Histoire et mémoire 51 > Histoire et mémoire des réseaux > L'histoire tragique du réseau Possum
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Le réseau d'évasion Possum,
une histoire douloureuse, une mémoire partagée

Dossier mis en ligne en 2000 par Jean-Pierre Husson et actualisé jusqu'en 2010 sur le site
« Histoire et mémoires des deux guerres mondiales en Champagne-Ardenne» du CRDP de Reims
et depuis septembre 2022 sur le site « Histoire et mémoire 51 »

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« Un réseau est un organisme créé en vue d'un travail militaire précis, essentiellement de renseignement, accessoirement le sabotage, fréquemment aussi l'évasion de prisonniers de guerre et de pilotes tombés chez l'ennemi »
                                                                                                                                                                           Claude BOURDET

 

Message de la BBC
annonçant la premier pick-up par Lysander
destiné au réseau d'évasion Possum

« Le soleil luira pour tout le monde »

   Plus de 60 ans après la chute du réseau d'évasion Possum intervenue fin 1943-début 1944 et qui a été suivie de nombreuses arrestations et déportations, les causes de la fin tragique de ce réseau d'évasion n'ont toujours pas été clairement élucidées.

   En travaillant sur l'histoire des réseaux dans le cadre dvdr-rom sur La Résistance dans la Marne, j'ai découvert que nous disposions de peu d'informations sur le réseau Possum, et j'ai interrogé les fonds d'archives du Comité d'histoire de la 2e guerre mondiale, dont j'ai été de 1974 à 1980, le correspondant départemental dans la Marne, aux côtés d'
André AUBERT, membre de Libération Nord et agent du réseau Possum déporté à Dachau.
   Celui que l'on appelait affectueusement « le père Aubert » savait peu de choses sur ce réseau auquel il avait pourtant appartenu, mais dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants).
   Le Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale a été présidé jusqu'à sa dissolution en 1980 par l'historien Henri MICHEL.
   Né de la fusion en 1951 de la Commission d'histoire de l'occupation et de la libération de la France et du Comité d'histoire de la guerre, créés respectivement en 1944 et en 1945 pour préserver la mémoire des années 1939-1945, le Comité d'histoire de la 2e guerre mondiale était rattaché à la Présidence du Conseil, puis au Premier ministre, et doté d'un important réseau de correspondants départementaux. Il était principalement chargé de recueillir les archives personnelles ainsi que les témoignages, et de coordonner des enquêtes et des publications sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.

   Du réseau Possum, je ne connaissais au départ que l'état nominatif des agents P1 (agents occasionnels) et agents P2 (agents permanents) établi en 1947 par Pierre CAMPINCHI, le liquidateur responsable de ce réseau à la Commission nationale des réseaux des Forces françaises combattants (FFC) au ministère des Armées. Cette copie, qui lui avait été communiquée par le Comité d'histoire de la 2e guerre mondiale, figurait dans les archives d'André AUBERT et m'ont été léguées après son décès en 1979. Ces homologations rétroactives concernaient essentiellement des « helpers », c'est-à-dire des hommes et des femmes qui avaient occasionnellement accepté d'héberger des pilotes alliés pris en charge par Possum sans même connaître le nom de ce réseau, et qui, lorsqu'ils ont été victimes de la répression nazie (le plus souvent morts en déportation), ont été homologués dans la catégorie des agents P2 (membres ayant eu une activité permanente) avec des grades d'assimilation d'officiers. C'était sans doute le seul moyen de permettre à leurs ayant-droits de bénéficier d'un « dédommagement », en intégrant ces « helpers » aux Forces françaises combattantes.
   
    En 2003
, ma rencontre via Internet avec Fred GREYER, fils naturel et ayant droit de Dominique POTIER, chef du réseau Possum, et avec le commandant Philippe CONNART, chef du Service des Archives notariales au ministère de la Défense à Bruxelles, a été une étape très importante dans mes recherches sur Possum, qui m'ont permis de mieux connaître ce que l'on peut appeler l'interface belgo-britannique à Londres et en Belgique de l'histoire de ce réseau d'évasion transnational.
   Ils m'ont en effet communiqué de nombreuses informations et photocopies de documents issus pour l'essentiel des archives et dossiers du ministère de la Défense belge, dont beaucoup peuvent être consultés au Centre d'Études et de Documentation - Guerre et Sociétés contemporaines ( CEGES ) de Bruxelles, mais provenant aussi d'archives britanniques et américaines, et ils ont accepté de compléter, d'enrichir et de corriger mon dossier sur Possum, au fur et à mesure que je leur en communiquais l'état d'avancement.

