froide. La division du monde en deux blocs, à la fin des années 1940 et au début des années 1950, a entraîné une scission chez les anciens déportés.
   Depuis cette époque, il y a en France deux grandes fédérations d'anciens déportés qui, tout en cultivant leurs différences marquées par les séquelles de la guerre froide, conjuguent leur action pour perpétuer la solidarité nouée dans les camps et le souvenir de leurs camarades morts en déportation. Certains déportés sont même affiliés aux deux fédérations.
Il s'agit de la FNDIRP et de l'UNADIF - FNDIR, qui toutes les deux publient une revue mensuelle ou bimestrielle, avec un numéro spécial consacré chaque année au thème du Concours de la Résistance et de la Déportation.

   Parce que les déportés sont désormais très peu nombreux, que leur nombre diminue de jour en jour, et qu'ils craignent qu'après leur mort, la déportation tombe dans l'oubli ou soit récupérée, instrumentalisée à des fins ne correspondant pas à leurs valeurs, ou pire encore qu'elle soit remise en question, niée, minimisée, banalisée par ceux qu'on appelle les négationnistes, les négateurs du génocide, pour toutes ces raisons, la FNDIRP a pris l'initiative en 1989, de créer la Fondation pour la mémoire de la déportation ( FMD ), initiative à laquelle s'est ralliée l'autre grande fédération, l'UNADIF-FNDIR ainsi que la plupart des associations et amicales d'anciens déportés.
   Cette fondation placée sous le haut patronage du président de la République, a pour mission d'assurer la pérennité de la mémoire de la déportation.
   Parce qu'une fondation ne peut pas juridiquement s'appuyer sur des adhérents versant une cotisation, en 1995 une association a été créée pour soutenir l'action de la Fondation pour la mémoire de la déportation.
   Il s'agit de l'association des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation ( AFMD ).
   Les Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation sont implantés dans la plupart des départements.
   En 2000, a été créée dans le même esprit la Fondation pour la mémoire de la Shoah, au nom des principes de vérité, de solidarité et de reconnaissance :
      - vérité historique sur les causes, les conditions et conséquences des lois antisémites,
      - solidarité à l'égard des déportés et victimes de ces lois,
      - fidélité à la mémoire des hommes, des femmes et des enfants, assassinés du seul fait qu'ils furent considérés comme Juifs, reconnaissance envers les « Justes ».

3/ Les lieux de mémoire

   La mémoire des déportés morts dans les camps est inscrite dans la pierre de nombreux monuments.
   Inauguré par le général de GAULLE en avril 1962, le Mémorial des martyrs de la déportation qui est dédié à toutes les personnes déportées de France, a été implanté au cœur de la capitale, derrière le chevet de Notre-Dame de Paris à la pointe de l'Île de la Cité.

   Dans la Marne, ont été érigés dans les principales villes du département des Monuments aux martyrs de la Résistance et de la Déportation :

à Reims

à Châlons-en-Champagne

à Épernay

   À Vitry-le-François, devant la gare SNCF, a été dressée une stèle-monument à la mémoire des déportés de cette ville.

   À l'entrée de la prison de Châlons, a été érigée une plaque où sont gravés les noms de 39 déportés châlonnais, résistants, politiques et raciaux.

  En 1947, à Reims, le conseil municipal a décidé de faire apposer sur la façade de leurs maisons, des plaques à la mémoire des Rémois victimes de la répression nazie pendant la 2ème guerre mondiale, fusillés, morts au maquis, déportés.

   En 1985, à l'occasion du 40ème anniversaire de la libération des camps, les élèves de troisième du Collège Saint Rémi et leur professeur d'histoire, Jocelyne HUSSON, ont recensé ces plaques parmi lesquelles ils ont compté 116 plaques portant les noms de Rémois morts en déportation.

Reims souviens-toi

   S'agissant plus spécifiquement des déportés juifs, une stèle a été érigée à Reims sur la façade de la synagogue de Reims, rue Clovis, où sont gravés 214 noms de Juifs dont l'immense majorité a été exterminée à Auschwitz.

 4/ Les commémorations

   Le 27 janvier 2004, a été organisée pour la seconde fois en France la Journée européenne de la mémoire de l'Holocauste et de la prévention des crimes contre l'humanité.
   Cette journée, instaurée en décembre 2002 constitue l'aboutissement d'un long processus de reconnaissance de la véracité et de la singularité du génocide des Juifs et des Tsiganes perpétré par les nazis, reconnaissance qui s'est longtemps heurtée dans notre pays à des réticences, à la difficulté en particulier d'admettre la complicité de l'État français, de la police française, des magistrats français, dans la mise en œuvre du génocide en France.

   Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Tribunal militaire international de Nuremberg a démonté le mécanisme d'extermination mis en place par les nazis, et fait reconnaître juridiquement les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.

   En 1948, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies a adopté la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

   En 1954, en France, une loi a décidé de faire du dernier dimanche d'avril une Journée nationale du Souvenir des victimes et héros de la déportation, sans faire de distinctions et sans reconnaître la spécificité de la déportation de ceux qu'on appelait les déportés raciaux, juifs et tsiganes.

   En 1964, la loi a déclaré imprescriptibles les crimes contre l'humanité dans notre pays.

   Les années 1970 furent marquées par le réveil d'une mémoire juive attachée à faire reconnaître la spécificité du génocide perpétré par les nazis, réveil déclenché initialement par le procès Eichmann, qui s'est déroulé à Jérusalem en 1961.
   Serge KLARSFELD, avocat et président des Fils et Filles des Déportés Juifs de France ( FFDJF ) et son épouse Beate, se lancèrent sur les traces des anciens criminels de guerre nazis et réclamèrent, avec l'appui de plusieurs associations d'anciens déportés, le jugement des responsables nazis de la « solution finale », ainsi que de leurs complices français.

    Leur action a abouti en 1987, après bien des péripéties judiciaires, à la condamnation de Klaus BARBIE, chef de la Gestapo de Lyon, en 1994 à celle de Paul TOUVIER, chef de la Milice à Lyon et à Chambéry, et en 1998 à celle de Maurice PAPON, haut fonctionnaire du gouvernement de Vichy, qui avait été secrétaire général de la Gironde de 1942 à 1944.

   En 1993, le 16 juillet a été instauré Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l'autorité de fait dite « gouvernement de l'État français » ( 1940-1944 ).
   La date choisie pour cette commémoration correspond à la date anniversaire de la rafle du Vélodrome d'Hiver, au cours de laquelle la police française a arrêté les 16 et 17 juillet 1942, plus de 13 000 Juifs de la région parisienne, dont près d'un tiers étaient des enfants.
    Une plaque du souvenir a été érigée au chef-lieu de chaque département devant laquelle se déroule chaque année, une cérémonie commémorative présidée par le préfet, le dimanche 16 juillet si ce jour tombe un dimanche, sinon le dimanche suivant.

La Journée nationale des persécutions racistes et antisémites

   En 1995, peu de temps après son élection à la présidence de la République, à l'occasion du 53ème anniversaire de la Rafle du Vélodrome d'Hiver, Jacques CHIRAC a reconnu officiellement et solennellement la complicité de l'État français dans la mise en œuvre du génocide en France sous Vichy :

« Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions.
   Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'État français.
   La France, patrie des Lumières, patrie des Droits de l'homme, terre d'accueil, terre d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable ».

Jacques CHIRAC en 1995

   Depuis 2000, l'intitulé de la journée commémorative du 16 juillet a été transformé en Journée nationale à la mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France.
   Il s'agissait de lever les ambiguïtés du décret de 1993 qui faisait références aux « persécutions racistes et antisémites commises sous l'autorité de fait dite " gouvernement de l'État français ( 1940-1944 ) " », et d'affirmer explicitement qu'il s'agissait bien de « crimes racistes et antisémites de l'État français », sans circonvolutions et sans mettre l'État français entre guillemets.
   En même temps, la loi définissait comme « Justes », les personnes « ayant recueilli, protégé ou défendu, au péril de leur vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes menacées de génocide ».

   Cette date du 16 juillet étant située en période de vacances scolaires, il est difficile évidemment d'y associer les enseignants et leurs élèves.

   En octobre 2002, à Strasbourg, les ministres de l'Éducation des 48 pays signataires de la Convention culturelle du Conseil de l'Europe, réunis à l'occasion d'un colloque ayant pour thème Enseignement de la Shoah et création artistique, ont adopté une déclaration instituant une Journée de la mémoire de l'Holocauste et de la prévention des crimes contre l'humanité dans les écoles, conformément à l'engagement qui avait été pris en octobre 2000, à la Conférence des ministres européens de l'éducation à Cracovie, en Pologne.
   La délégation française à ce colloque était conduite par Xavier DARCOS, ministre délégué à l'enseignement scolaire, et président du Groupe d'action international pour la mémoire de la Shoah, créé sous l'égide du Conseil de l'Europe.

