| Les organisateurs de la commémoration
    Le 
          2 juillet 1944,          le train 7909, convoi de déportés 
          parti de Compiègne à destination de Dachau, 
            a été stoppé plus de deux heures 
          à Saint Brice Courcelles sous une chaleur de 34°. 
            Les habitants du village ont pu apporter une peu d'eau aux déportés 
          qui mouraient de soif. 
 
 
    En 2004,           Saint Brice Courcelles et son maire, 
          Alain LESCOUET, ont décidé 
          de commémorer le passage de ce train dans la commune, en partenariat 
          avec la délégation marnaise de l'Association 
            des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation            (AFMD), présidée par 
            Jean CONSTANT.L'organisation de cette commémoration a été 
          confiée à Chantal RAVIER, 
           professeur d'histoire, conseillère 
          municipal de Saint Brice-Courcelles et membre de l'AFMD.
 
    L'objectif 
          de cette commémoration, qui comprenait diverses manifestations 
          (exposition, table-ronde, cérémonie commémorative 
          proprement dite), était de préserver 
            et de transmettre la mémoire déportée, 
          en mettant l'accent sur le lien intergénérationnel, avec la participation :- de 8 
            survivants du train 7909
 - d'autres déportés
 - des habitants de Saint Brice 
          Courcelles, en particulier la fille du chef de gare de l'époque, 
          qui a fait suivre par la poste des « petits papiers » 
          jetés par les déportés
 - des fils et filles de déportés
 - des lauréats du 
          concours de la résistance
 - des collégiens
 - des élèves de 
          l'école primaire de Saint Brice Courcelles
 - des associations de Saint 
          Brice Courcelles (harmonie, fanfare, chorale, sapeurs-pompiers, vidéo-club).
 Toute 
            la population de la commune a été invitée à 
          participer à ces différentes manifestations.
 
 Historique de la 
            traversée du département de la Marne 
          par le Train 7909à 
          partir des témoignages rassemblés par Christian 
              BERNADAC
 dans Le train de la mort, publié aux éditions France- Empire en 1970.
 
 
    Le 
          1er juillet 1944, 
            le sous-chef de gare allemand MULLER 
          contacte le chef de gare français qui fait former le convoi.Le train 7909, signalé comme comprenant de 
            nombreux « terroristes », sera étroitement 
              contrôlé par la police et la gendarmerie allemandes.
 Le quai où sont embarqués les déportés 
            est celui qui était réservé auparavant aux trains 
            de voyageurs desservant Soissons et Villers-Cotterêts. Ce quai 
            ne peut réunir des convois supérieurs à 20 wagons 
            parce que les aiguillages sont proches des butoirs.
 Le train 7909 est donc partagé 
          sur les voies 4 et 6, d'où la difficulté 
          pour les déportés de pouvoir se localiser dans le train.
 Le convoi comprend 37 éléments 
          dont la voiture des officiers, le wagon d'escorte, la plate-forme, 
          le fourgon avec frein de queue.
 Le convoi est constitué de wagons 
          à bestiaux en bois et d'un wagon 
                entièrement métallique, où l'on va 
            enregistrer le plus grande nombre de décès au cours 
          du transport vers Dachau.
 Le 
          dimanche 2 juillet, à 5 heures du matin au 
            camp de Royallieu-Compiègne, 
            les déportés sont regroupés en carrés 
          de 100 pour être embarqués.   Pendant 
          ce temps à Reims, Paul-Emile RENARD décide 
          que la résistance doit tout faire pour 
            immobiliser le train dont le
 passage à Reims est 
          annoncé pour 11 heures 40.
 La décision est prise de plastiquer 
            les voies derrière les verreries de Saint-Brice-Courcelles. 
          L'opération de sabotage sera réalisée par Roger 
          OLLINGER.
 À 
          Soissons les infirmières de la Croix Rouge ont été 
          empêchées de distribuer de l'eau aux déportés 
          malgré la chaleur.
 C'est dans les wagons entièrement 
            métalliques que la situation est la plus catastrophique. 
          Dans celui d'André GONZALÈS, 
          le seul survivant de ce wagon, les premiers actes de folie se produisent.
 
