Histoire et mémoire 51 > Histoire et mémoire de la résistance > André Schneiter

André SCHNEITER
chef de CDLR, du BOA et des FFI de l'arrondissement de Reims
arrêté le 8 juillet 1944 à Reims et exécuté àTournes le 29 août 1944

Le chef du BOA et des FFI de l'arrondissement de Reims

L'arrestation à Reims

Le transfert à la prison de Charleville et l'exécution à Tournes

Le souvenir d'André Schneiter à Reims et dans les Ardennes

Les sources

___________________________________________________________________________________________________

Le chef du BOA et des FFI de l'arrondissement de Reims

   André SCHNEITER est né le 27 juin 1914 à Reims, où il exerçait la profession de courtier en vin de Champagne.

   En mai-juin 1940, lors de l'offensive allemande, son unité combat en Belgique, puis dans la poche de Dunkerque, où elle embarque pour l'Angleterre. Rapatrié, il participe à la Campagne de France et reçoit la Croix de guerre.

   En 1941-1942, dès que le mouvement Ceux de la Résistance ( CDLR ) se structure dans la Marne, il y adhère et y participe activement.

   Depuis l'arrestation le 10 juin 1943 du docteur Jean QUENTIN, chef de CDLR, la direction de ce mouvement est assurée dans la Marne par Henri BERTIN qui est aussi chef départemental de l'Armée secrète et du Bureau des opérations aériennes ( BOA ).

   En octobre 1943, André SCHNEITER est désigné comme chef du BOA de l'arrondissement de Reims ; c'est lui qui désormais prend en charge les réceptions de parachutages.

   En novembre 1943, il organise le départ pour l'Angleterre des résistants marnais recherchés activement par la Gestapo. Avec l'aide du groupe CDLR de Gueux, dirigé par Pol PONCELET, il balise un terrain dépendant de la Ferme de Montazin, entre Savigny sur Ardres et Jonchery, et en transmet les coordonnées à Londres.
   
   Dans la nuit du 11 au 12 novembre 1943, dans le cadre de l'opération « Salvia », deux avions Lysander appartenant au 161e Escadron de la RAF atterrissent sur ce terrain. Alfred CHABAUD, professeur à l'École des arts et métiers de Châlons-sur-Marne révoqué par Vichy et membre du Réseau Brutus Nord laisse sa place a Henri BERTIN qui, en tenue d'officier français, y prend place avec d'autres membres de la Résistance : 
Pierre HENTIC, chef des opérations aériennes du réseau Jade-Fitzroy,  le colonel TRELLU, FORTIER agent SR Giraud, SIMORRE, Raoul POTELETTE de Résistance-Fer et son épouse. Les deux avions décollent rapidement. Le groupe de réception récupère le matériel de balisage et évacue les lieux en parvenant à échapper aux patrouilles allemandes qui, ayant repéré l'opération, se rendent dans le secteur.

   En décembre 1943, lorsque Gilbert GRANDVAL, commandant en chef de la Région C, prend contact avec le département de la Marne, c'est sur le conseil d'André SCHNEITER qu'il désigne Pierre BOUCHEZ, industriel rémois, président du Groupement interprofessionnel des syndicats patronaux de la Marne, chef d'escadron de réserve et membre de l'état-major marnais de CDLR, pour commander les Forces françaises de l'intérieur ( FFI ) du département.

   Depuis le départ de BERTIN pour Londres, c'est le chef de Ceux de la Libération ( CDLL ), Jean-Jacques GOGUEL, directeur du service du Commissariat au travail des jeunes installé à la sous-préfecture de Reims, qui le remplace à la tête de CDLR dans la région de Reims, fonctions qu'il cumule avec celles de chef de l'Armée secrète et des FFI de l'arrondissement de Reims.

   Ce manque de cloisonnement s'avère dramatique lorsqu'à la fin de l'année 1943 la résistance marnaise est décimée par les arrestations.

   
Le 14 décembre 1943, Jean-Jacques GOGUEL est arrêté à Reims par la Gestapo, et déporté le 21 mai 1944 à Neuengamme.

