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Autres réseaux implantés dans la Marne

Le réseau Hector

Le réseau Brutus

Le réseau Jade-Fitzroy

Le réseau François-Shelburn

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Le réseau Hector

   Le réseau Hector a été créé sous l'impulsion du colonel Alfred HEURTEAUX.
   Officier d'aviation pendant la Première Guerre mondiale, blessé en 1917, il a été élu député de Seine et Oise, puis il a été nommé sous-secrétaire d'État à l'Aéronautique en 1919.
   Durant l'entre-deux-guerres, HEURTEAUX a exercé des fonctions de direction chez Ford aux États-Unis, puis chez General Motors en Europe, et chez Renault en France. Il a présidé l'Association nationale des As de 14-18, puis l'Association des officiers de réserve de l'Armée de l'Air.
   Vice-président de la Légion française des combattants, mouvement pétainiste d'anciens combattants créé en août 1940, le colonel HEURTEAUX est parvenu, grâce à cette couverture, à mettre en place dès le début de l'Occupation, un service clandestin destiné à collecter des renseignements, et il arecruté parmi les anciens militaires et les anciens combattants les cadres de ce qui est devenu le réseau Hector.

   Il est entré en contact à l'automne1940 avec Jacques LECOMPTE-BOINET, futur fondateur du mouvement Ceux de la Résistance ( CDLR ), mais ce contact n'a pas eu de suite.

   Le réseau Hector a rejoint d'autres groupes de résistants recrutant chez les cadres administratifs, les industriels, les membres de professions libérales, pour former l'Organisation civile et militaire ( OCM ) dans la zone Nord.

   HEURTEAUX fut arrêté une première fois par la Gestapo en mars 1941, libéré, puis arrêté à nouveau en novembre 1941.
   Interné à Fresnes, il a été déporté en Allemagne où il a été détenu dans plusieurs prisons avant d'être transféré dans le camp de concentration de Buchenwald où il a été libéré en avril 1945.

   En octobre 1940, le colonel HEURTEAUX avait confié à un lieutenant démobilisé, Georges WAUTERS, la mission d'organiser le réseau Hector dans le département de l'Aube.

   Le réseau Hector était également actif dans le département de l'Aisne, autour de Château-Thierry, et dans le département de la Marne, autour de Fismes et de Gueux, où ses équipes étaient en contact avec celles des réseaux CND-Castille, CDLR-BOA, Possum, Jade-Fitzroy et Shelburn(e).

   WAUTERS en contact avec Londres et la France libre, est aussi celui qui a implanté dans l'Aube et dans Marne le mouvement Ceux de la Libération ( CDLL ), mouvement créé par l'ingénieur Maurice RIPOCHE. Ce mouvement a recruté dans un premier temps parmi les officiers d'aviation démobilisés et parmi les anciens membres du Parti social français du colonel de LA ROCQUE.

    Chef militaire régional de CDLL en Champagne, WAUTERS a recruté le commandant René DERRIEN, à qui fut confié au printemps 1943, le commandement militaire de CDLL dans la Marne.
   Recherché par la Gestapo, WAUTERS s'est caché en attendant de rejoindre la France Libre à Londres en juin 1943, à l'Hôtel de la Haute-Mère-Dieu à Châlons-sur-Marne, hôtel fréquenté par des officiers allemands,
dont le propriétaire était le colonel de réserve d'aviation CHARDON.

Le réseau Brutus

   Le réseau Brutus est né des contacts noués au début de 1941 avec des socialistes marseillais réunis autour de Félix GOUIN, par le capitaine Pierre FOURCAUD, pseudo Lucas.
   Ancien comabattant de la 1ère guerre mondiale, cet officier qui avait rejoint de GAULLE dès juin 1940, avait été parachuté en France avec mission de mettre en place un réseau de renseignement au service de la France libre.
   C'est ainsi qu'est né le réseau Lucas qui, après l'arrestation en août 1941 de son chef Pierre FOURCAUD, prit le nom de réseau Froment, pseudo de Jean FOURCAUD, son frère, qui lui a succédé.
   