    À 
          10 heures 50, le train s'arrête en gare de Fismes 
          sur le quai numéro 1.Lucien TANGRE              accompagné 
          de sa fille Raymonde, 
            informé qu'un train de déportés allait passer 
          à Fismes, est arrivé dans l'espoir de pouvoir parler 
          à son fils, Georges TANGRE, 
            18 ans, arrêté par la Gestapo de Reims le 
              4 avril 1944, et qui se trouve peut-être dans ce 
            train.
 Les déportés crient : « À boire », « 
          Au secours ».
 Le chef de gare Louis CHASSARD 
          et les TANGRE parviennent à 
          remplir quelques bouteilles d'eau et à les distribuer.
 Le train redémarre, et Georges 
              TANGRE qui se trouvait effectivement dans le train appelle 
            sa soeur Raymonde qui peut l'entrevoir 
          un instant, tandis que le train séloigne en direction de Reims.
 À 
          11 heures, 
            lors de la traversée de la gare de 
              Jonchery-sur-Vesle, Albert CHARPENTIER 
          parvient à lancer un morceau de papier placé dans son 
            mouchoir avec un caillou, et qui contient un message 
          destiné à informer sa famille.
 À 
          11 heures 05, une explosion se 
            produit à Reims, mais les dégâts sont 
          sans gravité. La locomotive est simplement 
            immobilisée pour quelque temps au passage à 
          niveau de la route de Champigny-Saint Brice, à cause d'un rail 
          tordu.
 Une vingtaine de gendarmes venus de Reims cernent 
          le lieu de l'explosion.
 Le sabotage a échoué 
          ; des agents de la Gestapo de Reims et le chef de gare allemand affirment 
          que le train sera en gare de Reims une heure plus tard.
 Les résistants envisagent aussitôt 
          de provoquer un peu plus loin, à l'entrée de la gare 
          de triage de Bétheny, un autre sabotage 
          pour faire dérailler la locomotive.
 À 
          Saint-Brice, les déportés réclament de l'eau.
 Marcel CHENET et des habitants 
                  de Saint-Brice qui travaillaient dans leurs jardins à proximité 
          de la gare, tentent de s'approcher, mais ils sont repoussés 
                  par les sentinelles allemandes.
 Le centre d'accueil de la Croix-Rouge installé 
          dans la gare de marchandises de Reims est alerté.
 Des 
          agents de la Gestapo perquisitionnent à Champigny, 
          Tinqueux, Thillois et au faubourg de Vesle et font la chasse aux terroristes.
 Entre 
          11 heures 30 et 14 heures, 
            le train manuvre trois fois sur un kilomètre.
 Des 
              habitants de Saint-Brice parviennent à 
          la faveur de ses manoeuvres, à distribuer 
                aux déportés à travers les lucarnes des wagons, 
                de l'eau, du pain, des légumes frais, 
          tomates et carottes cueillis dans les jardins proches de la gare.
 Le garde-barrière, aidé de ses enfants,           réussit lui aussi à faire passer 
          quelques bouteilles d'eau.
 Le maraîcher LEDRU 
          branche sa lance d'arrosage et 
              la dirige vers la lucarne d'un wagon.
 Raymond VIRET 
          et sa famille pompent sans relâche et 
                distribuent de l'eau aux déportés des wagons 
              arrêtés derrière leur maison, au fond de leur 
              jardin. Ils sont pieds nus et les rails brûlent leurs pieds 
          tellement il fait chaud.
 Ce 
          jour-là, les températures les plus élevées 
          relevées par les services de la météorologie 
          allemande dans 18 villes françaises concernent Reims 
          et Châlons-sur-Marne : 34°.
 À 
          13 heures 35, le train arrive en 
            gare de Reims entre deux rangs de soldats qui lui tournent 
          le dos et s'arrête sur la voie centrale numéro 9.
 Les cheminots qui tentent de porter secours aux déportés 
          et de leur distribuer de l'eau sont molestés par les sentinelles 
          allemandes.
 À 
          15 heures 10, après un changement de locomotive 
          et d'équipage, le train quitte la gare 
            de Reims en direction de Bétheny.
 À 15 heures 20, 
          le train aborde au ralenti l'aiguillage du dépôt de Bétheny, 
          un secteur qui a été soumis à des bombardements 
          intenses en mai 1944, provoquant des affaissements. La locomotive 
          et le tender s'enfoncent et basculent. Le 
            train est à nouveau immobilisé. Aux Allemands 
          qui crient « Sabotage », l'aiguilleur rétorque 
          que ce sont les bombardements qui ont affaissé le terrain.
 À 15 heures 55, 
          les wagons du train 7909 sont ramenés par un tracteur en gare de 
          Reims et immobilisés quai 3.
 L'équipe de la Croix Rouge alerte son président, 
          le docteur BOUVIER, maire de Reims,          qui vient parlementer avec les Allemands 
          et obtient l'ouverture des wagons. Des déportés 
          évanouis tombent sur la voie. Les médecins et les infirmières 
          de la Croix Rouge se portent à leur secours.
 Les 
          cadavres s'accumulent 
          dans plusieurs wagons. Les Allemands refusent de les livrer aux autorités 
            françaises. Tous les déportés 
              doivent arriver à leur destination, le camp de Dachau, morts 
              ou vivants.
 À 20 heures, 
          le train quitte à nouveau la gare de Reims en direction 
          de Châlons-sur-Marne.
 À 
          20 heures 35, le train s'arrête 
          à Saint-Hilaire-au-Temple en bordure du camp de 
          Mormelon. On signale 25 morts dans un même 
            wagon.
 À 21 heures 20,          le train s'arrête à 
          Châlons-sur-Marne quelques minutes           au cours desquelles s'opère un changement de machine. 
          Sur Marie, supérieure 
          des Filles de la Charité et trois de ses religieuses, sont 
          autorisées à s'approcher et à donner à 
          un infirmier du convoi, un peu de quinine réclamée par 
          téléphone depuis Reims et destinée au wagon des 
          invalides.
 
 Les trains et la déportation Table 
          ronde animée parHervé CHABAUD
 avec la participation d'un survivant du Train 7909
 Jacques BRONCHARD
  Salle des Fêtes de Saint-Brice-Courcellesle mercredi 30 juin 2004
 
 Chantal 
          RAVIER présente les intervenants  
 De 
            droite à gauche,
 Jacques BRONCHARD, déporté à Dachau par 
            le train 7909
 Hervé CHABAUD, journaliste, petit-fils 
            de déporté,
 Jean CONSTANT, président de la 
            délégation marnaise
 des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation
     326 
            convois sont partis pour les camps entre 
              le 1er janvier 1944 et le 25 août 1944, 
                c'est-à-dire une moyenne de 10 convois par semaine.Parmi les 
                    2 166 déportés 
              embarqués dans le train 7909, qui 
                        est le dernier train parti de Compiègne à destination 
                        du camp de Dachau, 536 sont morts          pendant 
          le voyage.
 Jacques 
          BRONCHARD 
          qui se trouvait dans ce train témoigne. Témoigner 
          fait partie de la vie de Jacques BRONCHARD, 
          mais ce n'est pas chose facile. Il témoigne régulièrement devant 
          des élèves de collège ou lycée en particulier 
          dans le cadre de la préparation au Concours de la résistance 
          et de la déportation. Mais parler du train 7909, 
          il ne l'avait jamais fait jusqu'alors devant les jeunes.
 Au 
          début de la Seconde Guerre mondiale, Jacques 
            BRONCHARD résidait à Nevers dans la Nièvre. Militant des Jeunesses communistes 
          âgé seulement de 17 ans,  
          il a été arrêté une première fois le 14 décembre 1940, dans son lycée pendant 
                un cours de Français. Il avait distribué des tracts 
                et affiches du Parti communiste. Relâché après deux jours d'interrogatoire, 
                il s'est « tenu tranquille » 
          quelques mois, avant de reprendre des activités 
                  de résistance dans les FTP qui se structuraient 
                peu à peu. Arrêté à 
          nouveau en septembre 1943, –          il n'a jamais su comment « on lui 
          était tombé dessus » –, il 
                    subit plusieurs interrogatoires musclés et il est interné 
          à la prison de Riom.
 Fin juin 1944,          la prison de Riom est évacuée 
          par les Allemands. Les détenus 
          attachés deux par deux, bras et jambes avec des chaînes 
          à vélo, sont emmenés 
          à Compiègne.
 Le 2 juillet 1944, à 
          5 heures du matin, c'est le rassemblement et l'appel : 
          des « paquets de cent prisonniers 
          » sont formés et poussés dans les wagons à bestiaux. Le 
                long chemin vers Dachau commence. Le 
              train 7909 n'est pas prioritaire. Les voies 
                sont parfois coupées et il faut attendre qu'elles 
              soient réparées. Le voyage de Compiègne à Dachau 
          a duré quatre jours,          du 2 au 5 juillet 1944. Jacques BRONCHARD 
          ne se souvient que d'un bout de pain 
          distribué au départ et d'une 
                soupe lors d'un arrêt le 
                  3 ou le 4 juillet.
 Mais ce qui est devenu très vite insupportable, 
              c'est le manque d'eau.
 Il fait très chaud, l'air 
                manque.
 Les déportés crient, gémissent, 
                délirent.
 La mort par asphyxie 
          et déshydratation fait son œuvre.
    
