LHistoire et mémoire de la déportation > La famille Ast
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La mémoire de la famille Ast à Saint-Memmie,
Châlons-en-Champagne, Reims, Paris et Villeurbanne

 

  Alfred et Rachel AST étaient des Juifs polonais immigrés en France qui se sont d'abord installé à BelfortSulamite (Solange), leur fille aînée, est née en 1925. Ils ont ensuite déménagé dans la Marne, à Reims où est né leur fils Marc en 1934, puis à Saint-Memmie 19, rue du Grand Mau.
   Sous l'Occupation, Alfred AST qui avait acquis la nationalité française en 1937, en a été déchu
par le décret-loi du 19 juillet 1941. Frappé par l'interdiction de tenir un magasin, il vendait sur les marchés de la bonneterie confectionnée par Rachel. Après les arrestations de Juifs marnais du 26 février 1942, persuadé que seuls les hommes juifs pouvaient être inquiétés et que Rachel, Solange
et Marc ne couraient aucun danger à Saint-Memmie, il est allé se réfugier chez sa belle-sœur, Lola MOLCZADSKI, à Riom-ès-Montagnes dans le Cantal.
   La famille a pu rester en contact grâce à de rares cartes interzones qui transitaient par mesure de sécurité par le Café des oiseaux tenu à Châlons par les BARAT dont le fils Georges était un ami de Solange.

Carte envoyée le 20 mai 1942 à Rachel par son demi-frère Henri Rubin

Solange et son frère Marc, photographiés devant leur maison de Saint-Memmie
au début de l'été 1942, avant leur départ pour Lyon


(Photographie communiquée par Georges Barat à Jocelyne Husson,
qui figure en couverture de l'ouvrage
La Déportation des Juifs de la Marne,
publié en 1999 aux Presses universitaires de Reims)

   Quand le 14 juillet 1942 Alfred AST a appris que Rachel était arrivée à Lyon avec les enfants pour se rapprocher d'Henri RUBIN, il les a rejoints aussitôt. Ils se sont installés dans un garni situé au 8, rue Tronchet dans le 6e arrondissement de Lyon.
   Le 21 septembre 1943, Alfred et Rachel AST, en visite chez Henri et Betty RUBIN, y ont été arrêtés par la Gestapo en même temps que les RUBIN et leurs trois enfants, Marianne (13 ans), René et Félicie (des jumeaux âgés de 15 ans).
  
Le lendemain, Solange et Marc ont été arrêtés à leur tour à leur domicile de la rue Tronchet.
   La famille AST a été incarcérée à la prison du Fort de Montluc, dans la « baraque aux Juifs ».

Fort de Montluc : emplacement de la « baraque aux Juifs »

   Transférés à Drancy, les Ast ont été déportés par le convoi n° 60 du 7 octobre 1943.
   Selon le témoignage d'Alfred AST, qui fut l'un des 11 rescapés marnais de la Shoah, la famille fut séparée à l'arrivée à Auschwitz :

   Ma femme, ma fille âgée de 18 ans et moi furent choisis pour travailler.
   Mon fils Marc, âgé de 9 ans, fut tout de suite sélectionné.
   Ma femme supplia alors les SS de ne pas la séparer du petit …
   Elle monta dans le camion qui la conduisit directement avec Marc à la chambre à gaz.
   Ma fille Solange, envoyée au camp de femmes, apprit la vérité deux jours plus tard.
   Elle voulait se suicider.
   Mais une camarade l'en empêcha : " Ne faites pas cela. Votre père est vivant… Tenez le coup ".
   Mais ma fille ne tint pas le coup.
   Elle tomba malade, ou elle fut envoyée au block 10 pour les expériences.
   Je ne l'ai plus revue.

    Quant à Alfred AST, il a été employé comme mécanicien à l'usine Buna d'Auschwitz-Monowitz jusqu'à l'évacuation du Kommando en janvier 1945 et son transfert à Dora où, selon son témoignage, il a connu des conditions encore plus difficiles. Libéré le 7 avril 1945, mais intransportable, il a été soigné dans un hôpital de campagne américain avant son rapatriement et son hospitalisation pendant plus de deux mois à l'Hôpital Bichat à Paris.