   Le 27 décembre 1943, André SCHNEITER est désigné pour remplacer Jean-Jacques GOGUEL à la tête des FFI de l'arrondissement de Reims.

L'arrestation à Reims

   Le 28 décembre, André SCHNEITER échappe aux agents de la Gestapo qui enfoncent la porte de son domicile 26, boulevard de la Paix à Reims, en prenant la fuite par les toits.

   Le même jour, Jacques DÉTRÉ, secrétaire du Groupement interprofessionnel des syndicats patronaux de la Marne, collaborateur de Pierre BOUCHEZ et lui aussi membre de l'état-major de CDLR, est arrêté à Reims dans son bureau 10, place Godinot et torturé à mort dans les locaux de la Gestapo.

    Pierre BOUCHEZ, voyant arriver les agents de la Gestapo depuis le bureau situé au 1er étage de son entreprise des Filatures et Tissages de Reims 36, rue Boulard, parvient à leur échapper en sautant par la fenêtre et en se réfugiant dans la cour d'une maison voisine.

   André SCHNEITER traqué par la Gestapo se réfugie 33, rue du Barbâtre chez Berthe HESTREST, secrétaire du chef départemental des FFI, puis 86, rue Chanzy à la Maîtrise où il est pris en charge par l'abbé Lucien HESS  qui lui fournit des habits ecclésiastiques et lui trouve un refuge à l'Abbaye d'Igny. Il s'y cache, puis se rend à Paris avant de revenir à Reims en mars 1944, pour y reprendre l'action clandestine sous le pseudonyme d'André SALAVIN, comportant les mêmes initiales que son vrai nom.

    Le 8 juillet 1944, André SCHNEITER est arrêté à Reims par la Gestapo au domicile de Maurice et Marie-Thérèse OGNOIS 43, rue Ruinart de Brimont.
   Cette arrestation intervient après le démantélement, le 18 juin 1944, du maquis franco-belge du Banel, dirigé par Adelin HUSSON, pseudo Georges, suite à l'infiltration au sein de la Résistance sedanaise de l'agent de l'Abwehr Charles-Antoine ROEMEN, alias RUDEAULT. Adelin HUSSON a été tué lors de l'opération menée contre ce maquis, mais son agent de liaison et représentant auprès de la Résistance ardennaise, Roland FONTAINE, pseudo Victor DELCOURT, a été capturé par les Allemands.
   L'abbé FONTAINE, curé de Savigny-sur-Ardres dans la Marne, ami de l'abbé Lucien HESS de Reims, membre de Libération-Nord, avait auparavant apporté son aide à Raymond GALLET de Fismes, agent du réseau d'évasion POSSUM, dans l'hébergement de plusieurs aviateurs de la RAF, avait fourni des renseignements concernant le repérage de possibles terrains d'atterrissage dans la Marne, et avait soigné des pilotes blessés et malades. Recherché par la Gestapo dans la Marne après le démantélement du réseau Possum fin décembre 1943, il s'était réfugié à Laiches en Belgique, et était entré au maquis du Banel le 12 janvier 1944.

Le transfert à la prison de Charleville et l'exécution à Tournes

   Incarcéré à la prison de Charleville, l'abbé FONTAINE est interrogé par Charles-Antoine ROEMEN et, sous la torture, lâche probablement les noms de ses connaissances dans la Marne, notamment celui de Maurice OGNOIS, membre de Libération-Nord à Reims.
   Le 3 juillet 1943, ROEMEN s'était rendu à Reims au domicile de Maurice OGNOIS à qui il s'était présenté sous le nom de CHARLES, agent de l'Iinelligence Service, ami de l'abbé FONTAINE et membre du maquis du Banel. Il lui expliqua que le maquis du Banel était tombé, que l'abbé FONTAINE, ayant réussi à s'enfuir, se cachait, et qu'il l'avait chargé de prendre contact en son nom avec la résistance marnaise pour lui proposer de récupérer une partie du stock d'armes et d'explosifs du maquis du Banel qui avait, disait-il, échappé aux recherches des Allemands. En outre, il lui proposa d'assurer la liaison entre la résistance ardennaise et la résistance marnaise.
  Maurice OGNOIS lui avait répondu qu'il n'était pas habilité à traiter d'affaires militaires, qu'il devait en référer à ses chefs dont il ignorait les adresses, et qu'il lui faudrait plusieurs jours pour prendre contact avec eux. Il proposa donc à ROEMEN un rendez-vous fixé au 8 juillet à son domicile.
   Le samedi 8 juillet 1943, en début d'après-midi, cette seconde rencontre avec ROEMEN a lieu en présence de Paul SCHLEISS responsable rémois de Libération-Nord contacté par Maurice OGNOIS, accompagné d'André SCHNEITER.
   