          «  Je n'ai rien 
            vu. Je n'ai rien su.Le train a roulé combien de temps ? 
            Je ne sais pas.
 Je sais simplement qu'un homme, 
              pris de folie, s'est jeté sur moi pour m'étrangler.
 Mes camarades l'ont maîtrisé 
          et un 
            quart d'heure après il était mort.
 Puis ce fut mon camarade Marcel 
            Balesdent qui 
              s'est écroulé.
 Je 
            ne me souviens pas avoir entendu l'explosion de Saint Brice.
 Dans mon wagon, nous étions 
                calmes, emboîtés. On 
              se levait à tour de rôle pour voir ce qui se passait 
              et respirer un peu à la lucarne hérissée de barbelés.
 Dans d'autres wagons, ils 
                sont devenus fous furieux.
 On demandait à boire.
 Les Allemands empêchaient 
                les habitants de Saint Brice d'approcher.
 Dans mon wagon, personne 
                n'a eu à boire.
 On a pourtant tenu le coup.
 Je ne me souviens pas de 
                l'arrêt en gare de Reims.
 On avançait, on reculait. Nous restions calmes.
 Le train s'est immobilisé longtemps.
 Je ne savais pas quelle heure il était.
 Il y a eu des hurlements 
          dans les wagons et ça s'est bouculé..
 Mon camarade Dédé 
          m'a dit : « Jacques, je vais 
                essayer d'aller respirer à la lucarne ».
 Je ne l'ai pas revu. Le lendemain, il 
          était parmi les 15 cadavres au 
                  fond du wagon.
 Beaucoup de camarades sont morts dans le secteur 
              de Saint Brice Courcelles- Reims-Bétheny.
 Pas 
                d'eau. Tinette renversée. L'odeur était épouvantable.
 On s'est déshabillé.
 J'étais 
                    convaincu que c'était la nuit, qu'il faisait noir.
 J'ai commencé à délirer,
 Un camarade m'a mis la tête 
                        sur ses genoux en me disant : « 
                        Ne bouge pas »...
 ...et puis je me suis endormi ou bien évanoui ».
    Autre 
          témoignage, celui d'Andrée MENDEZ, 
            née CODANT, fille du chef 
              de gare de Saint Brice Courcelles en juillet 
                1944.Elle a vu passer de sinistres trains de déportés.
 Après le passage de ces trains, elle ramassait 
          de petits papiers jetés sur la voie 
          par les occupants des wagons à bestiaux.
 Ces petits papiers qui disaient souvent « 
          Ne vous inquiétez pas, je pars pour l'Allemagne », 
          étaient des signes d'espoir 
          : espoir qu'une main charitable les ferait parvenir à la famille 
            des déportés, toute information étant meilleure 
            que l'incertitude.
 En janvier 1944, 
            Andrée a trouvé un petit paquet 
              composé de plusieurs petits mots lestés avec une pierre.
 Elle a envoyé tous ces messages à 
          l'adresse indiquée et a précisé au dos de l'enveloppe 
            : Melle AC de SBC ( Marne ).
 L'auteur de ces petits papiers était Pierre GODICHOT, 
            et il était déjà arrivé à Dachau quand sa maman a reçu la précieuse enveloppe.
 Pierre a survécu 
          à la déportation.
 Lorsqu'en 1984, 
            sa maman est décédée, il 
              a retrouvé, bien rangés, les précieux papiers 
              et l'enveloppe.
 C'est par l'émission 
          de TV animée par Pierre BELLEMARE,  Au nom de l'amour, 
          qui proposait aux téléspectateurs de belles histoires 
            de retrouvailles, que la trace 
          d'Andrée a 
          été retrouvée, 
          à la suite d'un requête adressée par les organisateurs 
            de l'émisssion à la mairie de Saint Brice.
 Andrée 
          et son mari ont rencontré Pierre 
          et son épouse lors de l'émission diffusée le 
              12 mai 1985. Cette rencontre a été vécue 
            avec beaucoup d'émotion par les deux couples qui depuis entretiennent 
          de solides et régulières relations d'amitié partagée.
 
 La cérémonie à la mémoire 
          des déportés du « Train de la mort » 
 La 
          chorale de Saint Brice Courcelles interprète l'émouvant 
          Chant des marais 
 Personnalités 
          et portes-drapeaux rasssemblés devant la plaque commémorative 
 Alain 
          BOYER, sous-préfet de Reims,et Alain LESCOUET, maire de Saint Brice 
          Courcelles,
 déposent une gerbe devant la plaque commémorative
 à la mémoire des déportés du Train 7909
 
 Deux 
          survivants du Train 7909, Jacques BRONCHARD 
          et Jean SAMUELse recueillent devant la plaque commémorative, après 
          y avoir déposé
 une gerbe au nom de l'Amicale des déportés de Dachau
 
 
           
