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Les opérations militaires
au Chemin des Dames :
L'offensive Nivelle

Dossier élaboré par
Emmanuel VEZIAT
responsable du Service éducatif
de la Caverne du Dragon
et du Chemin des Dames

 





LES OBJECTIFS

   Au nombre de deux, ils sont étroitement liés l'un à l'autre :

         1/ Au niveau national

   Il s'agit de rétablir le moral des Français las de trois années de guerre.
   En effet, les belligérants occupent, depuis 1915, des positions de part et d'autre d'une ligne de front qui se stabilise peu à peu.
   Aucune bataille n'a permis de remporter une victoire réellement décisive pour l'issue de la guerre.

         2/ Sur le plan militaire

   Il s'agit de réaliser une percée et une rupture décisive du front pour ensuite l'exploiter, reprendre la guerre de mouvement et remporter la victoire.

LES ACTEURS

          1/ Les troupes alliées

       Le général NIVELLE, général en chef

   Polytechnicien et artilleur, c'est un fervent partisan de la stratégie offensive avec un recours massif à l'artillerie.
   Il est perçu comme l'un des artisans de la victoire de Verdun en 1916, car il s'est illustré notamment lors de la reprise du fort de Douaumont.
   Il prend la succession de Joffre le 16 décembre 1916.

       Les hommes

   Environ 1 200 000 hommes massés sur 40 km de front à la veille de l'offensive.
   Au total, près de 2,5 millions d'hommes sont passés par le Chemin des Dames.
   Pour l'offensive, les troupes sont réparties dans trois armées :

  • VIe Armée du général MANGIN : 17 divisions d'infanterie réparties en 5 corps ( nombreuses troupes coloniales : zouaves, tirailleurs ... ), une division de cavalerie et une division territoriale, ;
  • Ve Armée du général MAZEL : 16 divisions d'infanterie réparties en 5 corps avec une division de cavalerie, deux brigades russes et 5 groupes de chars lourds, ;
  • Xe Armée du général DUCHENE en réserve pour exploiter la percée.
            2/ Les troupes allemandes

      VIIe armée du général Von BEOHM ( couvre la ligne Soissons-Reims ) qui relève du groupe du Kronprinz ( état-major à Charleville ).
      Environ 14 divisions sur le front que les français vont attaquer.

LES MOYENS MATÉRIELS

           1/ Du coté français

      Artillerie

   5 360 canons de tous calibres, soit :
        - 1 650 pièces lourdes et 160 pièces d'artillerie lourde de grande puissance ( en moyenne, une pièce tous les 22 mètres ) ;
        - 2 000 pièces de 75 et 1 550 mortiers de l'artillerie de tranchée pour ( en moyenne, une pièce pour tous les 11 mètres ).

      Moyens aériens

   500 avions et 39 ballons d'observation pour les reconnaissances et les réglages d'artillerie.

             2/ Du coté allemand

   400 à 600 batteries environ de  4 pièces chacune ( d'après Abel FERRY, député des Vosges ).

TACTIQUE MISE EN OEUVRE PAR NIVELLE

   NIVELLE applique la tactique mise en oeuvre à Douaumont.
   Il s'agit donc de concentrer les tirs d'artillerie en préparation de l'assaut des fantassins : l'artillerie conquiert le terrain, les fantassins l'occupent.
   Le feu roulant des canons devait donc détruire les positions ennemies, fussent-elles fortifiées, et devait aussi aveugler les sorties des souterrains.
   Selon cette logique, le relief des lieux ne constituait pas une difficulté pour les assaillants.
   Les plans prévoyaient ainsi une percée réalisée en 24 heures avec une ville de Laon délivrée le soir de l'offensive.
   Celle-ci débute donc le 16 avril 1917, à 6 heures du matin.
   Mais, à 7 heures, elle était perdue selon le
député YBARNEGARAY qui participa aux opérations en tant que chef de bataillon.

BILAN DE L'OFFENSIVE

   Cette offensive se solde par un véritable échec dans la mesure où les unités n'obtiennent que des gains territoriaux minimes et au prix de lourdes pertes.
   La percée escomptée, la rupture, n'est donc pas réalisée et durant un mois de combats, environ 52 000 hommes ont été tués et 213 000 faits prisonniers ou blessés.