ROEMEN se présente comme un résistant condamné à mort par la Gestapo, exhibe une vraie-fausse carte du parti collaborationniste le Rassemblemnt national populaire ( RNP ), carte qui, déclare-t-il, lui sert de couverture, et des papiers qui l'accréditent auprès d'eux.
   
André SCHNEITER se présente sous son pseudo André SALAVIN et en qualité de chef militaire de l'arrondissement de Reims.
   
La discussion s'engage et porte sur la récupération des armes et des explosifs du maquis du Banel, dans les Ardennes.
   
Au milieu de la conversation, la sonnette retentit à la porte. Maurice OGNOIS se lève, va ouvrir et se trouve en face de quatre agents de la Gestapo, tandis que dans la pièce, ROEMEN sort un révolver et met en joue André SCHNEITER et Paul SCHLEISS.
  En même temps qu'André SCHNEITER et Paul SCHLEISS, sont arrêtés Maurice et Marie-Thérèse OGNOIS, ainsi que leur fille Denise, âgée de 18ans, et leur nièce, Jacqueline THIRION.
Ils sont tous transférés à la prison de Charleville où est déjà détenu l'abbé FONTAINE.

   Le 29 août 1944, alors que commence la libération de la ville de Reims où son frère Pierre va être nommé sous-préfet, et que l'armée allemande évacue Charleville, André SCHNEITER fait partie d'un groupe de treize otages choisis au hasard, avec Paul SCHLEISS, Marie-Thérèse OGNOIS et Henri MOREAU, chef départemental du BOA dans les Ardennes, puis dans la Marne. Transférés en camion hors de la ville, ils sont fusillés en bordure du Bois de la Rosière, sur le territoire de la commune de Tournes.

   Voici comment, sous le titre " Un de leurs derniers crimes ", l'historien ardennais, Jacques VADON, a retracé le massacre du Bois de la Rosière :

   Le 29 août 1944, quelques heures avant leur départ, les Allemands se résignent à libérer les patriotes détenus à la prison de Charleville, place Carnot, environ une cinquantaine d'hommes et de femmes.
   Mais sur l'insistance de la Gestapo et de la Milice française, ils décidèrent de fusiller au préalable quelques otages.
   Et c'est ainsi que treize malheureux, désignés au hasard, sont extraits de leur cellule et transportés en camion au bois de la Rosière ( commune de Tournes ) où ils sont aussitôt abattus.
   On leur avait fait croire qu'on allait les libérer.
   Parmi eux, il y avait deux femmes.

Les fusillés du Bois de la Rosière le 29 août 1944 à Tournes
  De droite à gauche :

                - Marie-Thérèse OGNOIS, un bouquet de fleurs glissé sous son bras par des habitants de Tournes
                - Paul SCHLEISS en pantalon rayé
                - et André SCHNEITER

   André SCHNEITER a été décoré à titre posthume de la Légion d'Honneur.
   Il ne figure pas sur le registre des Combattants volontaires de la Résistance ( CVR ) de la
Marne, qui compte pourtant un certain nombre de CVR à titre posthume.

Le souvenir d'André Schneiterà Reims et dans les Ardennes

À Reims

   Le nom d'André SCHNEITER est gravé sur le Monuments aux Martyrs de la Résistance érigé à Reims dans les Hautes Promenades à proximité du Monument aux morts et de la gare.