            | SOUVIENS-TOIle 2 Juillet 1944, le dernier
 " Train de la Mort " passait ici
 |  
 Le discours du maire de Saint Brice Courcelles 
          Alain Lescouet 
 Alain 
          LESCOUET prend la paroleen présence du sous-préfet de Reims, Alain 
            BOYER
 et du maire de Reims, Jean-Louis SCHNEITER
      « Monsieur 
          le Préfet, Madame la Députée Européenne, 
          Monsieur le Président de la Communauté d'Agglomération, 
          Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, 
          Mesdemoiselles, Messieurs,     Merci 
          pour votre présence, merci pour votre participation dans cet 
          hommage à tous ceux qui ont connu la déportation. Aujourd'hui 
          à nos côtés pour les représenter, nous 
          avons 8 témoins, 8 survivants du train 7909.Écoutons les, ils viennent nous faire passer 
          un message, un message sobre et digne. Un message que nous aussi, 
          nous aurons à cur de transmettre.
 Il y a donc 60 ans, ils étaient dans les 
          wagons de ce train de la mort qui, au cours de son trajet infernal, 
          s'est arrêté quelques instants ici le 2 juillet 1944 
          de 11 heures 30 à 14 heures.
 Sur cette voie de chemin de fer, ici même 
          ou un peu plus loin vers Saint- Charles, ils ont souffert et ils ont 
          vu mourir sous leurs yeux un grand nombre de leurs amis, de leurs 
          proches.
 Le débarquement venait d'avoir lieu depuis 
          seulement quelques semaines.
 Les différents services de police et de sécurité 
          du Reich estiment alors que la masse impressionnante des détenus 
          des prisons de France ne devait en aucun cas grossir les effectifs 
          des Forces Alliées d'invasion ou des Forces de la Résistance.
 Il faut, au contraire, qu'ils puissent travailler 
          dans les camps de concentration en participant à l'effort de 
          guerre allemand. Rassemblée dans le centre de triage de Compiègne, 
          la masse de ces prisonniers alimente les derniers grands convois de 
          la déportation. À plus de 2000, ils partiront entassés 
          dans les wagons à bestiaux du train 7909. Plus de cent hommes 
          par wagon. Le train brûle sous le soleil et chaque wagon clos 
          est déjà un four. À coup de crosse, les captifs 
          sont enfournés dans les wagons, on y tasse cette matière 
          vivante, la porte glisse et claque en se refermant. On la verrouille 
          solidement... Pour tout le voyage, qui durera 5 jours et 4 nuits, 
          il n'y aura pour chacun qu'une boule de pain et un morceau de saucisson 
          salé.
 À 9 heures 15 le train se met en marche. 
          Le mouvement n'apporte même pas l'air bienfaisant. Ils sont 
          trop dans chaque wagon. En outre, la plupart des lucarnes d'aération 
          ont été obstruées.Tout de suite la vie devient 
          intenable. L'air est de plus en plus lourd, pratiquement irrespirable. 
          Rester debout est très pénible et le train va lentement, 
          très lentement. De fréquents arrêts viennent accroître 
          le supplice.
 Un peu avant midi, quatre kilomètres avant 
          Reims, le train stoppe à Saint Brice Courcelles. Les hommes 
          sont épuisés, baignés de sueur, étouffés, 
          certains sont tombés morts, au fond du wagon. La température 
          extérieure est de 34 degrés, il n'y a pas un brin d'air. 
          Cet arrêt va se prolonger presque trois longues heures. Les 
          hommes sont à demi-hébétés, presque inconscients, 
          ne sachant plus ce qui leur arrive. L'un d'entre eux dira : « nous 
          n'étions plus des hommes ». L'asphyxie produit le 
          délire et le délire provoque la folie furieuse. C'est 
          inimaginable, les morts s'empilent. Mercredi dernier, Jacques 
          Bronchart nous a fait part de cette lancinante question qui le hante 
          encore aujourd'hui « mais pourquoi suis-je encore vivant 
          ? ». Dans son wagon, il n'a pas eut conscience de cet arrêt 
          prolongé à Saint Brice Courcelles.
 