Animé à Marseille par Eugène THOMAS, organisateur du Comité d'action socialiste ( CAS ) dans le Sud de la France, et les avocats André BOYER et Gaston DEFERRE, le réseau s'implanta dans la région de Toulouse sous la direction de Raymond NAVES installé à la Maison de la mutualité, et se développa en même temps que le CAS.
   C'est à Toulouse, à la Maison de la mutualité, que fut discuté en juillet 1942 en présence de Jean MOULIN un projet d'unification politique de la Résistance qui a débouché plus tard sur la création du Conseil national de la Résistance.
   
Au début de 1943, Jean FOURCAUD retourna en Angleterre et s'engagea dans la RAF, laissant la direction du réseau à Eugène THOMAS, remplacé en février 1943 par André BOYER.
   
Le réseau qui a pris le nom de réseau Brutus et dont la quartier général s'étaitt installé à Lyon, s'étendit à tout le territoire, y compris à la zone Nord, où il était dirigé par Pierre SUDREAU.

   Dans la Marne, Alfred CHABAUD a travaillé pour ce réseau. Professeur à l'École nationale des arts et métiers de Châlons-sur-Marne révoqué par le gouvernement de Vichy, il avait conservé des liens avec le Midi dont il était
originaire. Né à Antibes, il avait enseigné à Arles, et avait effectué dans le cadre d'un doctorat de troisième cycle des recherches sur le révolutionnaire marseillais BARBAROUX. À la veille de la guerre, il était engagé dans une thèse de doctorat d'État consacrée aux Girondins marseillais. Ami de Pierre FOURCAUD, le fondateur du réseau Brutus, il est devenu un agent important de ce réseau en zone Nord.
    Recherché par la Gestapo, Alfred CHABAUD qui devait rejoindre Londres par l'opération Salvia, laissa sa place au chef de la Résistance marnaise, Henri BERTIN, recherché lui-aussi par la Police allemande, qui fut évacué au cours de la nuit du 11 au 12 novembre 1943, lors d'un pick-up par Lysander organisé par Pierre HENTIC, chef des opérations aériennes et maritimes du réseau Jade-Fitzroy.
   
     Ar
rêté par la Gestapo à Châlons-sur-Marne le 7 janvier 1944, Alfred CHABAUD a été déporté à Buchenwald le 27 janvier 1944 ( matricule n° 3635 ). Il est décédé au kommando d'Ellrich le 30 juillet 1944.

     Le 18 juin 2003, le grand amphithéâtre de l'École nationale supérieure des arts et métiers ( ENSAM ) de Châlons en Champagne a été baptisé du nom d'Alfred CHABAUD.

Amphithéâtre

Alfred CHABAUD

Professeur de Français
mort en déportation,
en décembre 1944

Le réseau Jade-Fitzroy

   Le réseau Jade-Fitzroy a été créé par Claude LAMIRAULT, un jeune militant catholique venu de l'Action française, membre des Camelots du Roi et de La Cagoule avant-guerre, qui a rallié Londres dès octobre 1940, avant d'être parachuté en France en janvier 1941 avec la mission d'y implanter un réseau spécialisé dans le renseignement militaire pour le compte de l'Intelligence service.
   Ce réseau fut lié un temps avec le réseau Jade-Amicol créé par Claude ARNOULD, pseudo colonel Ollivier qui, dès la fin de 1940 et le début de 1941, avait pris contact avec les services spéciaux de l'armée d'armistice et constitué dans les milieux catholiques de la région de Bordeaux, un groupe de résistance spécialisé lui aussi dans le renseignement militaire.
   En 1942, ce groupe passa sous le contrôle de l'Intelligence Service, dont un officier, Philip KEUN, parvint à infiltrer la Service de renseignement (SR) Marine de Vichy. De cette rencontre est née le réseau Jade-Amicol qui installa son quartier général à Paris, implanta de nombreuses antennes en Province, et mit en place un service de liaisons aériennes.
  
  Les arrestations qui frappèrent les deux réseaux en 1942-1943, les conduisirent à se séparer.

   Dans la Marne, Marcel FALALA, chef de gare à Reims, fut recruté en septembre 1943 par Paul FORTIER. Devenu agent du réseau Jade-Fitzroy, il fournit des renseignements sur les transports allemands et participa à l’hébergement de prisonniers français évadés et d’aviateurs alliés.
  