Ils ont combattu, ils ont souffert, ils sont morts pour le même idéal

    En 1974, l'ancien Brigadier-chef FFI, Albert MANOUVRIER, qui a combattu sous leurs ordres dans la Résistance, a dédié un poème au lieutenant André SCHNEITER
associé au lieutenant Louis Armand PAILLARD qui s'achève par cette strophe :

Vous, Martyrs de la Résistance,
Purs flambeaux de l'humanité,
Fiers visages de notre France
et gage de sa liberté,
Vous avez marché à la mort,
Les yeux ouverts, sourds aux dangers,
Comme la barque sort du port
S'élance vers les naufragés...
Notre chant de reconnaissance
Vous rejoint dans l'Éternité.

   
   Une plaque commémorative a été apposée en 1947 par la municipalité de Reims à son domicile 26, boulevard de la Paix, et une rue de Reims porte son nom depuis 1971 dans le quartier Croix Rouge.


26, boulevard de la Paix

Quartier Croix Rouge

Au Tennis-Club de Reims
15, rue Lagrive

    Le nom d'André SCHNEITER est également inscrit sur la plaque commémorative « À nos camarades victimes de la guerre 1939-1945 »érigée en 1947 dans le hall d'entrée du Tennis Club de Reims où où un bâtiment d’extension construit après la guerre a été baptisé « Courts André Schneiter ».


Le Monument du Bois de la Rosière à Tournes

   Le nom d'André SCHNEITER et celui de ses camarades rémois exécutés par les nazis dans les Ardennes, sont gravés sur le Monument du Bois de la Rosière érigé à Tournes , sur le lieu où ils ont été fusillés le 29 août 1944, et sur le Mémorial de la Résistance ardennaise qui se dresse sur le plateau de Berthaucourt à Charleville-Mézières.

29 août 1944
Aux martyrs de la Résistance
Ils ont donné leur vie
pour nous
Ne l'oublions jamais

 

Le Mémorial de la Résistance ardennaise
à Charleville-Mézières


La notice d'André Schneiter dans le Dictionnaire Maitron des fusillés exécécutés


Les trois Rémois exécutés à Tournes le 29 août 1944 fusillés à Tournes le 29 août 1944


Les sources

- Archives départementales de la Marne, M 4774, personnes domiciliées dans la Marne, fusillées ou décédées en détention hors du département, liste dressée à la demande du ministère de l'Intérieur en octobre 1944.
- Archives de CDLR-Marne.
- Archives du COSOR.

- Notice biographique dans L'Union des 15 et 16 décembre 1945, reprise in extenso dans Albert MANOUVRIER, La Résistance au quotidien dans la ville que j'ai tant aimée, Ajaccio, La Marge, 2ème édition, 1991.

- Jean-Pierre HUSSON, La Marne et les Marnais à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale, Presses universitaires de Reims, 2 tomes, 2e édition, 1998.
- Jocelyne HUSSON, Reims Souviens-toi 1945-1985 - Étude des plaques dédiées à la mémoire des victimes rémoises de la répression nazie, PAE réalisé avec les élèves de troisième du collège Saint Remi de Reims, L'Atelier Graphique, 1985.
- Jean JOLY et Daniel MARQUET, Mouvement Ceux de la Résistance- Arrondissement de Reims, 338 pages dactylographiées,1998.
Philippe LECLER, " La collaboration en Ardenne : le cas de Charles-Antoine Roemen, alias Renault ", Terres ardennaises, n° 85, décembre 2003.
- Michel PICHARD, alias Pic, alias Gauss, chef du BOA, " Note relative aux activités du BOA, secteur de Reims jusqu'en mars 1944 inclus ", 29 mai 1972, Fonds André Aubert / Jean-Pierre Husson - Correspondants marnais du Comité d'histoire de la 2ème guerre mondiale.

- Jacques VADON, 1940/1944 les Ardennes en images, Bruxelles, SODIM, 1977.