 Monsieur 
          et Madame BRONCHARD     
          Mais pendant ce temps, à l'extérieur, malgré 
          la surveillance des gardiens hostiles, des personnes du village essayent 
          d'apporter leur aide :- Le maraîcher Ledru 
          branche sa lance d'arrosage, débloque le robinet et vise une 
          lucarne.
 - Madame Pinel ramasse un 
          carton qui porte une vingtaine de noms et adresses ce qui permettra 
          au Maire de l'époque, Monsieur Dorigny, de prévenir 
          les familles
 - L'oncle de Madame Lapierre 
          prend l'ardoise des commissions et y inscrit à la craie " entre 
          Saint-Brice et Reims ", puis l'ardoise bien haut au-dessus 
          de sa tête, il suit la voie pour répondre ainsi silencieusement 
          à tous ceux qui, dans le train, cherchent à savoir où 
          ils sont.
 - Le garde-barrière 
          du passage à niveau arrive avec l'aide de ses enfants à 
          faire passer quelques bouteilles d'eau à l'intérieur 
          du wagon qui est arrêté à cet endroit.
 - Madame Morizet essaye de 
          parler avec les prisonniers par la lucarne, un garde hurle et lui 
          lance une pierre pour la chasser. Georgette Cher et Geneviève 
          Barthélémy arrivent à approcher et passent par 
          une lucarne une cruche d'eau. À l'intérieur, on leur 
          demande: "où en sont les Américains?"
 - Raymond Viret, maraîcher, 
          avait 20 ans. Il travaille ce jour-là avec sa mère Marthe 
          Viret, sa sur et son beau-frère Denise et Robert Tisseur. 
          Le train s'est arrêté juste derrière leur maison. 
          Du jardin, à travers la clôture, ils voient tous ces 
          wagons immobiles d'où s'échappait un murmure. Des sentinelles 
          circulaient à côté. Robert Viret s'est approché, 
          intrigué. Par les ouvertures des wagons, il aperçoit 
          des visages inquiets qui réclament à boire. Comme il 
          possédait une pompe à eau proche de la ligne de chemin 
          de fer, il saisit un récipient et se dirige hésitant 
          vers le train. Les sentinelles lui prennent l'eau pour boire, et après 
          l'autorisent à en donner aussi aux hommes dans les wagons. 
          Toute la famille participe. Denise récupère quelques 
          récipients, arrosoir, seau, gamelle, puis se met à pomper 
          sans arrêt. Marthe passe l'eau par-dessus la clôture à 
          Robert et Raymond qui font l'aller-retour jusqu'aux wagons sous la 
          surveillance des sentinelles méfiantes. Les rails leur brûlent 
          les pieds tellement il faisait chaud. En montant debout sur les tampons 
          des wagons, par les lucarnes, ils aperçoivent ces hommes à 
          moitié nus entassés les uns sur les autres qui se précipitent 
          pour avoir un peu de cette eau qu'ils boivent avidement, dans un coin, 
          quelques-uns restent allongés, immobiles, morts ou mourants. 
          Pendant deux heures, ils ont distribué de l'eau. Ils ont pompé 
          tellement longtemps et abondamment que l'eau est devenue laiteuse 
          et que les impuretés émergent du puits.
 Peu à peu des gens du village se sont approchés 
          du convoi. Ils s'étaient munis de vivres qu'ils hésitaient 
          à apporter aux déportés. Au moment où 
          l'un d'entre eux voulut approcher, une sentinelle braqua son fusil 
          et lui ordonna de rester où il était. Quelques minutes 
          après le convoi repartait.
 Il était 14 heures, le train s'éloignait 
          vers Dachau emportant son lot de morts et de vivants, laissant à 
          tout jamais dans notre mémoire l'atrocité de ces instants.
 La mémoire, voilà donc ce qui nous 
          rassemble aujourd'hui sur cette voie ferrée. Nous avons une 
          volonté commune, la volonté d'exercer un devoir de mémoire. 
          Oui, nous souhaitons par cette commémoration nous recueillir 
          avec gravité, solennité et fraternité sur un 
          moment cruel de notre histoire. La raison en est simple et elle s'exprime 
          avec force dans cette citation de Cicéron :
 " L'Histoire est la seule mémoire des peuples, et 
          les peuples sans mémoire sont voués à toutes 
          les servitudes ".
 60 ans après être passés, ici 
          même à Saint Brice Courcelles, entassés dans ce 
          train de la mort, vous êtes venus témoigner avec simplicité 
          de ce que vous avez enduré. Au cours de ces derniers jours 
          plusieurs actions ont été conduites auprès des 
          enfants de l'école élémentaire de Saint Brice 
          Courcelles et du collège Trois Fontaines avec l'aide des associations 
          de déportés, de la bibliothèque municipale, des 
          clubs philatélique et vidéo et de Monsieur Hervé 
          Chabaud.
 Celui-ci nous posait justement cette question : " À 
          quoi sert-il de commémorer si on n'en comprend pas le sens 
          et si le geste n'est pas accompli en conscience pour mieux vivre demain 
          ? ".
 En effet, pour savoir où nous allons, il 
          est nécessaire de bien savoir d'où nous venons. Alors 
          que la construction européenne a intégré notre 
          vie quotidienne, qu'elle s'intensifie et agrandit son territoire, 
          prenons garde à ne pas oublier pour mieux réussir l'avenir 
          !
 En effet, nous devons oser affronter l'avenir sans 
          rien oublier de notre passé pour interdire que l'horreur d'hier 
          se dessine comme un avenir probable. Nous devons refuser les amalgames 
          faciles qui brouillent la vérité. À nous tous 
          d'être les gardiens et les passeurs du sens de l'Histoire.
 Aujourd'hui, pour garantir la paix pour l'Europe, 
          pour le Monde, la France et l'Allemagne sont unies. Et l'Europe vient 
          de mettre fin à la période, qui la divisait depuis la 
          2ème guerre mondiale, en accueillant dans l'Union 10 nouveaux 
          pays d'Europe Centrale. Les esprits ont, à l'évidence, 
          évolué tout en prenant conscience que le pardon n'a 
          que plus de valeur si la mémoire reste vivante et ne sombre 
          pas dans l'oubli.
 Comme nous l'avons fait à l'occasion de cette 
          cérémonie, grâce à l'action conjointe de 
          Madame Chantal Ravier et de Monsieur Jean Constant, travaillons pour 
          que la Mémoire soit respectueuse de l'histoire et des souffrances 
          des Européens du XXème siècle. Il est impératif 
          que cette époque terrible, marquée par deux conflits 
          mondiaux, les plus meurtriers de l'histoire, soit bien connue de tous, 
          qu'elle ne soit pas réduite à quelques pages ou quelques 
          lignes dans les livres. Il est indispensable que ces terribles événements 
          soient maintenus dans leur réalité, afin de combattre 
          les dangers du négationnisme et de restituer aux nouvelles 
          générations les enseignements d'une histoire qui est 
          encore la nôtre et celle de nos parents. Unis dans cette bataille 
          de la mémoire, nous nous devons d'uvrer, à l'édification 
          d'un monde moins brutal, plus généreux pour que ce nouveau 
          siècle soit celui de la fraternité entre les hommes 
          et les peuples.
 Comme nous l'a écrit Monsieur René 
          Vaissié, matricule 77484 à Dachau, survivant du train 
          7909 : « Soixante ans après, au moment où 
          l'Europe cherche à se réunir, je voudrais oublier le 
          drame que nous avons vécu. Je ne voudrais me souvenir que de 
          l'attitude courageuse et généreuse des habitants de 
          Saint Brice et de mes camarades de Résistance morts dans ce 
          convoi. Car, face à l'horreur, il y a eu ces magnifiques témoignages 
          de vos concitoyens ! Il faut que nos enfants sachent qu'un jour de 
          juillet 44, à Saint Brice, l'Amour a été plus 
          fort que la haine et la peur. Voilà une belle victoire remportée 
          sur la bestialité de certains hommes ! ».
 Le combat pour la solidarité, la tolérance, 
          la dignité de chaque être humain est toujours d'une brûlante 
          actualité. Alors aujourd'hui, rassemblés par une même 
          volonté, avec vigilance, encore merci d'avoir bien voulu vous 
          mobiliser pour la liberté de tous et pour la sauvegarde des 
          idéaux humanistes. »
 
 L'hommage aux survivants du « Train de la mort présents à la cérémonie commémorative 
          du 3 juillet 2004
    Avant 
          de leur remettre la médaille de la 
            Commune de Saint Brice Courcelles, le maire, Alain 
              LESCOUET, a présenté chacun 
                des huit survivants du « Train de la mort » 
          qui participaient à la cérémonie du souvenir. Jacques 
          BRONCHARD de Reims
 
