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La vie quotidienne des déportés au Struthof

 

L'aménagement du camp en lieu de pélerinage

   La totalité des baraques qui constituaient le camp de Natzweiler-Struthof ont été conservées jusqu'en 1953.
   Constructions en bois, soumises aux intempéries (neige, pluies, tempêtes), elles se sont rapidement dégradées. Des toits se sont effondrés.
   C'est pourquoi, le Comité National du Struthof a décidé en 1953 de faire procéder à leur démontage, en présence des autorités civiles et militaires, et à leur incinération.
   Aujourd'hui ne subsistent plus que les différentes plates-formes sur lesquelles ces baraques étaient édifiées et
dont l'emplacement est marqué par les surfaces recouvertes de gravillon rose.

   Le camp de Natzweiler-Struthof étant maintenant un lieu de pèlerinage national, chacun de ces emplacements est consacré à un camp de concentration dont les noms sont gravés sur des stèles en pierre.


Les places d'appel et les baraques

    Au centre du versant où a été implanté le camp, se trouvent des plates-formes centrales disposées en gradins et reliées les unes aux autres par des escaliers.
   C'étaient les places d'appel bien connues des déportés sous la dénomination allemande d'Appelplatz.

   De chaque côté de ces places d'appel avaient été construites 15 baraques en bois destinées aux déportés.
   Deux seulement subsistent aujourd'hui :

         - en haut à droite, la baraque qui tenait lieu de cuisine ;
         - en haut à gauche, la baraque qui abrite aujourd'hui le musée.

Le monument aux Résistants français

   L'entrée des blocs d'habitation était généralement orientée vers le nord.
   De chaque côté se trouvaient un dortoir et un réfectoire ; au centre, les lavabos et les wc.
   L'effectif normal d'une baraque, qui avait 12 mètres de large sur 44 mètres de long,
était de 300 personnes.
   Mais en 1944, ce nombre fut vite dépassé ; les réfectoires servirent de dortoirs, et les déportés furent entassés tête-bêche à deux, trois, parfois quatre par châlit.

La journée des déportés

   La vie quotidienne des déportés se déroulait toujours de la même façon.
   Le réveil avait lieu à 4 heures du matin en été et à 6 heures en hiver, par les journées les plus courtes.
   Aussitôt levés, les déportés passaient aux lavabos ; torse nu ils devaient se laver à l'eau glacée, tant qu'il y avait de l'eau.
   Ils s'habillaient et recevaient un demi-litre de tisane ou d'un semblant de café, puis se rendaient, en rang par cinq, sur les plates-formes où se faisait le premier appel de la journée.

Dessin de Henry GAYOT, déporté NN
matricule 11 784

   Les SS comptaient les déportés de chaque baraque et les morts de la nuit qu'ils devaient sortir avec eux pour le premier appel.

Dessin de Henry GAYOT, déporté NN
matricule 11 784

   Les appels se prolongeaient parfois pendant des heures ; les déportés debout, par rang de taille, immobiles, en hiver dans la neige, en été sous la pluie et les orages ou le soleil brûlant.
   L'appel terminé, les déportés devaient se rendre aux plates-formes 1 et 2 pou
r la formation des commandos de travail, puis ils étaient emmenés vers les différents lieux de travail forcé :
         - soit dans la
carrière de granit ;
         - soit à l'atelier de réparations des moteurs d'avions ;
         - soit dans la carrière de sable située 1 500 mètres plus haut ;
         - soit à la construction de la route ;
         - ou encore au Kartoffel-keller ( silo à pommes de terre ) situé à 100 mètres de l'entrée du camp.
   Par temps de brouillard, propice à d'éventuelles évasions, les commandos de travail ne sortaient pas.
   Les déportés
NN. - Nacht und Nebel ( déportés " Nuit et Brouillard ", c'est-à-dire voués à disparaître ) et les punis restaient immobiles, en colonnes par cinq, à proximité de la porte d'entrée, parfois pendant des heures.

Dessin de Henry GAYOT, déporté NN
matricule 11 784

   À midi, intervenait un bref arrêt de travail suivi du second appel.
   On servait rapidement une maigre ration de soupe aux déportés, et c'était à nouveau le rassemblement.

   À 18 heures avait lieu le troisième appel, dans les mêmes conditions que celui du matin, plus long encore et plus pénible.
   La distribution du repas du soir se faisait dans les baraques
.
   La ration du déporté consistait en un demi-litre d'ersatz de café ou de tisane, avec environ 200 grammes de pain et quelques grammes de graisse synthétique.
   En 1943, les rations de pain furent réduites à 100 grammes.

Le travail forcé

Le travail forcé était réparti et surveillé par des détenus appelés Kapos et par des matraqueurs choisis parmi les détenus de droit commun qui s'étaient distingués par leur brutalité.
   Chaque commando de travail était placé sous les ordres d'un SS, presque toujours accompagné d'un chien dressé à mordre au commandement, et qui exerçait, de près ou de loin, une surveillance constante.

Dessin de Henry GAYOT, déporté NN
matricule 11 784

   Dès que les SS estimaient qu'un déporté ne fournissait plus suffisamment de travail, ils le privaient de soupe. Mais il fallait quand même qu'il aille au travail, quel que fut son état physique.
   Les malades et les blessés eux-mêmes devaient s'y rendre, portés au besoin par leurs camarades.

L'infirmerie

   Sur le côté, en descendant, se trouvait le quartier de l'infirmerie ou Revier, qui comprenait plusieurs baraques dans lesquelles agonisaient les malades et mouraient les déportés exténués de fatigue et de privations.
   Les détenus français n'ont eu accès au Revier qu'à partir du 21 octobre 1943.
   C'est vraisemblablement dans la 5ème baraque, en descendant, que le 13 juin 1944 est mort le Général FRÈRE, ancien Gouverneur militaire de Strasbourg, Chef de l'Organisation de la Résistance de l'Armée (ORA), arrêté le 13 juin 1943..

Le général Aubert FRÈRE, chef de l'Organisation de résistance de l'armée
(Musée de l'Armée)

   Dans l'une de ces baraques se trouvait également le général DELESTRAINT, chef de l'Armée secrète, arrêté le 9 juin 1943, déporté en mars 1944 au Struthof, et qui fut ensuite transféré à Dachau où il a été exécuté d'une balle dans la nuque en avril 1945.

Le général Charles DELESTRAINT, chef de l'Armée secrète
(Musée de l'Armée)

   Un autre général est mort le 5 juin 1944 au camp de Natzweiler-Struthof, le général JOUFFRAULT, membre de l'Armée secrète, arrêté le 4 août 1943.

Le général Paul JOUFFRAULT
(Musée de l'Armée)


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