   Le chef des opérations aériennes et maritimes du réseau Jade-Fitzroy était Pierre HENTIC, pseudo Maho, qui mit sur pied en Bretagne avec l'aide de Madame de LARMINAT, un réseau d'évasion par mer.
   Venu des Jeunesses communistes, HENTIC a rompu avec le Parti communiste au lendemain du pacte germano-soviétique. Il avait fait la connaissance de LAMIRAULT au 27e Bataillon de chasseurs alpins en 1936-1937, à l'occasion de leur service militaire, et ils étaient devenus de bons camarades de régiment, tout en découvrant rétrospectivement qu'ils avaient fait le coup de poing lors de combats de rue opposant jeunes communistes et jeunes d'extrême droite.
    Dès janvier 1941, LAMIRAULT avait repris contact par l'intermédiaire de son épouse Denise, avec Pierre HENTIC dont il avait fait son adjoint à la tête du réseau Jade-Fitzroy.

   Pierre HENTIC était aussi l'ami de Henri BERTIN, le chef de la Résistance marnaise et de Conrad LAFLEUR, l'opérateur-radio canadien du réseau d'évasion belge Possum implanté à Fismes et à Reims à l'automne 1943. LAFLEUR était son camarade de chambrée lors de leur formation au Royaume-Uni, au Centre d'entraînement des parachutistes de Ringway, près de Manchester.

   Au début de novembre 1943, Pierre HENTIC retrouva à Paris Conrad LAFLEUR qui accompagnait jusqu'à la gare Montparnasse avec le chef du réseau Possum, le commandant POTIER, et le chef de la Résistance marnaise, le capitaine BERTIN, un groupe de pilotes alliés confiés au réseau Jade-Fitzroy pour être évacués par mer en utilisant sa filière bretonne mise en place dans le Finistère Nord sur l'Aber Wrac'h.
   Walthère MARLY et Jean-Pierre LORGÉ, agents belges du réseau Possum furent chargés de convoyer ces pilotes en train depuis la gare Montparnasse jusqu'à Brest, ville située en zone interdite, en les faisant passer pour des travailleurs sourds-muets de l'Organisation Todt affectés aux travaux du Mur de l'Atlantique, munis de faux ausweiss et de faux certificats attestant qu'ils appartenaient à une association d'entraide aux sourds-muets.
   Cette opération d'évacuation par mer avait pour nom de code Envious, et se déroula au cours de la nuit du 3 au 4 novembre, mais il y a eu un malentendu sur le lieu d'embarquement. Les pilotes furent bien convoyés sans encombre jusqu'à Brest, et de Brest jusqu'à la presqu'île Sainte Marguerite, au lieu-dit Les Dunes. Des bateaux appartenant à des pêcheurs goémoniers les transportèrent sur un îlot de l'Aber Wrac'h ayant pour nom de code Guennioc. Là, les chaloupes d'une vedette rapide MGB Motor Gun Boats) de la Royal Navy devaient venir les chercher. Mais cette nuit-là, la vedette rapide MGB 318 chargée de cette opération se présenta devant un autre ilot, situé à deux ou trois kilomètres.
   Le contact radio avec Londres demandant de rediriger la vedette sur Guennioc, ne put être établi. En raison d'une interdiction de sortie en mer décrétée par les Allemands, les pêcheurs ne purent fournir des vivres et des couvertures aux évadés que le 5 novembre.