    À l'origine, cette journée commémorative devait être dans son intitulé élargie à tous les génocides.
   Simone VEIL, ancienne présidente du Parlement européen, ancienne ministre française et présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, qui participait à ce colloque, a exprimé sa crainte d'une banalisation du génocide des Juifs et des Tsiganes.
   À sa demande, la délégation française a obtenu que la formulation retenue, « Journée de la mémoire de l'Holocauste » reconnaisse clairement la spécificité et la singularité du génocide perpétré par les nazis, bien distingué et identifié par rapport aux autres crimes contre l'humanité.

   L'organisation de cette journée est laissée à l'initiative de chacun des États.
   En France, cette journée est organisée le 27 janvier, jour anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz en 1945.

Journée de la mémoire de l'Holocauste
et de la prévention des crimes contre l'humanité

   Il est vrai que l'appellation de cette journée, qui fait référence au terme holocauste, est contestée par certaines associations d'anciens déportés et la plupart des historiens français qui préfèrent le terme de génocide, forgé par un juriste américain d'origine polonaise, Raphaël LEMKIN, ou encore celui de Shoah, mot hébreu qui signifie « catastrophe », repris par Claude LANZMANN en 1985.
   Le mot « holocauste » est issu de la traduction en grec d'un passage de la Bible désignant un sacrifice fait à Dieu et entièrement brûlé par le feu. Depuis les années 1950, il a été repris par les historiens anglo-saxons et popularisé à la fin des années 1970 par le succès d'un film américain sur l'extermination des Juifs d'Europe, diffusé sur toutes les télévisions du monde.
   Mais au-delà de ces querelles de vocabulaire, le bien fondé de cette journée n'est pas remis en cause.
   Elle a bien pour objectif, comme le rappelle la circulaire du directeur de l'enseignement scolaire publiée au
Bulletin Officiel, d'« engager une réflexion sur l'Holocauste et les génocides reconnus », et d'« apprendre aux élèves à être vigilants, à défendre les valeurs démocratiques et à combattre l'intolérance ».

Méditons l'appel de Primo LEVI :

« Vous qui vivez en toute quiétude,
bien au chaud dans vos maisons
n'oubliez pas que cela fut
non ne l'oubliez pas  »

VI. Quelques ressources documentaires pour préparer le voyage à Auschwitz

Classement alphabétique par auteur

 Stéphane BRUCHFELD et Paul A. LEVINE, « Dites-le à vos enfants » - Histoire de la Shoah en Europe 1933-1945, Paris, Ramsay, 2000.

 Claudine CARDON-HAMET, Les 45 000 - Mille otages pour Auschwitz - Le convoi du 6 juillet 1942, Fondation pour la mémoire de la déportation et Graphein, 1997.

   Marion et Henry - Roland COTY,  Les camps de concentration nazis 1933-1945, vidéocassette réalisée sous le patronage de la Fondation pour la mémoire de la déportation à l'occasion du 50ème anniversaire de la libération des camps, 87 minutes, livret pédagogique réalisé par le CRDP de Champagne-Ardenne, 1995.
    Système concentrationnaire et génocide sont replacés dans le contexte politique, militaire, économique de l'Allemagne, confrontée à la montée et au triomphe du nazisme. Le film retrace l'évolution du système concentrationnaire nazi tel qu'il a été appliqué aux opposants politiques, aux résistants et aux victimes de la sélection raciale, en s'appuyant sur les témoignages de déportés accompagnés d'images d'archives parfois inédites.

 Jean-François FORGES, Shoah de Claude Lanzmann - Le cinéma, la mémoire, l'histoire, L'Eden Cinéma, CNDP - Arts et Culture - Ministère de l'Éducation nationale, 2001.

 Claude LANZMANN, Shoah ( extraits ), DVD-vidéo, 173 minutes, livret d'accompagnement, hors commerce, L'Eden Cinéma, CNDP - Arts et Culture - Ministère de l'Education nationale, 2001.
   1/ La disparition des traces ( 34 minutes 23 )
   2/ Les chambres à gaz de Treblinka et d'Auschwitz
( 27 minutes 15 )
   3/ Polonais de Grabow ( 19 minutes 41  )
   4
/ Polonais de Chelmno ( 17 minutes )
   5/ Le processus de la mise à mort à Treblinka ( 34 minutes 29 )
   6/ Vie et mort à Birkenau des Juifs du camp des familles de Theresienstadt ( 37 minutes 38 )

  Pascal LE BERRE, Aide-mémoire du crime contre l'humanité, vidéocassette, 52 minutes, CDDP de l'Eure,1994.
   Les témoignages de survivants d'Auschwitz et les commentaires de l'historien Henry ROUSSO et de l'avocat Henri LECLERC.

