Autres réseaux
implantés dans la Marne
Le
réseau Hector
Le
réseau Brutus
Le réseau Jade-Fitzroy
Le
réseau François-Shelburn
___________________________________________________________________________________________________
Le réseau Hector
Le
réseau Hector a été
créé sous l'impulsion du colonel
Alfred HEURTEAUX.
Officier d'aviation pendant la Première Guerre
mondiale, blessé en
1917, il a été élu député
de Seine et Oise, puis il a été nommé sous-secrétaire
d'État à l'Aéronautique en
1919.
Durant l'entre-deux-guerres, HEURTEAUX
a exercé des fonctions de direction chez Ford
aux États-Unis, puis chez General Motors
en Europe, et chez Renault en France.
Il a présidé l'Association nationale
des As de 14-18, puis l'Association
des officiers de réserve de l'Armée de l'Air.
Vice-président de
la Légion française des combattants, mouvement
pétainiste d'anciens combattants créé en
août 1940, le colonel
HEURTEAUX est parvenu, grâce
à cette couverture, à mettre en place dès le
début de l'Occupation, un service clandestin
destiné à collecter des renseignements, et il arecruté
parmi les anciens militaires et les anciens combattants les cadres
de ce qui est devenu le réseau Hector.
Il est entré en contact à
l'automne1940 avec Jacques LECOMPTE-BOINET,
futur fondateur du mouvement Ceux de la Résistance
( CDLR ), mais ce contact n'a pas eu de suite.
Le réseau Hector
a rejoint d'autres groupes de résistants recrutant chez les cadres
administratifs, les industriels,
les membres de professions libérales,
pour former l'Organisation civile et militaire
( OCM ) dans la zone Nord.
HEURTEAUX fut
arrêté une première fois par la Gestapo en
mars 1941, libéré, puis arrêté
à nouveau en novembre 1941.
Interné
à Fresnes, il a été déporté
en Allemagne où il a été détenu dans plusieurs
prisons avant d'être transféré dans le camp de
concentration de Buchenwald où
il a été libéré en
avril 1945.
En octobre 1940,
le colonel HEURTEAUX avait confié
à un lieutenant démobilisé, Georges
WAUTERS, la mission d'organiser
le réseau Hector dans
le département de l'Aube.
Le
réseau Hector était
également actif dans le département de l'Aisne,
autour de Château-Thierry, et dans
le département de la Marne,
autour de Fismes et
de Gueux,
où ses
équipes étaient en contact
avec celles des réseaux
CND-Castille, CDLR-BOA, Possum, Jade-Fitzroy et Shelburn(e).
WAUTERS en contact
avec Londres et la France
libre, est aussi celui qui a implanté dans l'Aube
et dans Marne le mouvement Ceux
de la Libération ( CDLL ), mouvement créé
par l'ingénieur Maurice RIPOCHE.
Ce mouvement a recruté dans un premier temps parmi les officiers
d'aviation démobilisés et parmi les anciens
membres du Parti social français
du colonel de LA ROCQUE.
Chef militaire régional
de CDLL en Champagne, WAUTERS
a recruté le commandant René DERRIEN,
à qui fut confié au
printemps 1943,
le commandement militaire
de CDLL dans la Marne.
Recherché par la Gestapo, WAUTERS
s'est caché en attendant de rejoindre la France Libre à Londres
en juin 1943, à l'Hôtel
de la Haute-Mère-Dieu à Châlons-sur-Marne,
hôtel fréquenté par des officiers allemands, dont
le propriétaire était le colonel de réserve
d'aviation CHARDON.
Le réseau Brutus
Le
réseau Brutus est né
des contacts noués au début
de 1941 avec des socialistes marseillais
réunis autour de Félix GOUIN,
par le capitaine Pierre FOURCAUD,
pseudo Lucas.
Ancien comabattant de la 1ère guerre mondiale,
cet officier qui avait rejoint de GAULLE
dès juin 1940, avait été
parachuté en France avec mission de mettre en place un réseau
de renseignement au service de la
France libre.
C'est ainsi qu'est né le réseau
Lucas qui, après
l'arrestation en
août 1941 de son chef
Pierre FOURCAUD,
prit le nom de réseau
Froment,
pseudo de Jean FOURCAUD,
son frère, qui lui a succédé.