   Le 7 novembre, les pilotes furent ramenés à terre et cachés par des familles de Brest et de Landerneau en attendant qu'une nouvelle opération puisse avoir lieu, ce qui ne put pas se faire avant la prochaine période sans lune.
   Pour comprendre les raisons de cet échec et mieux coordonner les prochaines évacuations, Pierre HENTIC décida de se rendre à Londres en ayant recours à une opération de ramassage par air. Quelques jours plus tard, chargé d'organiser à cet effet un double pick-up par Lysander dans la Marne, Pierre HENTIC vint repérer l'état du terrain. Il fut à cette occasion hébergé chez BERTIN, et rencontra à nouveau LAFLEUR dans un restaurant de
Reims.
   Le terrain situé près de la Ferme de Montazin entre Savigny sur Ardres et Jonchery sur Vesle, fut proposé par le chef du BOA dans l'arrondissement de Reims, André SCHNEITER, mais il n'était pas homologué par la RAF. Pierre HENTIC est venu vérifier qu'il présentait bien « les conditions requises ».
   Au cours de la nuit du 11 au 12 novembre 1943, le ramassage eut lieu dans le cadre de l'opération Salvia. Deux avions Lysander emmènent en Angleterre Pierre HENTIC, Henri BERTIN, recherché par la Gestapo dans la Marne, deux autres membres de Jade-Fitzroy, Paul FORTIER en relation avec Marcel FALALA, et l'opérateur-radio Georges SIMORRE, ainsi que Raoul POTELETTE, un responsable de
Résistance Fer, accompagné de son épouse. Alfred CHABAUD, agent du réseau Brutus-Nord, qui devait faire partie du ramassage, a laissé sa place à BERTIN, chef de la Résistance marnaise.
   Les deux Lysander appartenant à la 161e Escadrille de la RAF et pilotés par Hugh VERITY et Stephen HANKEY furent repérés par un Dornier 217 de la Luftwaffe, non armé, qui déclencha une opération au sol de patrouilles allemandes, mais heureusement, lorsque ces patrouilles arrivèrent sur le terrain, les avions avaient décollé et l'équipe au sol avait eu le temps de se retirer.

  Le 26 novembre 1943, HENTIC revint par mer en Bretagne, et constata que les deux agents belges, Walthère MARLY et Jean-Pierre LORGÉ, n'avaient pas attendu.

   Le 1er décembre, une chaloupe réussit à ramener huit aviateurs jusqu'à la corvette britannique, dont trois pilotes qui furent acheminés en Bretagne par le réseau Possum et évacués malgré une mer démontée. Hélas, les deux autres chaloupes coulèrent, laissant six marins rescapés du naufrage à cacher dans la région avec les pilotes qui n'ont pas pu être évacués.
   Le 23 décembre, l'opération Felicitate fut un échec, car la vedette de la Royal Navy rappela les chaloupes en raison de conditions atmosphériques épouvantables, mais le 25 décembre, l'opération Felicitate 2 fut un succès complet et permit de ramener en Angleterre 27 évadés, dont 4 pilotes pris en charge par le réseau Possum dans le secteur de Reims-Fismes.

   L'arrestation de Claude LAMIRAULT le 15 décembre 1943, suivie de celle de Pierre HENTIC le 6 janvier 1944, porta un rude coup au réseau Jade-Fitzroy que l'épouse de LAMIRAULT tenta de maintenir jusqu'à son arrestation en avril 1944.

   En juillet 1944, le réseau se reconstitua en se rattachant au BCRA sous le nom de groupe Panta et participa à la libération de Paris.

   Marcel FALALA fut arrêté à Reims le 3 mai 1944, interné à Fresnes puis à Compiègne. Déporté le 18 juin 1944 à Dachau, il fut affecté au Kommando d’Allach où il fut libéré le 30 avril 1945.

Marcel Falala (le deuxième à partir de la droite) photographié à son retour de déportation

   Déporté lui aussi à Dachau, Pierre HENTIC interrogé par les services alliés à son retour de déportation en mai 1945 a confirmé qu'il avait dirigé plusieurs opérations aériennes dans le secteur de Reims, où il logeait des aviateurs dans un hôtel dont il ne précise pas le nom — vraisemblablement l'Hôtel de la Paix, place d'Erlon — où il était en relation avec BERTIN et LAFLEUR, et qu'il avait aussi organisé l'évacuation par mer de pilotes alliés hébergés à Reims.

    Le 22 août 1994, une stèle a été inaugurée à Landeda au lieu-dit Kermenguy en présence de Pierre HENTIC. Elle porte l'inscription suivante :

En décembre 1943, des îles
sont partis clandestinement des aviateurs, des marins alliés et
des résistants français

Aber Wrac'h

Le réseau François-Shelburn

   Shelburn, dont le nom est parfois orthographié avec un e (Shelburne), désigne un réseau d'évasion par mer depuis les côtes bretonnes, qui a été créé fin 1943-début 1944 à l'initiative du MI 9, département 9 du Military Intelligence chargé de ramener au plus vite en Angleterre les aviateurs abattus par la chasse ou la Flak allemandes au-dessus des territoires occupés par la Wehrmacht. La Mission Shelburn, du nom d'un comté écossais, a été confiée à deux agents franco-canadiens du SOE, Lucien DUMAIS assisté de Raymond LABROSSE.

