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Henri CARMINATI
un jeune Rémois dans les maquis d’Ardèche

   

Le colonel Henri Carminati
photographié par Jacques Driol en 2015
à l’occasion du 70e anniversaire de la victoire alliée en Europe
à la demande de la Ville de Reims

Les années de jeunesse à Reims :
du scoutisme à la Résistance

     Baptiste Henri CARMINATI est né à Reims le 24 octobre 1923. Ses parents originaires de Lombardie appartenaient tous les deux à des fratries de dix enfants. Son père, Raphael (Rafael), est né le 13 janvier 1900, sa mère Angeline (Angelina) le 12 avril 1900.

   Raphael a d’abord été berger dès l’âge de 8 ans, puis il a appris le métier de menuisier-ébéniste et il a épousé Angeline qui était la fille de l’artisan chez qui il travaillait. Sitôt mariés, ils ont émigré d’Italie vers la France, l’année où Mussolini accédait au pouvoir en Italie et y installait un gouvernement fasciste. Ils ont tout d’abord résidé à Warnécourt près de Mézières dans les Ardennes, puis dans le département de la Marne, successivement à Châlons-sur-Marne, aux Grandes-Loges, et enfin à Reims rue de Venise, puis place Saint-Nicaise. Raphael et Angeline CARMINATI ont eu six enfants et ont obtenu la nationalité française en 1930.

   En 1936, le père d’Henri a été embauché comme menuisier par la maison de champagne Pommery et Greno, où il est bientôt devenu responsable de l’équipe d’entretien-menuiserie. Le directeur, Melchior de POLIGNAC, a remarqué son talent de menuisier et lui a confié des travaux à titre personnel. En outre, pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille, Raphaël s’était aménagé dans le jardin de leur maison un petit atelier où, pendant la pause de midi et le soir après le travail, il fabriquait des meubles.

   Aîné de six enfants, Henri CARMINATI a fréquenté l’école de la rue des Orphelins et l’école de la rue Simon jusqu’au certificat d’études, puis le collège technique de la rue Jolicœur. Il était inscrit au patronage, puis dans l’équipe de scouts de la paroisse Saint-Rémi, et il participait aux camps de vacances organisés chaque été dans le Parc Pommery sous la direction de Mlles DELAGE et GRANDREMY, ses cheftaines.

   À la veille de la 2e guerre mondiale, Henri CARMINATI a interrompu ses études au collège pour entrer à l’atelier d’entretien mécanique de la Maison Pommery. Il s’est inscrit à la Préparation militaire et il a appris le maniement des armes au Stand de tir de La Muire à Tinqueux.

   Lorsque le 19 mai 1940 la population rémoise a reçu l’ordre d’évacuer la ville, il était âgé de 17 ans. Il a suivi sa famille réfugiée à Aigre en Charente.

   En août 1940, il est rentré à Reims, et a retrouvé son emploi chez Pommery, où il a été formé au métier de caviste.
   En 1941, il a participé à des réunions d’anciens élèves du collège de la rue Jolicœur et d’anciens scouts décidés à « faire quelque chose de concret à l’encontre de l’occupant ». Ces réunions se tenaient dans le local de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) situé rue Marie Stuart. Le projet qui était de fabriquer des matraques en plomb pour assommer des gradés allemands isolés et leur subtiliser leur revolver, a été vite abandonné car il était dangereux et la plupart de ces jeunes ont flanché lorsqu’il fallut passer à l’acte.
   Henri envisagea alors de rejoindre l’Angleterre par air, ce que lui proposèrent, moyennant finance, des quidams qui faisaient la queue devant les cinémas de la rue Fléchambault et de la Place des Six cadrans. Mais il s’agissait en réalité d’imposteurs qui ont subtilisé tout l’argent de poche qu’il avait patiemment accumulé.