Animé à Marseille par
Eugène THOMAS, organisateur
du Comité d'action socialiste ( CAS )
dans le Sud
de la France, et
les avocats André BOYER et
Gaston DEFERRE, le réseau
s'implanta dans la région de Toulouse
sous la direction de Raymond NAVES installé
à la Maison de la mutualité,
et se développa en même temps que le CAS.
C'est à Toulouse,
à la Maison de la mutualité,
que fut discuté
en juillet 1942 en présence
de Jean MOULIN un projet
d'unification politique
de la Résistance qui
a débouché plus tard sur la création du Conseil
national de la Résistance.
Au début
de 1943, Jean FOURCAUD
retourna en Angleterre et s'engagea dans la RAF, laissant la direction
du réseau à Eugène THOMAS,
remplacé en février 1943
par André BOYER.
Le
réseau qui a pris le nom de réseau
Brutus et dont la quartier général
s'étaitt installé à Lyon,
s'étendit à tout le territoire, y compris à la
zone Nord, où il était dirigé
par Pierre SUDREAU.
Dans la Marne,
Alfred CHABAUD a
travaillé pour ce réseau. Professeur
à
l'École nationale des arts et métiers
de Châlons-sur-Marne révoqué
par le gouvernement de Vichy, il avait conservé des
liens avec le Midi dont il était originaire.
Né à
Antibes, il avait enseigné à
Arles, et avait effectué dans
le cadre d'un doctorat de troisième cycle
des recherches sur le révolutionnaire
marseillais BARBAROUX. À la veille de la guerre, il était engagé dans une thèse
de doctorat d'État consacrée aux Girondins
marseillais. Ami de Pierre
FOURCAUD, le fondateur du réseau
Brutus, il est devenu un agent important de ce réseau en zone Nord.
Recherché par la Gestapo, Alfred
CHABAUD qui devait rejoindre Londres par l'opération
Salvia, laissa sa
place au chef de la Résistance marnaise, Henri
BERTIN, recherché lui-aussi par la Police allemande,
qui
fut évacué
au cours de la
nuit du 11 au 12 novembre 1943, lors
d'un pick-up par Lysander organisé
par Pierre HENTIC, chef des opérations
aériennes et maritimes du réseau
Jade-Fitzroy.
Arrêté
par la Gestapo à Châlons-sur-Marne le
7 janvier 1944, Alfred CHABAUD a été déporté
à Buchenwald le 27 janvier
1944 ( matricule n° 3635 ). Il est décédé
au kommando d'Ellrich le
30 juillet 1944.
Le
18 juin 2003, le grand amphithéâtre
de l'École nationale supérieure des arts et métiers
( ENSAM ) de Châlons
en Champagne a été baptisé du nom
d'Alfred CHABAUD.
Amphithéâtre
Alfred
CHABAUD
Professeur de Français
mort en déportation,
en décembre 1944 |
Le réseau Jade-Fitzroy
Le réseau Jade-Fitzroy a été créé par Claude LAMIRAULT, un jeune militant catholique venu de l'Action française, membre des Camelots du Roi et de La Cagoule avant-guerre, qui a rallié Londres dès octobre 1940, avant d'être parachuté en France en janvier 1941 avec la mission d'y implanter un réseau spécialisé dans le renseignement militaire pour le compte de l'Intelligence service.
Ce réseau fut lié un temps avec le réseau Jade-Amicol créé par Claude ARNOULD, pseudo colonel Ollivier qui, dès la fin de 1940 et le début de 1941, avait pris contact avec les services spéciaux de l'armée d'armistice et constitué dans les milieux catholiques de la région de Bordeaux, un groupe de résistance spécialisé lui aussi dans le renseignement militaire.
En 1942, ce groupe passa sous le contrôle de l'Intelligence Service, dont un officier, Philip KEUN, parvint à infiltrer la Service de renseignement (SR) Marine de Vichy. De cette rencontre est née le réseau Jade-Amicol qui installa son quartier général à Paris, implanta de nombreuses antennes en Province, et mit en place un service de liaisons aériennes.
Les arrestations qui frappèrent les deux réseaux en 1942-1943, les conduisirent à se séparer.
Dans la Marne, Marcel FALALA, chef de gare à Reims, fut recruté en septembre 1943 par Paul FORTIER. Devenu agent du réseau Jade-Fitzroy, il fournit des renseignements sur les transports allemands et participa à l’hébergement de prisonniers français évadés et d’aviateurs alliés.