   En 2004-2005, David HANNI, collecteur Mémoire à l'Hôpital de Fismes, a recueilli le témoignage de Monsieur POITRINE, boucher qui abattait les bêtes destinées à ravitailler les pilotes alliés pris en charge par le réseau Possum et hébergés dans les gîtes du secteur de Fismes, en relation avec le radio Conrad LAFLEUR.

   En septembre 2006, Annette BIAZOT de Florenville, dont le père Gaston, résistant-déporté, a fait partie de l'équipe belge qui a pris en charge le chef du réseau Possum, avant que ce dernier ne vienne s'installer à Fismes, m'a apporté des documents sur la résistance ardennaise belge, que j'ai pu croiser avec les informations sur la résistance ardennaise française communiquées par l'historien Philippe LECLER
,qui a pu consulter en 2007 le dossier de procédure instruite par la Cour de justice de la Seine contre Armel GUERNE. Membre de l'équipe parisienne du réseau SOE Physician-Prosper, GUERNE était responsable des groupes Buckmaster d'Origny en Thiérache et de Muno, qui étaient rattachés à ce réseau.
   
Annette BIAZOT m'a égalemnt permis de prendre connaissance des archives personnelles de Suzanne BASTIN, l'adjointe du chef de Possum à Paris, que lui a confiées Raymonde BASTIN, la sœur de Suzanne.

   En décembre 2006, j'ai reçu une lettre de Monique de BRIEY, comtesse de Hemricourt de Grunne me précisant les circonstances de sa venue à Fismes en janvier 1944, qu'elle avait décrite dans un rapport rédigé après la Libération et conservé dans les archives américaines. Recrutée par Georges d'OULTREMONT, agent belge qui a assuré l'intérim du chef de Possum rappelé à Londres de la mi-novembre à la mi-décembre 1943, elle a été chargée après l'arrestation du commandant POTIER, d'aller enquêter auprès de la Famille JEUNET de Fismes. Elle m'a apporté des informations complémentaires dans une lettre datée du 9 mars 2007.

   C'est aussi en 2006, que Francis John SUTTILL, fils du chef du réseau d'action SOE Physician-Prosper, dont l'histoire croise celle du réseau Possum, m'a fait parvenir la biographie qu'il était en train de réaliser sur son père, Francis SUTTILL, et des documents numérisés issus des archives britanniques du SOE.
   Le SOE désignait un service-action créé par les Britanniques pour effectuer des opérations d'intoxication, de sabotage et de guérilla en territoire occupé.
   BUCKMASTER était le nom de l'officier britannique qui commandait la section française du SOE Physician-Prosper, le nom du principal réseau SOE opérant en France en zone Nord, et Prosper, le pseudo de Francis SUTTILL, le chef de ce réseau.
   À ce réseau SOE étaient rattachés les groupes Buckmaster d'Origny-en-Thiérache dans l'Aisne, ceux de Muno dans les Ardennes, ainsi que les sous-réseaux Juggler-Robin-Buckmaster dans la Marne et Tinker-Abélard-Buckmaster dans l'Aube.
   Au sein de l'état-major parisien de Physician-Prosper, Gaspard était le pseudo d'Armel GUERNE, responsable des groupes de l'Aisne et des Ardennes, Robin le pseudo utilisé à la fois par Jean WORMS
et par Jacques WEIL, chefs d sous le tîte Tant qu'il y aura des étoilesu sous-réseau Juggler à la tête de groupes de sabotage et de dépôts d'armes dans la Marne.
   Dans l'Aube, Abélard était le pseudo du capitaine Maurice DUPONT, chef du réseau Diplomate qui a pris le relais de Tinker.
   En me fournissant les cartes des terrains de parachutages utilisés par le sous-réseau Juggler , il m'a mis sur la piste des groupes qui appartenaient à ce sous-réseau dans le secteur de Châlons sur Marne-Vitry le François, et dont faisait partie le groupe de La Fournière.

