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Les préliminaires de la capitulation allemande

L'aboutissement d'un long processus

   La signature à Reims le 7 mai 1945 de la capitulation allemande qui a mis fin à la 2e guerre mondiale en Europe, est l'aboutissement d'un long processus.
   Les Alliés en avaient arrêté le principe très tôt, bien avant l'ouverture d'un second front en Normandie et alors que l'issue de la guerre en Europe restait encore incertaine.

   En 1985, à l'occasion du 40e anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie, cette capitulation a fait l'objet d'un colloque international à Reims, plus largement consacré à l'histoire de la victoire alliée en Europe ( 1 ).

   En 1995, à l'occasion du 50e anniversaire, le récit de cette capitulation et de ses préliminaires, publié en 1989 par les Archives nationales de Washington a été traduit en français 2 ).

La Conférence de Casablanca
Janvier 1943

   C'est à la Conférence de Casablanca en janvier 1943, que le président des États-Unis, ROOSEVELT, avait imposé au Premier ministre britannique, CHURCHILL, l'idée d'une capitulation allemande totale et sans condition.
   Pour le président démocrate américain, il ne pouvait en aucune façon y avoir de compromis, ni même de négociation avec l'État hitlérien, et surtout pas d'armistice.
   Un armistice n'est qu'un cessez-le feu, une pause, un arrêt des opérations militaires qui peuvent reprendre à tout moment, même si, comme en 1918, cet armistice pouvait être conçu comme le préliminaire à la signature d'un traité de paix.

   ROOSEVELT, par référence au souvenir de la 1ère guerre mondiale, ne voulait pas que les Alliés, en signant un armistice avec l'Allemagne, soient à nouveau confrontés, malgré ou à cause de la signature ultérieure d'un traité de paix très sévère, au mythe du « coup de poignard dans le dos », par lequel les chefs militaires allemands étaient parvenus à accréditer l'idée que l'Armée allemande n'avait pas été vaincue sur le champ de bataille en 1918, mais qu'elle avait été trahie par les civils et par la révolution intérieure.
   Pour ROOSEVELT, il ne pouvait y avoir, à l'issue de la 2e guerre mondiale, ni armistice ni traité négocié avec les représentants du gouvernement allemand entre les mains des nazis, mais une capitulation militaire, totale, sans condition, imposée sans concession aux chefs de l'Armée allemande, sommés de signer eux-mêmes et au niveau le plus élevé.

   En s'engageant clairement sur le principe d'une capitulation totale, ROOSEVELT et CHURCHILL voulaient aussi donner des gages de loyauté à STALINE, absent de la conférence de Casablanca, qui réclamait avec insistance l'ouverture d'un second front en Europe et qui craignait qu'un arrangement puisse intervenir entre Alliés occidentaux et Allemands, aux dépens de l'Union soviétique ( 3 ).

   Jusqu'au mois de mai 1945, les Soviétiques sont restés extrêmement méfiants, car ils redoutaient la signature à l'Ouest de capitulations partielles qui auraient ouvert la voie à un possible retournement d'alliance.

La Commission consultative européenne
1944

   C'est à la suite de la conférence de Moscou d'octobre-novembre 1943, que fut créée une Commission consultative européenne 4 ).
   Constituée de représentants des gouvernements américain, soviétique et britannique, elle fut chargée d'élaborer le texte de la capitulation qui devait, le moment venu, être soumise à l'Allemagne vaincue.

   Le 25 juillet 1944, alors que l'offensive de Normandie s'achevait à peine, un projet de capitulation, sous la forme d'un texte long, comprenant un préambule et 14 articles décrivant les clauses précises de cette capitulation, sur le plan militaire et politique, fut adopté par les gouvernements alliés.
   Ce texte était le résultat d'un compromis.
   Il fut modifié ultérieurement, subissant des amendements successifs, mais finalement, il n'a pas été utilisé à Reims le 7 mai 1945.
   La France fut totalement écartée de l'élaboration de ce document.
   En effet, ce n'est que le 22 octobre 1944 que les Alliés américains, soviétiques et britanniques ont consenti à reconnaître la légitimité du Gouvernement provisoire de la République française, présidé par le chef de la France libre et combattante, le général de GAULLE.
   En novembre 1944, trois mois après l'adoption du projet de capitulation, la France fut enfin admise au sein de la Commission consultative européenne.

La Conférence de Yalta
Février 1945

   Le principe d'une capitulation totale et sans condition fut réaffirmée en février 1945 à la Conférence de Yalta.
   La France en était absente, mais grâce à l'insistance de CHURCHILL, elle fut admise parmi les puissances occupantes.
   Elle siégeait désormais aux côtés des alliés anglo-saxons et soviétiques au sein de la Commission consultative européenne chargée de définir quelles seraient les modalités de l'occupation de l'Allemagne par les Alliés.