Le chef des opérations aériennes et maritimes du réseau Jade-Fitzroy était Pierre HENTIC, pseudo Maho, qui mit sur pied en Bretagne avec l'aide de Madame de LARMINAT, un réseau d'évasion par mer.
Venu des Jeunesses communistes, HENTIC a rompu avec le Parti communiste au lendemain du pacte germano-soviétique. Il avait fait la connaissance de LAMIRAULT au 27e Bataillon de chasseurs alpins en 1936-1937, à l'occasion de leur service militaire, et ils étaient devenus de bons camarades de régiment, tout en découvrant rétrospectivement qu'ils avaient fait le coup de poing lors de combats de rue opposant jeunes communistes et jeunes d'extrême droite.
Dès janvier 1941, LAMIRAULT avait repris contact par l'intermédiaire de son épouse Denise, avec Pierre HENTIC dont il avait fait son adjoint à la tête du réseau Jade-Fitzroy.
Pierre HENTIC était aussi l'ami de Henri BERTIN, le chef de la Résistance marnaise et de Conrad LAFLEUR, l'opérateur-radio canadien du réseau d'évasion belge Possum implanté à Fismes et à Reims à l'automne 1943. LAFLEUR était son camarade de chambrée lors de leur formation au Royaume-Uni, au Centre d'entraînement des parachutistes de Ringway, près de Manchester.
Au début de novembre 1943, Pierre HENTIC retrouva à Paris Conrad LAFLEUR qui accompagnait jusqu'à la gare Montparnasse avec le chef du réseau Possum, le commandant
POTIER, et le chef de la Résistance marnaise, le capitaine BERTIN,
un groupe de pilotes alliés
confiés au réseau Jade-Fitzroy pour être évacués par mer en utilisant sa filière bretonne mise en place dans le Finistère Nord sur l'Aber
Wrac'h.
Walthère MARLY et Jean-Pierre LORGÉ, agents belges du réseau Possum furent chargés de convoyer ces pilotes en train depuis la gare
Montparnasse jusqu'à Brest,
ville située en zone interdite,
en les faisant passer pour des travailleurs sourds-muets
de l'Organisation Todt affectés aux travaux du
Mur de l'Atlantique, munis de faux ausweiss et de faux certificats attestant qu'ils
appartenaient à une association d'entraide
aux sourds-muets.
Cette opération
d'évacuation par mer avait pour nom de code Envious,
et se déroula au cours
de la nuit du 3 au 4 novembre, mais il y a eu un malentendu sur le lieu d'embarquement. Les
pilotes furent bien convoyés sans encombre
jusqu'à Brest, et de Brest
jusqu'à la presqu'île Sainte
Marguerite, au lieu-dit Les
Dunes. Des bateaux appartenant à
des pêcheurs goémoniers les transportèrent sur un îlot de l'Aber Wrac'h ayant
pour nom de code Guennioc. Là,
les chaloupes d'une vedette rapide MGB ( Motor Gun Boats) de la Royal Navy devaient venir les chercher. Mais cette nuit-là,
la vedette rapide MGB 318 chargée
de cette opération se présenta devant un
autre ilot, situé à deux ou trois kilomètres.
Le contact radio avec Londres demandant de rediriger la vedette
sur Guennioc, ne put être
établi. En raison d'une interdiction de sortie en mer décrétée
par les Allemands, les pêcheurs ne purent fournir des vivres
et des couvertures aux évadés que le
5 novembre. Le 7 novembre,
les pilotes furent ramenés
à terre et cachés par des familles de Brest et
de Landerneau en attendant qu'une
nouvelle opération puisse avoir lieu, ce qui ne put pas
se faire avant la prochaine période sans lune. Pour
comprendre les raisons de cet échec et mieux coordonner
les prochaines évacuations, Pierre
HENTIC décida de se rendre à Londres en ayant recours à une opération de ramassage par air. Quelques jours plus tard, chargé d'organiser à cet effet un double pick-up par Lysander dans la Marne, Pierre HENTIC vint repérer l'état du terrain. Il fut à cette occasion hébergé chez BERTIN, et rencontra à nouveau LAFLEUR dans un restaurant de Reims. Le terrain situé près de la Ferme de Montazin entre Savigny sur Ardres et Jonchery
sur Vesle, fut proposé par le chef du
BOA dans l'arrondissement de Reims, André
SCHNEITER, mais il n'était pas homologué par la
RAF. Pierre HENTIC est venu vérifier qu'il présentait bien « les
conditions requises ».