    En 2006 également, Anne ALEXANDRE, fille de Pierre HENTIC, chef des opérations aériennes et maritimes du réseau Jade-Fitzroy, ami de Conrad LAFLEUR, l'opérateur radio de Possum, et de Henri BERTIN, chef de la Résistance marnaise, m'a communiqué les écrits de Résistance de son père qui ont été édités en France en octobre 2009 sous le tître Tant qu'il y aura des étoiles.
http://maho-hentic.com/index.php

   En janvier 2007, Brigitte D'OULTREMONT m'a fait parvenir 8 pages dactylographiées extraites des notes manuscrites rédigées à l'intention de ses enfants par son père, Georges d'OULTREMONT, qui a assuré l'intérim du commandant POTIER, chef de Possum, rappelé à Londres entre la mi-novembre et la mi-décembre 1943.

   En novembre 2007, Anne SIROT m’a communiqué l’important dossier retrouvé dans les archives de sa famille. Son père Jean et son grand-père Raymond SIROT, mort en déportation, étaient tous les deux membres de l’équipe BOA de Gueux. Ce dossier contient les recherches effectuées par Jean SIROT sur le BOA-Marne, recherches qui malheureusement n’ont pas abouti sur une publication, ainsi que l’abondante correspondance qu’il a échangée avec Michel PICHARD. Ce dernier qui, sous le pseudo de PIC, avait été le chef des opérations aériennes dans la région C dont faisait partie la Marne, puis le coordonnateur national du BOA, travaillait à la rédaction d’un ouvrage sur les réseaux BOA de la France libre finalement publié en 1990 sous le titre L’Espoir des ténèbres-Parachutages sous l’Occupation.

   En février 2008, Jacqueline CAVIGNAUX-THIRION qui, avec ses parents et ses frères, a hébergé dans leur ferme de Prin, près de Savigny-sur-Ardres, des pilotes alliés convoyés par le réseau Possum, m'a fait parvenir quelques photocopies de documents familiaux.

   En avril 2009, Michèle BARRÉ-RIGAUX de Fismes, fille et petite-fille d'agents du réseau Possum, m'a autorisé à numériser quelques documents et photographies tirés de ses archives familiales. Son père, Camille RIGAUX fils a échappé à l'arrestation, mais sa grand-mère Jeanne DÉSOTHEZ a été gazée à Ravensbrück, tandis que ses deux grands-pères, Camille RIGAUX et Maurice DÉSOTHEZ sont décédés à Buchenwald.

    Issu d'un long travail de confrontation de mémoires plurielles, parfois divergentes, transmises par les membres du réseau Possum, ainsi que par les membres des autres réseaux et organisations de résistance, avec les archives françaises, britanniques, belges et américaines, l'exposé que je présente est une contribution à l'histoire complexe, douloureuse et inachevée de ce réseau d'évasion méconnu, et des autres réseaux dans la Marne, qui me conduit aujourd'hui à une relecture de l'histoire de la Résistance dans ce département.

   En octobre 2009, la Fédération Nationale Libre Résistance qui apporte un soutien moral et matériel aux anciens membres des réseaux SOE - Buckmaster en dehors de toutes obédiences politiques ou religieuses, m'a fait parvenir un " Bref Historique des Réseaux FFC « Réseaux Buckmaster » ", accompagné de la liste de ces réseaux, d'une chronologie et d'une carte de localisation de l'implantation de ces réseaux en France.

   En septembre 2010, j'ai pu m'entretenir longuement au téléphone avec Christopher WOOG, le fils d'Armel GUERNE, responsable au sein du réseau SOE Physician Prosper des sous-réseaux de l'Aisne et des Ardennes, dont plusieurs agents ont été ensuite recrutés par le chef du réeau Possum. Il m'a fait part de sa conviction que son père, qu'il a peu connu, n'a pas trahi.