  Ces deux agents ont été déposés dans la nuit du 16 au 17 novembre 1943 sur le terrain Magdalen (terrain homologué par la RAF sous le nom d'un des trois collèges de l'Université d'Oxford), au lieu-dit Le Champ Sainte-Marie, situé sur le territoire de la commune de Selens dans l'Aisne, au Nord-Ouest de Soissons, à environ 5 kilomètres au Sud-Est de Blérancourt. Le pickup a été effectué par l'avion Lysander qui a exfiltré en Angleterre cinq aviateurs alliés et Dominique POTIER, le chef du réseau d'évasion Possum implanté à Fismes et à Reims dans la Marne, réseau dont le franco-canadien Conrad LAFLEUR était l'opérateur-radio. DUMAIS et LABROSSE ont été vraisemblablement réceptionnés au sol par Henri BURNY, agent P2 responsable du réseau Possum dans le secteur de Blérancourt, et conduits jusqu'à la Ferme de la Tour à Saint-Aubin.

  [Conrad LAFLEUR et Lucien DUMAIS étaient tous les deux des rescapés du raid sur Dieppe effectué par la 2e Division canadienne le 19 août 1942. Ils appartenaient aux Fusilliers Mont Royal,a vaient été faits prisonniers sur la plage de Dieppe et étaient parvenus à s'évader du train qui les acheminait en Allemagne. Après cette évasion, Lucien DUMAIS était entré en contact avec le réseau Pat O'Leary, une chaîne d'évasion par Gibraltar rallié soit par mer soit par le franchissement des Pyrénées et l'Espagne. C'est par cette filière qu'il avait été exfiltré vers l'Angleterre le 12 octobre 1942.
   Après la chute du réseau Pat O'Leary infiltré par l'Abwehr et décimé par les arrestations, le MI 9 avait décidé de créer une nouvelle filière d'évasion, la Mission Oaktree. Cette mission avait été confiée à l'agent du SOE Val WILLIAMS dont l'opérateur-radio était Raymond LABROSSE. Tous les deux avaient été parachutés dans le secteur de Rambouillet dans la nuit du 19 au 20 mars 1943. À Paris,un agent du réseau de renseignement Mithridate, leur avait indiqué un contact à Saint-Quay-Portrieux en Bretagne où une soixantaine d'aviateurs alliés attendaient d'être évacués vers l'Angleterre. La liaison avec Londres avait été difficile à établir et une fois établie par l'intermédiaire d'un opérateur radio du réseau Mithridate, l'Amirauté britannique avait considéré que les nuits étaient trop courtes et avait annulé leur évacuation par mer. Les aviateurs avaient été finalement transférés à Paris et hébergés par le réseau d'évasion belge Comète, en attendant une exfiltration par la traversée des Pyrénées et l'Espagne. Val WILLIAMS qui s'était rendu à Pau pour encadrer cette évasion avait été arrêté et remplacé par Roger LE NEVEU, membre de la Mission Oaktree retourné par les Allemands. Cette trahison avait entraîné de nombreuses arrestations et la chute du réseau Oaktree. Raymond LABROSSE avait alors pris contact avec Georges BROUSSINE, chef du réseau Bourgogne rencontré en Angleterre lors d'un stage d'entraînement, qui avait organisé son retour en Angleterre par l'Espag
ne].

   Après avoir été réceptionnés dans l'Aisne, Lucien DEMAIS et Raymond LABROSSE ont été conduits à Paris au domicile de Lucienne Christine BODIN, alias " Madame Georges ", où un message les informa qu'elle était grillée et qu'ils devaient s'éloigner au plus vite. Ne parvenant pas à établir la liaison avec Londres, ils ont pris contact avec Paul CAMPINCHI, rédacteur au service des cartes d'identité de la Préfecture de Police de Paris qui avait participé avec LABROSSE à la Mission Oaktree. LABROSSE s'est porté garant de CAMPINCHI auprès du MI 9 qui considéraitce dernier comme suspect après le démantèlement du réseau Oaktree, parce qu'il avait échappé à la vague d'arrestations qui a décimé les membres de la Mission Oaktree. Implanté et organisé à Paris et dans la Seine par Paul CAMPINCHI, le réseau prit le nom de réseau François-Shelburn [François était le deuxième prénom de Campinchi] et se chargea de la collecte et de l'identification des aviateurs alliés à exfiltrer, de leur hébergement et de leur ravitaillement, ainsiq ue de la . fabrication de faux papiers. DUMAIS et LABROSSE qui assuraient la liaison avec Londres, se mirent à la recherche de lignes d'évasion. Ils optèrent pour l'évacuation par mer et se rendirent à Plouha dans les Côtes du Nord (Côtes d'Armor), où ils organisèrent l'opération Bonaparte qui consistait à convoyer des aviateurs alliés jusqu'à la plage de l'Anse Cochat, d'où ils étaient exfiltrés par des vedettes rapides MGB (Motor Gun Boars) de la Royal Navy appartenant à la 15e Flotille .