Au cours de la nuit du
11 au 12 novembre 1943, le ramassage eut lieu dans le cadre de l'opération Salvia. Deux avions Lysander emmènent en Angleterre Pierre
HENTIC, Henri BERTIN,
recherché par la Gestapo dans la Marne, deux autres membres de Jade-Fitzroy,
Paul FORTIER en relation avec Marcel FALALA, et l'opérateur-radio Georges SIMORRE, ainsi que Raoul POTELETTE, un responsable de Résistance
Fer, accompagné de son épouse. Alfred
CHABAUD, agent du réseau Brutus-Nord, qui
devait faire partie du ramassage, a laissé sa place à BERTIN, chef de la Résistance marnaise.
Les deux Lysander appartenant à la 161e Escadrille de la RAF et pilotés par Hugh VERITY et Stephen HANKEY furent repérés par un Dornier 217 de la Luftwaffe, non armé, qui déclencha une opération au sol de patrouilles allemandes, mais heureusement, lorsque ces patrouilles arrivèrent sur le terrain, les avions avaient décollé et l'équipe au sol avait eu le temps de se retirer.
Le 26 novembre 1943, HENTIC revint par mer en Bretagne, et constata que les deux agents belges, Walthère MARLY et Jean-Pierre LORGÉ, n'avaient pas attendu.
Le 1er décembre,
une chaloupe réussit à ramener huit
aviateurs jusqu'à la corvette britannique, dont trois
pilotes qui furent acheminés
en Bretagne par le réseau Possum
et évacués malgré une mer démontée.
Hélas, les deux autres chaloupes coulèrent,
laissant six marins rescapés du naufrage à cacher
dans la région avec les pilotes qui n'ont pas pu être
évacués.
Le
23 décembre, l'opération Felicitate fut un échec, car la vedette de la Royal Navy rappela les chaloupes en raison
de conditions atmosphériques épouvantables, mais le
25 décembre, l'opération Felicitate
2 fut un succès complet et permit de ramener en Angleterre 27 évadés, dont 4 pilotes pris
en charge par le réseau
Possum dans le secteur de Reims-Fismes.
L'arrestation de Claude LAMIRAULT le 15 décembre 1943, suivie de celle de Pierre HENTIC le 6 janvier 1944, porta un rude coup au réseau Jade-Fitzroy que l'épouse de LAMIRAULT tenta de maintenir jusqu'à son arrestation en avril 1944.
En juillet 1944, le réseau se reconstitua en se rattachant au BCRA sous le nom de groupe Panta et participa à la libération de Paris.
Marcel FALALA fut arrêté à Reims le 3 mai 1944, interné à Fresnes puis à Compiègne. Déporté le 18 juin 1944 à Dachau, il fut affecté au Kommando d’Allach où il fut libéré le 30 avril 1945.
Marcel Falala (le deuxième à partir de la droite) photographié à son retour de déportation
Déporté lui aussi à Dachau, Pierre HENTIC interrogé par les services alliés à son retour de déportation en mai 1945 a confirmé qu'il avait dirigé plusieurs opérations aériennes dans le secteur de Reims, où il logeait des aviateurs dans un hôtel dont il ne précise pas le nom — vraisemblablement l'Hôtel de la Paix, place d'Erlon — où il était en relation avec BERTIN et LAFLEUR, et qu'il avait aussi organisé l'évacuation par mer de pilotes alliés hébergés à Reims.
Le 22 août 1994, une stèle a été inaugurée à Landeda au lieu-dit Kermenguy en présence de Pierre HENTIC. Elle porte l'inscription suivante :
En décembre 1943, des îles
sont partis clandestinement des aviateurs, des marins alliés et
des résistants français
Aber Wrac'h
|
Le réseau François-Shelburn
Shelburn, dont le nom est parfois
orthographié avec un e (Shelburne), désigne un réseau d'évasion par mer depuis les côtes bretonnes, qui a été créé fin
1943-début 1944 à l'initiative du MI 9, département 9 du Military Intelligence chargé de ramener au plus vite en Angleterre les aviateurs abattus par la chasse ou la Flak allemandes au-dessus des territoires occupés par la Wehrmacht. La Mission Shelburn, du nom d'un comté écossais, a été confiée à deux agents franco-canadiens du SOE, Lucien
DUMAIS assisté de Raymond LABROSSE.
