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La célébration de la victoireà Reims et dans la Marne
le 9 mai 1945

   Les manifestations officielles eurent lieu le 9 mai, selon des modalités à peu près semblables partout :
      
dépôts de gerbes et recueillement devant les  monuments aux morts ;
       - défilés militaires dans les principales villes et cortèges ailleurs, avec la participation des associations d'anciens combattants, de résistants, de prisonniers de guerre, de déportés, des mouvements de jeunesse et des enfants des écoles ;
       - offices religieux et Te Deum d'actions de grâces ;
       - concerts ;
       - feux d'artifice et bals populaires, dans la soirée.

L'Union, 9 mai 1945

   La participation des Rémois et des Marnais à ces fêtes patriotiques est difficile à évaluer :les journaux de l'époque ( 1 ) parlent de 20 000 personnes à Reims pour assister au défilé de la victoire, de 10 000 personnes à Châlons-sur-Marne, d'une foule imposante à Épernay.
   Il est vrai qu'à Reims, la célébration de la victoire a attiré une foule nombreuse qui n'était pas exclusivement composée de Rémois.

L'Union, 10 mai 1945

La Concorde, 12 mai 1945

   Cependant, l'examen des archives photographiques et cinématographiques conduit à penser que la célébration de la victoire n'a pas mobilisé la majorité de la population qui n'a pas pu ou n'a pas voulu, pour des raisons diverses, s'y associer ( 2 ).
   En tout cas, on n'y retrouve pas cette intense émotion qui se dégage des actualités cinématographiques, montrant la foule parisienne, le 8 mai en fin d'après-midi, autour du général de Gaulle à l'Arc de Triomphe ( 3 ), et qui exprimait « une immense joie pleine de larmes » comme l'a décrite l'éditorialiste anonyme du journal Combat.

   Ce décalage, cette différence d'intensité entre la célébration de la victoire de 1945 et ce qu'avaient été les célébrations de la victoire de 1918 et de la libération du département en août 1944, l'absence d'unanimité et les restrictions dans la liesse populaire furent très clairement exposés et expliqués dans un rapport des Renseignements généraux daté du 12 mai 1945 :

   Malgré le grand enthousiasme qui anima la population marnaise durant ces quelques jours, on sentait nettement que la joie n'était pas entière et pas toujours spontanée.
   Certaines personnes qui avaient vécu les journées de Novembre 1918 sont unanimes à déclarer que ce 8 Mai 1945 était bien différent en ce sens que la joie de 1918 était sans mélange et que cette date marquait irrémédiablement la fin de tous les maux provoqués par la guerre.
   Divers faits peuvent motiver cet état d'esprit inquiet que l'on devine sous l'enthousiasme des foules [...]
   Les maux qui se sont abattus sur nous au cours de ces cinq dernières années, trahisons, occupation, tortures, destructions, blessures morales et matérielles de toutes sortes, ne nous ont pas enseigné le pardon et la joie, mais bien la résignation, la tristesse et le désir non encore satisfait du châtiment.
   Beaucoup de familles ont à pleurer la perte d'un être cher, d'autres sont encore sans nouvelles de leurs déportés ou de leurs prisonniers, et si elles ont pris part au premier élan de joie, bien vite l'angoisse et la tristesse ont repris leur place dans leurs préoccupations quotidiennes [...]
   Enfin, dernier fait qui ne semble pas le moindre pour la population : rien n'avait été prévu par les Services du ravitaillement pour que soient marqués par des réunions de famille autour de tables plus copieusement garnies que de coutume, ces deux jours de fête [...]
4 ).

   Au lendemain de la capitulation allemande, la majorité des Marnais se sont désintéressés rapidement des implications de la victoire alliée en Europe sur l'évolution des relations internationales, mais par contre, les problèmes intérieurs, en particulier ceux touchant au ravitaillement, à l'épuration, aux conséquences des élections municipales ( 29 avril et 13 mai 1945 ), au retour des prisonniers et des déportés, aux relations avec les Alliés, mobilisèrent toute leur attention.

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