 Anne GRYNBERG, La Shoah, l'impossible oubli, témoignages et documents, Découvertes - Histoire du XXème siècle, n° 236, Paris, Gallimard, 1995.

 Dominique NATANSON, La Shoah et les crimes nazis, J'enseigne avec l'Internet, Scérén / CRDP de Bretagne, 2002.

 Alain RESNAIS, Nuit et Brouillard, film documentaire sur un texte écrit par Jean CAYROL, dit par Michel BOUQUET, vidéocassette, 32 minutes, Paris, CNDP / Argos Films, 1956.
   Réalisé en 1955 en collaboration avec le Comité d'histoire de la 2ème guerre mondiale et de son président Henri Michel, ce film qui traite de la déportation en général a fait l'objet à sa sortie de ce qu'on peut appeler une « censure-boycott ».
   Alain Resnais fut en effet contraint, pour obtenir le visa d'exploitation de son film, d'effacer le képi d'un gendarme français filmé par les Allemands au camp de Pithiviers, c'est-à-dire de gommer la complicité du gouvernement de Vichy et la participation de la police française à la mise en œuvre en France par les nazis de la « solution finale ».
   Sélectionné pour représenter la France au Festival de Cannes en 1956, le film a été retiré de la sélection à la suite des pressions diplomatiques de l'ambassade de la République fédérale d'Allemagne auprès du Quai d'Orsay et du gouvernement français.
   Le film fut interdit en Suisse au nom de la neutralité, et il n'avait jamais été programmé à la télévision française jusqu'à ce que Michel Polac ait décidé de le diffuser à l'improviste, à la fin de son émission « Droit de réponse » sur TF1, en septembre 1987, pour répliquer à Le Pen qui venait de déclarer, dans le contexte du procès Barbie, que « les chambres à gaz n'étaient qu'un point de détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale ».
   Le film reçut néanmoins le prix Jean Vigo en 1956 et fut largement diffusé dans le circuit des cinéclubs.
   En 1992, après l'arrêt de non-lieu prononcé par la Cour d'Appel de Paris en faveur de l'ancien chef de la Milice à Lyon, Paul Touvier, arrêt qui suscita une vive émotion, la cassette-vidéo de ce film a été envoyée dans tous les lycées publics et privés par le Centre national de documentation pédagogique, à la demande du ministre de l'Éducation nationale, Jack Lang.
   En 1997, le texte du commentaire de Jean CAYROL qui avait été publié en 1949 dans la revue Esprit, a été réédité dans la collection de poche, Libres-Fayard.


 Agnès TRIEBEL, Raconte moi... La déportation dans les camps nazis, préface de Marie-José CHOMBART DE LAUWE, collection du citoyen, Nouvelle Arche de Noé éditions, 2003.

 Annette WIEVIORKA, Auschwitz expliqué à ma fille, Paris, Le Seuil, 1999.

Sur la Shoah, ensemble pédagogique composé de 10 ouvrages et de 4 affiches, CNDP / CRDP de Bourgogne, 1998 :

  Jean-Michel LECOMTE ( coordination ), Savoir la Shoah, collection Documents, actes et rapports pour l'éducation ;
  - Christine SYREN, Shoah, une bibliographie ;
  - " Le mal impensable ? ", Philomène n° 10 ;
  - Jean-Michel LECOMTE et Nicolas GIACOMETTI, Enseigner sur la Shoah, Les carnets - collection pédagogique du CRDP de Bourgogne ;
  - Philippe LE MAÎTRE, Unicité de la Shoah, Savoir et transmettre ;
  - Didier MÉNY, Shoah : limites de l'histoire, Savoir et transmettre ;
  - Pierre-Yves GAUDARD, Shoah : l'impasse des explications monocausales, Savoir et transmettre ;
  - Philippe LE MAÎTRE, Le catholique et la Shoah, Savoir et transmettre ;
  - Jean-François FORGES, Shoah : le silence français, Savoir et transmettre ;
  - Jean-Michel LECOMTE, Shoah et formation citoyenne, Savoir et transmettre ;

  - Carte des camps de concentration et d'extermination en Europe  ;
  - Carte du maillage ferroviaire de l'Europe vers Auschwitz  ;
  - Carte de la France des camps ;
  - Plan d'Auschwitz-Birkenau, camp d'extermination.

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