Ces deux agents ont été déposés
dans
la nuit du 16 au 17 novembre 1943 sur le terrain Magdalen (terrain homologué par la RAF sous le nom d'un des trois collèges de l'Université d'Oxford), au lieu-dit Le Champ Sainte-Marie, situé sur le territoire de la commune de Selens dans l'Aisne, au Nord-Ouest de Soissons, à environ 5 kilomètres au Sud-Est de Blérancourt. Le pickup a été effectué par l'avion Lysander qui a exfiltré en Angleterre cinq aviateurs alliés et Dominique POTIER, le chef du réseau d'évasion Possum implanté à Fismes et à Reims dans la Marne, réseau dont le franco-canadien Conrad LAFLEUR était l'opérateur-radio. DUMAIS et LABROSSE ont été vraisemblablement réceptionnés au sol par Henri BURNY, agent P2 responsable du réseau Possum dans le secteur de Blérancourt, et conduits jusqu'à la Ferme de la Tour à Saint-Aubin.
[Conrad LAFLEUR et Lucien DUMAIS étaient tous les deux des rescapés du raid sur Dieppe effectué par la 2e Division canadienne le 19 août 1942. Ils appartenaient aux Fusilliers Mont Royal,a vaient été faits prisonniers sur la plage de Dieppe et étaient parvenus à s'évader du train qui les acheminait en Allemagne. Après cette évasion, Lucien DUMAIS était entré en contact avec le réseau Pat O'Leary, une chaîne d'évasion par Gibraltar rallié soit par mer soit par le franchissement des Pyrénées et l'Espagne. C'est par cette filière qu'il avait été exfiltré vers l'Angleterre le 12 octobre 1942.
Après la chute du réseau Pat O'Leary infiltré par l'Abwehr et décimé par les arrestations, le MI 9 avait décidé de créer une nouvelle filière d'évasion, la Mission Oaktree. Cette mission avait été confiée à l'agent du SOE Val WILLIAMS dont l'opérateur-radio était Raymond LABROSSE. Tous les deux avaient été parachutés dans le secteur de Rambouillet dans la nuit du 19 au 20 mars 1943. À Paris,un agent du réseau de renseignement Mithridate, leur avait indiqué un contact à Saint-Quay-Portrieux en Bretagne où une soixantaine d'aviateurs alliés attendaient d'être évacués vers l'Angleterre. La liaison avec Londres avait été difficile à établir et une fois établie par l'intermédiaire d'un opérateur radio du réseau Mithridate, l'Amirauté britannique avait considéré que les nuits étaient trop courtes et avait annulé leur évacuation par mer. Les aviateurs avaient été finalement transférés à Paris et hébergés par le réseau d'évasion belge Comète, en attendant une exfiltration par la traversée des Pyrénées et l'Espagne. Val WILLIAMS qui s'était rendu à Pau pour encadrer cette évasion avait été arrêté et remplacé par Roger LE NEVEU, membre de la Mission Oaktree retourné par les Allemands. Cette trahison avait entraîné de nombreuses arrestations et la chute du réseau Oaktree. Raymond LABROSSE avait alors pris contact avec Georges BROUSSINE, chef du réseau Bourgogne rencontré en Angleterre lors d'un stage d'entraînement, qui avait organisé son retour en Angleterre par l'Espagne].
Après avoir été réceptionnés dans l'Aisne, Lucien DEMAIS et Raymond LABROSSE ont été conduits à Paris au domicile de Lucienne Christine BODIN, alias " Madame Georges ", où un message les informa qu'elle était grillée et qu'ils devaient s'éloigner au plus vite. Ne parvenant pas à établir la liaison avec Londres, ils ont pris contact avec Paul CAMPINCHI, rédacteur au service des cartes d'identité de la Préfecture de Police de Paris qui avait participé avec LABROSSE à la Mission Oaktree. LABROSSE s'est porté garant de CAMPINCHI auprès du MI 9 qui considéraitce dernier comme suspect après le démantèlement du réseau Oaktree, parce qu'il avait échappé à la vague d'arrestations qui a décimé les membres de la Mission Oaktree. Implanté et organisé à Paris et dans la Seine par Paul CAMPINCHI, le réseau prit le nom de réseau François-Shelburn [François était le deuxième prénom de Campinchi] et se chargea de la collecte et de l'identification des aviateurs alliés à exfiltrer, de leur hébergement et de leur ravitaillement, ainsiq ue de la . fabrication de faux papiers. DUMAIS et LABROSSE qui assuraient la liaison avec Londres, se mirent à la recherche de lignes d'évasion. Ils optèrent pour l'évacuation par mer et se rendirent à Plouha dans les Côtes du Nord (Côtes d'Armor), où ils organisèrent l'opération Bonaparte qui consistait à convoyer des aviateurs alliés jusqu'à la plage de l'Anse Cochat, d'où ils étaient exfiltrés par des vedettes rapides MGB (Motor Gun Boars) de la Royal Navy appartenant à la 15e Flotille .