Vedette rapide MGB 503 qui a effectué plusieurs exfiltrations à la plage Bonaparte
(Aquarelle de Claude Bénech in L'Incroyable histoire du réseau Shelburn, Coop Breizh, 2019, avec son aimable autorisation)

La Plage Bonaparte à Plouha



" La maison d'Alphonse ", nom de code de la maison de la famille Gicquel où les aviateurs transitaient avant d'être exfiltrés
(Aquarelle de Claude Bénech in L'Incroyable histoire du réseau Shelburn, Coop Breizh, 2019, avec son aimable autorisation

   La première évacuation réussie du réseau Shelburn, qui s'est effecttuée dans la nuit du 28 janvier au 29 janvier 1944, a permis d'exfiltrer seize aviateurs.
   Il est vraisemblable qu'à l'insu de POTIER rappelé à Londres de la mi-novembre à la mi-décembre, des contacts s'étaient établis entre des membres de Possum et de la résistance marnaise d'une part, et les responsables de Shelburn d'autre part, lorsque ces derniers ont été déposés par Lysander dans le secteur de Fismes et, qu'à la suite de ces contacts, des pilotes pris en charge par Possum, seuls ou mélangés à des pilotes récupérés par des organisations de résistance marnaises travaillant pour l'Intelligence Service et/ou le BOA, ont été acheminés et hébergés en Bretagne pendant l'absence de POTIER, avant de pouvoir être évacués en janvier 1944, par le réseau Shelburn.
   Le nom de Possum est bien gravé sur le monument commémoratif « À la gloire de tous les réseaux d'évasion », érigé en 1954 en haut de la falaise qui surplombe la plage Bonaparte.

Le réseau Possum figure sur la liste des réseaux français (« françois » en canadien)
qui ont utilisé la filière d'évasion par mer implanté à Plouha

   On retrouve aussi cette appartenance au réseau Shelburn dans plusieurs dossiers CVR (Combattants volontaires de la Résistance) de membres du groupe CDLR (Ceux de la Résistance) de Châlons-sur-Marne ou groupe Tritant, qui lui-même était sans doute en contact avec les équipes du réseau SOE Juggler ou Robin-Buckmaster, au cours de l'été 1943, au cours d'opérations de parachutages, de constitution de dépôts d'armes et de récupération des horaires des trains allemands. Presque tous les membres de ce sous-réseau implanté dans le secteur de Châlons-sur-Marne et de Vitry-le-François, et auquel se rattachait le groupe de La Fournière, ont été arrêtés en juillet 1943.

Le site de la Plage Bonaparte à Plouha en 2006

Le Monument de Plouha qui surplombe la plage Bonaparte...

... comporte une plaque rappellant dans quelles conditions
se sont effectuées les évasions par mer

Les opérations clandestines à la Plage
Bonaparte comme à d'autres entre
St Cast et l'Aber Vrac'h furent
effectuées en 1942-44 par des canonnières
à moteur appartenant à la Flotille
15 MGB de la Royal Navy de la base navale de Dartmouth

Un tunnel creusé dans la falaise permet d'accéder
en contre-bas à la Plage Bonaparte

La plaque commémortative apposée le 23 juin 1946

  Après la guerre, Paul CAMPINCHI a été désigné comme liquidateur des réseaux Shelburn et Possum, c'est-à-dire qu'il a été chargé au sein de la Commission nationale d'homologation FFC au ministère des Armées, d'établir l'état nominatif des agents de ces deux réseaux dont l'appartenance aux Forces françaises combattantes a été officiellement reconnue avec leur grade d'assimilation.