    « Jacques 
          BRONCHARD vivait à Nevers ( Nièvre ). Il a 
          été arrêté une première fois le 
          14 décembre 1940, en cours de Français, il n'avait alors 
          que 17 ans. Arrêté à nouveau en septembre 
          1943, les interrogatoires sont plus musclés et la prison de 
          Riom est au bout.
 Fin juin 1944, la prison de Riom est « vidée 
          » par les Allemands , les prisonniers attachés deux par 
          deux, bras et jambes avec des « chaînes à 
          vélo » sont emmenés à Compiègne.
 Le 2 juillet à 5 heures du matin, c'est le 
          rassemblement et l'appel puis la montée dans les wagons à 
          bestiaux.
 Le long chemin vers Dachau commence puis c'est l'affectation 
          dans les camps du Neckar dépendants du Struthof, matricule 
          21851.
 Au retour, Monsieur BRONCHARD est malade, mais il 
          réussit à passer son 2ème bac et à devenir 
          instituteur.
 La maladie le rattrape, il sera en longue maladie 
          pendant 7 longues années.
 En 1957, il est instituteur à Reims et il 
          prendra sa retraite en 1976.
 Monsieur 
            BRONCHARD, outre vos différentes fonctions dans les associations, 
            surtout celle des déportés, internés, résistants 
            patriotes dont vous êtes le président, vous témoignez 
            dans les collèges et lycées sur la déportation, 
            la vie dans les camps, mais votre douloureux trajet dans le « Train 
          de la mort » reste plus personnel. »
 Jean 
          SAMUEL de Paris 
    « Jean 
          SAMUEL est arrêté sous le nom d'André RATIER. 
          Cependant c 'est sous le pseudonyme de SÉVIGNÉ, réseau 
          PLUTUS, mouvement COMBAT , Agent P2 qu'il fabrique des Faux-Papiers.Certains de ses camarades le surnommaient « 
          la Marquise » et cela lui a peut-être sauvé 
          la vie car les Allemands ont cherché une femme.
 Arrêté par la Gestapo à Paris 
          le 18 mai 1944, torturé, il se retrouve à Compiègne 
          et dans le Train du 2 juillet, date anniversaire qui passe avant l'anniversaire 
          de la libération du camp pour certains.
 Après DACHAU, matricule 77655, ce sont les 
          kommandos de NECKARGERAH et NECKARELTZ.
 « Au camp et au Kommando, chacun a fait ce 
          qu'il sentait devoir faire pour survivre » dit-il.
 Au retour, il est homologué avec le grade de sous-Lieutenant 
          au titre de la Résistance Intérieure Française.
 Officier de la Légion d'Honneur, Croix de Guerre, 
          Médaille de la Résistance.
 Actuellement, Monsieur SAMUEL, vous êtes secrétaire 
          général du Comité International de Dachau et 
          trésorier de l'Amicale française du Camp de concentration 
          de Dachau. »
 Yves 
          MEYER de Paris 
    « Yves 
          MEYER est né en 1923.En 1940, il refuse l'armistice et veut continuer 
          la lutte, mais il n'a que 17 ans et pas de formation militaire.
 En 1942, il entre dans le réseau JUDITH. 
          Il est porteur de poste. Le réseau est décimé 
          en 6 mois. Lui est arrêté à la frontière 
          espagnole. Il s'évade, reprend des activités dans un 
          maquis de la vallée de la Maurienne. Il a en charge un groupe 
          de Républicains espagnols.
 Il est arrêté dans le train et amené 
          à la Gestapo de Grenoble.
 Il parvient à nouveau à s'évader.
 Chef régional d'un maquis de Normandie Nord, 
          il est arrêté sur dénonciatio .
 Puis c'est Compiègne, le « Train 
          de la Mort », Neckargeracht.
 Au retour, il ne pèse plus que 32 Kilos.
 Monsieur 
            MEYER, après une période de réadaptation, vous 
            travaillez dans l'imprimerie , puis montez votre propre entreprise 
            , florissante . Vous avez épousé une déportée 
          avec qui vous avez eu une fille, ici présente. »
 André 
          GAILLARD de Saint Herblain ( Loire Atlantique) 
   «  André 
          GAILLARD, né en 1922, est arrêté à 21 ans 
          en tant que réfractaire au STO . Il était aussi surveillant 
          dans un collège qui cachait 3 enfants juifs. Le directeur, 
          le personnel administratif qui avait fourni les faux papiers , les 
          enfants juifs et lui sont internés, déportés 
          et M Gaillard est le seul survivant.Dans son wagon du train de la mort, le nombre de 
          morts a été limité par le fait qu'il y avait 
          4 ouvertures avec des barbelés et un minimum de discipline 
          à l'intérieur.
 Un projet d'évasion avait été 
          envisagé, mais a été abandonné à 
          cause de l'épuisement généralisé.
 Le séjour à Dachau dure 3 semaines, 
          puis ce sont les camps du Neckar.
 Au retour d'Allemagne, Monsieur GAILLARD , après 
          une certaine période de convalescence, vous vous dirigez vers 
          la médecine et exercez d'abord dans le privé à 
          Nantes, puis comme médecin des Hôpitaux et professeur 
          à la faculté.
 Vous êtes marié, père de 6 enfants 
          et retraité depuis octobre 1992. »
 Roger 
          POULET de Dijon 
    « Roger 
          POULET faisait de la résistance dans une usine qui travaillait 
          pour le chemin de fer où il était requis pour le travail 
          : il sabotait les pièces de réparation des wagons.Il a été arrêté sur dénonciation 
          par quelqu'un qui avait été lui-même arrêté, 
          torturé et qui sera fusillé.
 Six de ses camarades d'arrestation seront fusillés ; 
          lui rejoindra le « Train de la Mort » et Dachau.
 Au retour, il pesait 40 kilos et mit 2 à 
          3 mois pour se remettre d'aplomb.
 Il a alors repris sa place dans le bâtiment 
          avec son père, puis il a été commerçant 
          : il tenait un bar-tabac avec son épouse, mais il a dû 
          changer à nouveau de métier pour raison de santé 
          .
 Monsieur POULET, 
            vous avez terminé votre vie active en tenant un commerce de 
            chauffage avec votre beau-frère.
 Vous avez 2 filles et 2 petits-enfants. »
 Albert MANDELSAFT de Metz 
    « Albert 
          MANDELSAFT est né en 1920.Durant la Seconde Guerre mondiale, il se nommait 
          Albert MUNIER
 En octobre 1943, il rejoint le maquis du Lot à 
          Saint Ciré, commandé par le colonel Georges des FTP-FFI.
 Le 6 juin 1944, le maquis est déplacé 
          pour essayer de stopper la division Das Reich qui devait relier la 
          Normandie.
 Le 8 juin, suite à une dénonciation, 
          36 de ses camarades sont massacrés, 80 sont fait prisonniers, 
          emmenés à Tulle et certains sont pendus le 9 juin, d'autres 
          mitraillés par les SS qui ont profité d'une coupure 
          de courant pour tirer.
 Puis c'est Compiègne, le « Train 
          de la mort » et Dachau, avec le matricule 77208, toujours 
          sous le nom de Munier.
 Monsieur 
            MANDELSAFT, vous avez survécu, mais toute votre famille ( père, 
            mère, frère et sur ) a été exterminée 
          à Auschwitz. »
 Bruno BALP de Paris 
    « Bruno 
          BALP est arrêté à 18 ans avec son père, 
          dont la Gestapo ignorera toujours les véritables fonctions. 
          À minuit des coups de butoir secouent la porte d'entrée, 
          le tout accompagné de vociférations et de coups : « Vous 
          êtes les ennemis de l'Allemagne, vous serez châtiés ».Torturé ainsi que son père et un de 
          ses frères, ils se retrouvent tous les 3 dans le « Train 
          de la mort » , dans un wagon blindé de 110 déportés 
          où il y aura 43 morts.
 Puis c'est Dachau, les camps du Neckar, où 
          ils entendent pendant des mois l'artillerie et des bombes, et espèrent 
          l'arrivée des Alliés.
 Outre l'espoir, c'est l'expérience du papa 
          ( c'est sa 2ème guerre), la foi en Dieu, l'amour familial 
          qui les aideront à survivre.
 Ils seront libérés par la VIIème 
          armée de Patton et rapatriés en avion sur Paris.
 Monsieur 
            BALP, au retour, vous suivez les cours de théâtre des 
            maîtres Charles Dullin et René Simon et devenez comédien, 
            et vous l'êtes toujours : vous préparez une pièce 
          qui se jouera le 12 janvier prochain à Paris. »
 Pierre ROPIQUET de Niort 
    « Né 
          en 1924 dans le département des Deux-Sèvres, une circulaire 
          de Vichy lui impose en janvier 1944 de se faire recenser pour le STO 
          en Allemagne.Il refuse et part à la campagne chez un cousin 
          qui participe à un réseau de résistance.
 Arrêté le 22 mars 1944, interrogé 
          de façon brutale , il reste plusieurs mois en prison où 
          il apprend le débarquement du 6 juin 1944.
 Mais l'espoir de liberté s'envole, c'est 
          le départ pour Compiègne puis le Train 7909 et Dachau, 
          nom qui n'évoquait rien pour lui lorsqu'il franchit le portail 
          d'entrée et son sinistre « Arbeit macht frei ».
 Puis c'est le transfert dans les camps du Neckar 
          , la maladie, la survie malgré le passage par le camp de la 
          mort lente, celui de Vaihingen appelé « camp de 
          repos ».
 En avril 1945, c'est le retour, à nouveau 
          la maladie et la vraie guérison.
 Une vie active et dans les années 1980, quand 
          sonne l'heure de la retraite, sonne aussi le moment du témoignage.
 Monsieur ROPIQUET, vous faites vôtre la phrase 
          de Camus :
 « Qui répondrait en ce monde à la terrible 
          obstination du crime, si ce n'est l'obstination du témoignage ».
 