LES RAISONS DE L'ÉCHEC DE L'OFFENSIVE

    C'est un faisceau de causes qui est à l'origine de l'échec de l'offensive

        1. Le front choisi pour l'offensive est beaucoup plus large que celui de Douaumont où Nivelle avait expérimenté sa tactique.

        2. L'effet de surprise espéré par Nivelle ne peut jouer car, le 4 avril, un sergent-major du 3ème zouave est fait prisonnier. Il avait, sur lui, les plans d'engagement de son unité...

        3. Malgré cela, le principe de l'attaque n'est pas remis en cause. Les préparatifs se poursuivent et, en dépit des efforts de camouflage, masser de tels moyens sur 40 km de front ne peut passer inaperçu aux yeux de l'ennemi ( moyens aériens et possibilités d'observation depuis le Plateau de Californie ).

        4. Les Allemands ont donc considérablement renforcé leurs défenses :

  • Depuis mars 1917, les troupes allemandes ont opéré un repli stratégique derrière la ligne Hindenburg. Le front se trouve donc réduit d'environ 70 km si bien qu'un quinzaine de divisions peuvent être redistribuées pour appuyer certaines positions.

  • Grâce aux éléments vus précédemment, les Allemands ont pu renforcer le caractère de forteresse inexpugnable attribué au Chemin des Dames. Les cavités sont truffées de mitrailleuses, des galeries souterraines permettent de relier différents points, différentes lignes de défense, des abris ont été bétonnés, etc...

        5. Les conditions météorologiques sont très mauvaises
             ( pluie, neige et froid ).

   Cela a plusieurs conséquences :

  • Les avions n'ont pu repérer efficacement les défenses allemandes, d'autant plus qu'ils n'ont pas la maîtrise du ciel et que la plupart des positions sont enterrées. Les réglages d'artillerie sont donc très imprécis et les tirs ne détruisent que très partiellement les lignes de défense allemandes. La conquête du terrain qui devait être obtenue par les canons n'est donc pas réalisée et les fantassins se lancent à l'assaut de positions ennemies souvent intactes.
  • Pour les fantassins originaires des colonies, de telles conditions météorologiques, auxquelles ils ne sont pas acclimatés, font qu'ils sont très largement amoindris quant à leurs capacités physiques.
        6. Nivelle refuse d'interrompre son offensive malgré son échec patent.

        7. Cette offensive a été réalisée sans liaison, sans coordination avec les fronts italien et russe.

LES CONSÉQUENCES DE L'ÉCHEC

   Cet échec est à l'origine d'un très fort sentiment de déprime, voire de colère à l'arrière comme à l'avant.
   Dès mai 1917, des soldats refusent de monter au front car, notamment, ils jugent les assauts inutiles et trop meurtriers.
   La répression de ces mutineries a entraîné l'exécution de quarante neuf personnes.

   Tout cela fait que le Chemin des Dames a subi pendant plusieurs décennies, et parfois même encore aujourd'hui une image négative liée à la défaite et au déshonneur militaire.
   Cette épisode de la Grande Guerre suscite toujours des débats, des polémiques comme celle qui opposa, en novembre 1998, le Président de la République, Jacques CHIRAC
au Premier Ministre, Lionel JOSPIN, au sujet de la « réintégration - réhabilitation  » des mutins dans la mémoire collective.

LES TRACES ACTUELLES DE L'OFFENSIVE

   Un certain nombre de paysages actuels du Chemin des Dames sont en grande partie hérité de la guerre et en ont conservé les stigmates.
   Le sol du Plateau de Californie est retourné, bouleversé.
   Des tranchées sont toujours visibles.
   Des morceaux de ferrailles, de barbelés, des obus continuent, petit à petit à être rendus par la terre.
   Des villages ont été déplacés : c'est notamment le cas de Craonne associé dans les esprits aux mutineries et à la défaite.
   D'autres communes comme Ailles n'ont pas été reconstruites et leur souvenir ne subsiste plus que par un monument et un nom désormais accolé à celui d'un autre village, Chermizy.

   Tout cela constitue autant de témoignages de la dureté des combats au Chemin des Dames et en particulier lors de l'offensive Nivelle.

 
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