   Le problème qui se posait à cette commission, c'est qu'elle ignorait totalement quels allaient être les interlocuteurs du côté allemand au moment de la capitulation.
   Elle élabora donc ultérieurement une « Déclaration concernant la défaite de l'Allemagne et la prise de contrôle de l'autorité suprême en Allemagne » dans laquelle les quatre puissances occupantes ( les États-Unis, l'Union soviétique, le Royaume-Uni et la France ) affirmaient qu'elles se substitueraient, une fois la victoire acquise, à toutes les autorités allemandes, de quelque nature que ce soit.

   Mais ce texte fit l'objet d'interminables discussions et ne fut adopté que le 12 mai 1945, une fois la victoire acquise, et il ne fut proclamé solennellement à Berlin que le 5 juin 1945, un mois après la capitulation de Reims.

La situation militaire à la fin du conflit
Printemps 1945

   En Europe, en février 1945, l'avancée des troupes alliées à l'Est et surtout à l'Ouest était loin d'être décisive.
   La contre-offensive allemande des Ardennes, au cours de l'hiver 1944-1945, avait été stoppée non sans mal, laissant présager que la victoire alliée ne pourrait guère être obtenue avant la fin de l'année 1945, et l'on redoutait l'utilisation par les Allemands d'armes secrètes ( fusée A4/V2 ).
   Le Rhin ne fut franchi par les Américains à Remagen que le 8 mars.

   Mais en avril 1945, l'effondrement de l'armée allemande s'est accéléré au point que la fin de la guerre s'inscrivit dans une précipitation et une improvisation que les Alliés n'avaient pas prévues.

   L'Armée rouge atteint les faubourgs de Berlin le 21 avril et la jonction des troupes anglo-saxonnes et soviétiques eut lieu le lendemain 25 avril à Torgaü sur l'Elbe.

L'Union, 23 avril 1945

L'Union, 28-29 avril 1945

Regards, 15 mai 1945

Les capitulations partielles et tactiques
de Caserta et de Lüneburg
Fin avril-début mai 1945

   Le 29 avril 1945, neuf jours avant la capitulation de Reims, fut signée à Caserta, près de Naples, la capitulation des armées allemandes engagées en Italie du Nord, capitulation qui est entrée en vigueur le 2 mai 1945 5 ).

   L'annonce de la mort d'HITLER, qui s'était suicidé à Berlin le 30 avril dans son bunker, et de son remplacement à la tête du gouvernement allemand par l'Amiral DŒNITZ, le 1er mai, puis la prise de Berlin, le 2 mai 6 ), accélérèrent encore le processus de désagrégation de la Wehrmacht, et conduisirent à la signature d'une seconde capitulation partielle.

L'Union, 3 mai 1945

    Le 3 mai, DŒNITZ ordonna à l'amiral Von FRIEDEBURG, qu'il venait de désigner pour le remplacer à la tête de la Flotte allemande, de se rendre secrètement - afin que les Soviétiques ne l'apprennent surtout pas - au quartier général du maréchal MONTGOMERY, installé à Lüneburg sous une tente, pour lui offrir la capitulation des armées allemandes engagées aux Pays-Bas, au Danemark, en Norvège, et au Nord-Ouest de l'Allemagne. Cette seconde capitulation partielle, venant après celle de Caserta, fut signée le 4 mai.

La Concorde, 5 mai 1945

   Les deux capitulations partielles, acquises en Italie du Nord et en Allemagne du Nord à la fin du mois d'avril et au début du mois de mai 1945, indiquaient clairement que le Haut commandement allemand n'avait plus aucune illusion quant à l'issue de la guerre, et qu'il avait choisi de tomber à l'Ouest.
   Son objectif était d'obtenir une troisième capitulation partielle, concernant cette fois l'ensemble du front occidental, selon des modalités et avec des délais permettant de faire passer des millions de civils et de soldats allemands dans les lignes anglo-saxonnes, de leur éviter d'être faits prisonniers par les Soviétiques, d'échapper ainsi à l'humiliation d'une capitulation concédée devant l'Armée rouge et, pourquoi pas, de créer les conditions d'un éventuel marchandage avec des vainqueurs occidentaux complaisants, ouvrant la voie à un possible renversement d'alliance dirigé contre l'Union soviétique.

   Après la signature de la capitulation partielle de Lüneburg, les Allemands firent donc savoir à MONTGOMERY qu'ils étaient prêts à discuter d'une reddition de l'ensemble des troupes allemandes. Celui-ci en avisa le commandant suprême, le général EISENHOWER, qui accepta que les plénipotentiaires allemands soient amenés à Reims.

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