 L'hommage à Jeanne-Andrée Paté          déportée à Ravensbrück 
 Aurélia,          Corentin, Thomas,élèves de CM2 de l'École Prévert de Saint 
          Brice Courcelles,
 rendent hommage à Madame 
            PATÉ, déportée à Ravensbrück,
 qui est venue témoigner dans leur classe
 à la demande de leur maîtresse, Madame 
          PASCAL
    « Ce 
          jeudi 18 juin a été pour nous une journée très 
          spéciale.Les maîtresses nous avaient annoncé 
          que nous allions rencontrer une personne extraordinaire.
 Cette personne venait pour nous parler d'une expérience 
          terrible, mais nous n'avions pas vraiment conscience de ce que nous 
          allions voir et entendre.
 Dès le matin, nous avons regardé un 
          documentaire sur l'histoire de la 2ème guerre mondiale et en 
          particulier sur des évènements horribles concernant 
          des civils et non pas des soldats.
 Nous pensions que la guerre ne concernait que des 
          soldats et nous avons découvert un mot totalement inconnu : 
          " un génocide ".
 Grâce 
          à des témoignages de survivants, soldats étrangers 
          ou prisonniers libérés, mais surtout grâce aux 
          images parfois trop difficiles à regarder pour certains d'entre 
          nous, nous avons pu comprendre que des êtres humains avaient 
          pu traiter d'autres êtres humains comme des objets en les étiquetant 
          ou des animaux en les marquant.
 C'est la haine et la cruauté des soldats 
          SS et de leur chef Hitler, qui nous ont bouleversés.
 Nous avons compris que des milliers de personnes 
          pour des raisons complétement absurdes, de race, de religion, 
          d'opinion politique, avaient été déportées 
          ou exterminées (mots que nous ne connaissions pas non plus).
 Après 
          avoir vu ce documentaire, nous avons essayé d'exprimer nos 
          sentiments.
 C'était surtout des phrases qui disaient 
          l'horreur, l'incompréhension face à de tels actes.
 Nous avons ensuite fait une liste de questions destinées 
          à Madame Paté qui devait venir l'après-midi.
 Nous avions hâte de savoir ce qui avait pu 
          la conduire dans un camp de concentration et de connaître ses 
        sentiments aujourd'hui.
 Nous 
          avons été étonnés de découvrir 
          une « super mamie » âgée, paraît-il 
          de 90 ans, mais qui nous a paru plus jeune et tellement dynamique 
          que nous avions du mal à croire qu'elle soit une rescapée 
          d'une telle expérience.
 Dès ses premières paroles, aucun bruit 
          ne s'est fait entendre.
 Nous étions muets mais attentifs, car ce 
          que nous entendions correspondait à ce que nous avions vu, 
          mais cette fois il fallait y croire.
 Et cette personne à l'aspect ordinaire nous 
          racontait des actes horribles : les conditions de son arrestation 
          après dénonciation, la torture qui ne l'a jamais fait 
          avouer, son trajet dans des wagons à bestiaux jusqu'au camp 
          de Ravensbrück, les humiliations dans les camps, les conditions 
          épouvantables de vie, de travail, d'hygiène, de soin, 
          d'alimentation, les bébés que l'on tuait dès 
          leur naissance...,
 mais aussi les actes de courage : célébrer 
          le 14 juillet sous le nez des Alllemands,
 et les actes de générosité 
          et de solidarité envers les plus failbles : quelques bébés 
        ont pu survivre à cet enfer.
 Nous 
          avons été particulièrement impressionnés 
          en découvrant la robe qui était le seul vêtement 
          qu'elle a porté dans ce camp, et certains d'entre nous ont 
          voulu la toucher un peu comme les croyants touchent les reliques d'un 
          Saint.
 Ce moment a été très émouvant.
 Madame Paté nous a parlé sans haine, 
          avec de l'émotion dans la voix bien sûr car les souvenirs 
          étaient toujours douloureux, mais surtout avec beaucoup de 
          courage et de volonté, comme quand elle était dans le 
          camp.
 Elle n'a jamais regretté un instant son engagement 
          politique malgré les conséquences que cela a eu dans 
        sa vie.
 Elle 
          considère que tant qu'elle le pourra, elle continuera à 
          témoigner de son expérience surtout auprès des 
          jeunes comme nous, car elle souhaite que cela ne se reproduise jamais 
          plus.
 Elle compte sur nous et sur les générations 
          futures pour transmettre à leur tour ce message d'espoir et 
          de paix.
 Aujourd'hui, nous avons pris conscience de ce qu'elle 
          nous a demandé et nous sommes là pour dire un grand 
          merci à Madame Paté et nous espérons être 
        des fidèles messagers.
 