Vedette rapide MGB 503 qui a effectué plusieurs exfiltrations à la plage Bonaparte
(Aquarelle de Claude Bénech in L'Incroyable histoire du réseau Shelburn, Coop Breizh, 2019, avec son aimable autorisation)
La Plage Bonaparte à Plouha
" La maison d'Alphonse ", nom de code de la maison de la famille Gicquel où les aviateurs transitaient avant d'être exfiltrés
(Aquarelle de Claude Bénech in L'Incroyable histoire du réseau Shelburn, Coop Breizh, 2019, avec son aimable autorisation
La première
évacuation réussie du réseau Shelburn, qui s'est effecttuée dans
la nuit du 28 janvier au 29 janvier 1944, a permis d'exfiltrer seize aviateurs.
Il est vraisemblable qu'à
l'insu de POTIER rappelé à Londres de la mi-novembre à la mi-décembre,
des contacts s'étaient établis
entre des membres de Possum et de la résistance marnaise d'une part, et les responsables de Shelburn d'autre part, lorsque ces derniers ont été déposés par Lysander dans le secteur de Fismes et, qu'à la suite de ces contacts, des pilotes pris en charge
par Possum, seuls ou mélangés
à des pilotes récupérés par des organisations
de résistance marnaises travaillant pour l'Intelligence
Service et/ou le BOA, ont été acheminés
et hébergés en Bretagne pendant l'absence de POTIER, avant de pouvoir être
évacués en janvier 1944,
par le réseau Shelburn.
Le nom de Possum est bien gravé sur le monument commémoratif «
À la gloire de tous les réseaux d'évasion »,
érigé en 1954 en haut de la falaise qui surplombe la plage
Bonaparte.
Le réseau Possum figure sur la liste des réseaux français (« françois » en canadien)
qui ont utilisé la filière d'évasion par mer implanté à Plouha
On retrouve aussi cette appartenance au réseau Shelburn dans plusieurs dossiers
CVR (Combattants volontaires de la Résistance) de membres du groupe CDLR (Ceux de la Résistance) de Châlons-sur-Marne ou groupe Tritant,
qui lui-même était sans doute en contact avec les équipes
du réseau SOE Juggler ou Robin-Buckmaster, au cours de l'été 1943, au cours d'opérations de parachutages, de constitution de dépôts
d'armes et de récupération des horaires des trains
allemands. Presque tous les membres de ce sous-réseau implanté dans le secteur de Châlons-sur-Marne et de Vitry-le-François, et auquel se rattachait
le groupe de La Fournière, ont été arrêtés en juillet 1943.
Le site de la Plage Bonaparte à Plouha en 2006
Le
Monument de Plouha qui surplombe la plage Bonaparte...
... comporte une
plaque rappellant dans quelles conditions
se sont effectuées
les évasions par mer
Les
opérations clandestines à la Plage
Bonaparte comme à d'autres entre
St Cast et l'Aber Vrac'h furent
effectuées en 1942-44 par des canonnières
à moteur appartenant à la Flotille
15 MGB de la Royal Navy de la base navale de Dartmouth |
Un tunnel creusé dans la falaise permet d'accéder
en contre-bas à la Plage Bonaparte
La plaque commémortative apposée le 23 juin 1946
Après la guerre, Paul CAMPINCHI a été désigné comme liquidateur des réseaux Shelburn et Possum, c'est-à-dire qu'il a été chargé au sein de la Commission nationale d'homologation FFC au ministère des Armées, d'établir l'état nominatif des agents de ces deux réseaux dont l'appartenance aux Forces françaises combattantes a été officiellement reconnue avec leur grade d'assimilation.
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