 

   Solange AST, jeune fille chaleureuse et pleine de vie, a laissé un souvenir fort chez ses camarades de classe et ses amis de La Renaissance, la société de gymnastique qu'elle fréquentait à Châlons-sur-Marne.
   Son nom fut donné à la salle annexe du cirque utilisée par La Renaissance de 1946 à 1984, et aussi à un challenge récompensé par un trophée représentant une mouette qui prend son envol
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Le trophée Solange Ast

   En 1986, la société de gymnastique La Renaissance s'est installée dans le nouveau Palais des Sports Pierre de Coubertin 47, boulevard Justin Granthille.
   Depuis le 16 septembre 2000, sa salle de gymnastique porte à nouveau le nom de Solange AST.
L'inauguration a eu lieu, en présence de Bruno BOURG-BROC, député-maire de Châlons-en-Champagne et de Bernard DROINGT, président de la Renaissance Gymnastique. Au cours de cette cérémonie, Alain RUBIN FILLON, cousin de Solange, a évoqué avec émotion le souvenir de la famille AST.

La Salle Solange Ast du Palais des sports de Châlons-en-Champagne

   Solange AST a fait aussi l’objet d’une remarquable travail de mémoire mené au collège Victor Duruy de Châlons-en-Champagne où elle fut élève. Ce projet pédagogique intitulé Chemins de mémoire a été mené chaque année depuis 2016 par deux classes de Troisième sous la conduite de leurs professeurs, Christèle LOMER-BRÉHIER (lettres), Cécile BOUDES et Christophe LUCAS (Histoire-Géographie), Samuel IPAS (Éducation physique et sportive) qui se sont posé la question de la transmission de la mémoire de la Shoah auprès de leurs élèves : comment les rendre parties prenantes du travail de mémoire ?
   Le premier acte de ce projet fut de faire revivre le Challenge Solange Ast au collège. À la suite d’un article paru dans L’Union relatant ce travail, Liliane MOREAU-MORET, qui avait conservé les lettres de son amie Solange envoyées depuis Lyon, les a communiquées aux enseignants, avant de les déposer au Mémorial de la Shoah à Paris. Ces lettres pleines d’amitié, de tendresse, de fantaisie et de courage face à l’adversité sont devenues pour les élèves des documents d’histoire vécue et donc vivante.
   Au fil des années, le travail des élèves a permis de jalonner les Chemins de mémoire de traces mémorielles.
   Depuis octobre 2018 la salle de réunion du collège Victor Duruy porte le nom de « Salle Solange Ast ».

Dans le collège Victor Duruy de Châlons-en-Champagne

Le 27 février 2019 Jocelyne Husson a présenté son travail sur la déportation des Juifs de la Marne
aux élèves du collège Victor Duruy de Châlons-en-Champagne

   Le 28 février 2019, les élèves étaient présents à Villeurbanne devant le numéro 112 de la rue Anatole France où a été inaugurée une plaque dont le texte issu du travail des élèves rappelle l’arrestation en ces lieux des parents AST et de la famille RUBIN.

L'inauguration de la plaque commémorative apposée au numéro 112 de la rue Anatole France à Villeurbanne

La réception à l'Hôtel de Ville de Villeurbanne : Christèle Lomer-Bréhier présente le travail de mémoire
sur les familles Ast-Rubin réalisé par les élèves du collège Victot Duruy de Châlons-en-Champagne,
et Danièle Moreau lit quelques lettres échangées par sa mère Liliane avec son amie Solange Ast.

   Ce déplacement à Villeurbanne a été l’occasion d’un voyage de mémoire de deux jours menant les élèves dans plusieurs lieux : à la Maison d’Izieu, à la prison de Montluc à Lyon où ont été détenus les AST et les RUBIN avant leur transfert à Drancy ; enfin à Saint-Genis-Laval sur les lieux du massacre du 20 août 1944.

   Partis de l’histoire de Solange, les élèves ont découvert celle de son cercle familial et de façon plus globale celle de la Shoah. Leur travail a finalement abouti à la réécriture du panneau qui, dans une des cellules de la prison de Montluc, rappelle la mémoire de la famille RUBIN et à la rédaction de la notice d’Alfred AST dans le Livre des déportés de France à Mittelbau-Dora paru au Cherche-Midi en avril 2020.

   Dans la Marne, les noms de Rachel, Solange et Marc AST sont gravés sur le monument aux morts et sur une plaque commémorative apposée dans le hall de la mairie de Saint-Memmie.

Sur le monument aux morts et dans le hall d'entrée de la mairie de Saint-Memmie

    Ils figurent aussi à Châlons-en-Champagne sur deux plaques commémoratives apposées, l'une à l'intérieur de la synagogue, l'autre sur la façade de la prison, et à Reims sur la stèle érigée devant la synagogue.

À l'intérieur de la synagogue de Châlons-en-Champagne

À l'entrée de la prison de Châlons-en-Champagne

Devant la synagogue de Reims

À Paris, Les noms des quatre membres de la famille AST sont inscrits sur le Mur des noms au Mémorial de la Shoah.

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