 Jeanne-Andrée 
          PATÉ, lors de la Conférence-débat 
            sur Le retour des déportésorganisée le 29 avril 2000 par l'AFMD/Marne, à l'occasion 
            du 55e anniversaire
 de la libération des camps de concentration
 La 
          libération d'un Kommando de Ravensbrück  
 L'allocution d'Alain Boyer, sous-préfet de Reims
 
    « Ici 
          sur ces voies de chemin de fer, à Saint Brice Courcelles, envahies 
          par tant de participants, nous pouvons faire revivre aujourd'hui le 
          souvenir de ces déportés entassés dans des wagons 
          sous une chaleur accablante, mais aussi évoquer tous les gestes 
          d'humanité que manifestèrent de façon spontanée, 
          malgré les risques, les habitants de Saint Brice et de Reims.Je 
          veux d'abord rendre hommage à l'initiative de M. Alain Lescouet, 
          maire de Saint Brice Courcelles, à l'engagement de l'association 
          des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la déportation 
          et à l'action de Madame Ravier, professeur d'histoire, conseillère 
          municipale, pour avoir organisé cette manifestation, mais aussi 
          pour tout le travail pédagogique qui a été méthodiquement 
          construit.
 Trop 
          souvent on entend dire pourquoi remuer tout ce passé, pourquoi 
          ne pas oublier ces crimes du nazisme et ces horreurs des guerres qui 
          ont marqué notre pays et tout particulièrement la Champagne.
 Non l'oubli n'est pas possible, il serait une seconde 
          mort pour les victimes.
 Non l'oubli n'est pas possible, il serait une infidélité 
          à nous-mêmes, à notre histoire, à nos valeurs.
 Non l'oubli n'est pas possible, car il nous priverait 
          des enseignements de ce passé. Il nous ferait complice des 
          négationnistes. En oubliant ces pages sombres de notre histoire, 
          on pourrait être condamné à les revivre.
 Le 
          Souvenir du train de la mort qui s'est arrêté ici, le 
          2 juillet 1944, permet de souligner la monstruosité et l'absurdité 
          du régime nazi qui, après le débarquement allié 
          en Normandie, continuait à donner la priorité à 
          sa politique d'extermination sur sa propre défense.
 À 
          travers l'hommage rendu aux survivants du train 7909, nous avons pu 
          suivre leurs itinéraires personnels, mesurer tout ce qu'ils 
          ont enduré, évoquer aussi leurs camarades décédés 
          dans le convoi ou en déportation et souligner tout ce qu'il 
          fallait de chance mais aussi de volonté et de sens de l'organisation 
          pour simplement survivre.
 Je 
          ne peux que souligner la qualité du travail pédagogique 
          qui a été mené avec les élèves 
          des écoles, nombreux encore ici en ce jour de vacances. Ils 
          ont pu rencontrer des déportés, ils ont pu comprendre 
          ce qui s'était passé ici, ils ont pu ouvrir leurs esprits 
          et leurs curs à l'ensemble de la déportation et 
          à toutes ses caractéristiques de totale négation 
          des droits de l'homme, d'avilissement de la personne humaine, d'extermination 
          systématique.
 Je 
          voudrais insister surtout sur la valeur de ces actes humbles des habitants 
          de Saint Brice, apporter de l'eau par exemple à ces malheureux 
          assoiffés, enfermés dans les wagons.
 Ces 
          actes sont d'abord ceux de la conscience humaine. Ils montrent que 
          la grande majorité des Français n'acceptaient pas l'occupation 
          allemande et que presque tous refusaient la déportation. Que 
          d'efforts héroïques pour empêcher les arrestations, 
          cacher les Juifs persécutés, fournir de fausses pièces 
          d'identité, distribuer de faux tickets d'approvisionnement. 
          La résistance fit tout pour ralentir les convois, en particulier 
          à l'intérieur de la SNCF (la Résistance 
          Fer) et elle connut de nombreux succès, malgré 
          la force bien supérieure de l'ennemi jusqu'à l'arrivée 
          de nos alliés.
 Il 
          est important de faire savoir à nos enfants l'action courageuse 
          et parfois héroïque des Français contre le nazisme. 
          Certes, il y eut des collaborateurs, mais combien plus nombreux furent 
          ceux qui aidèrent des voisins dans la détresse ou des 
          malheureux en route vers les camps de la mort.
 De 
          telles commémorations nous aident à nous rappeler les 
          souffrances du passé et à nous mobiliser pour le combat 
          pour les droits de l'homme qui est un combat toujours actuel.
 Dans 
          quelques jours, le 8 juillet, le Président de la République 
          se rendra au Chambon-sur-Lignon, ce village et ce plateau du Massif 
          Central aux confins de la Haute-Loire et de l'Ardèche où 
          la population s'est mobilisée pour accueillir et sauver des 
          Juifs, peut-être 5000, où pour reprendre le titre d'un 
          ouvrage « ici on a aimé les Juifs ». 
          Ces actes, tout naturels en d'autres temps, étaient devenus 
          héroïques sous l'occupation nazie avec les risques de 
          représailles, de torture et de déportation qu'ils représentaient.
 À 
          un moment où le racisme semble renaître, où l'on 
          voit dans notre pays des synagogues et des mosquées incendiées, 
          où des cimetières sont profanés, il faut être 
          vigilant car, comme disait Brecht, « la bête immonde » 
          du fascisme est toujours prête à renaître. Mais, 
          il faut mettre en lumière ces actes de courage, des actes simples 
          d'humanité comme de donner de l'eau aux déportés 
          assoiffés, car ils sont un exemple et ils sont la vraie image 
          de la France qui doit rester fidèle à ses valeurs de 
          liberté, d'égalité et de fraternité. »
 Alain 
          BOYER 
 
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