   Lors du débarquement des troupes canadiennes à Dieppe au cours de l’été 1942, ili a quitté immédiatement son emploi chez Pommery, avec la ferme intention de rejoindre les troupes alliées débarquées, mais elles ont été rejetées à la mer et ce fut pour lui un nouvel échec dans sa volonté de rejoindre une unité combattante. Il avait perdu son emploi chez Pommery et refusa de travailler pour les Allemands qui embauchaient sur les aérodromes de Juvincourt et de Courcy. À la recherche d’un nouvel emploi, il a été embauché à la STÉMI, une entreprise rémoise de la métallurgie qui entretenait les wagons de la SNCF, mais il n’en a pas pour autant abandonné le projet de rejoindre une unité combattante.
    À l’automne 1942, il s’en est confié à son voisin, Jean ESTEVA, ainsi qu’à André THIÉBAUT, le père d’un de ses camarades scouts.

[Neveu de l’amiral Esteva résident général en Tunisie nommé par le gouvernement de Vichy,1942, Jean Esteva était chef du secrétariat du Commissariat au travail des jeunes à la sous-préfecture de Reims et membre du mouvement de résistance Ceux de la Libération (CDLL). Il utilisait ses fonctions administratives pour soustraire les jeunes au STO et leur fournir de faux papiers. Arrêté le 14 décembre 1943 à la sous-préfecture de Reims avec ses collègues Jean-Jacques Goguel, Robert Chantrenne et René Menu, il a été emprisonné pendant cinq mois à Reims puis interné à Compiègne. Il a été déporté le 21 mai 1944 comme résistant à Neuengamme (matricule 31 270) et affecté au kommando de Fallersleben-Laagberg (usines Volkswagen et travaux de construction).
Il est mort le 8 avril 1945, date retenue par le Journal Officiel du 6 août 1989, lors de l’évacuation par chemin de fer du kommando vers Wöbbelin. Son corps et celui d’un autre Rémois, René Mouls, ont été descendus d’un wagon en gare de Dambeck-Altm où ils ont été inhumés
   À Reims, une plaque commémorative a été apposée en 1947 par la municipalité à son domicile 17, place Saint-Nicaise. Le nom de Jean Esteva est inscrit sur le Monument aux martyrs de la Résistance et de la Déportation, et sur la plaque de la Maison diocésaine Saint-Sixte].

   Jean ESTEVA et André THIÉBAUT ont conseillé à Henri de s’engager dans l’Armée d’armistice en zone Sud, ce qui offrait à l’époque la possibilité de rejoindre l’Afrique du Nord. Il s’est rendu à la Gendarmerie de Reims où il a signé le 29 octobre 1942 un contrat d’engagement dans le 10e Régiment d’artillerie coloniale stationné à Nîmes.

   En novembre 1942, au moment où le débarquement allié en Afrique du Nord entrainait l’invasion de la zone Sud par la Werhmacht, le sabordage de la Flotte française à Toulon et la dissolution de l’Armée d’armistice, il a été transféré à Draguignan, ville investie par les troupes d’occupation italiennes qui l’ont incarcéré et malmené, le soupçonnant un temps d’être un déserteur italien ou un espion, puis l’ont remis en liberté.

   Mis en congé d’armistice, il est rentré à Reims où Pierre GRANDREMY, son ancien chef scout, l’a embauché dans sa bonneterie.

[Industriel rémois Pierre Grandremy a été fait prisonnier le 20 juin 1940 près de Saint-Dié. Il s’est évadé presque aussitôt, puis pour se faire démobiliser, il est passé en zone non occupée où il est entré en contact avec un officier appartenant au réseau SSMF-TR (Service de sécurité militaire français et Travaux ruraux), ainsi qu’aux réseaux SR (Services de renseignement) Uranus-Kléber et Hector dont il est devenu membre.
De retour à Reims, il a fondé pendant l’hiver 1940-1941 avec son beau-frère, le docteur Jean Quentin et plusieurs camarades un groupe rattaché plus tard à Ceux de la Résistance (CDLR). Il a recruté dans le mouvement scout dont il faisait partie, a assuré des liaisons dans la Montagne de Reims, dans l’Aisne et dans les Ardennes. Il a transmis des plans et des croquis au BCRA (Bureau central de renseignements et d’action) de la France libre à Londres. Arrêté sur dénonciation le 28 avril 1943 à Reims, emprisonné huit mois à la prison de Châlons-sur-Marne, puis interné à Compiègne, il a été déporté le 22 janvier 1944 à Buchenwald (matricule 42 456). Il a été transféré à Dora, puis à Bergen-Belsen où il est décédé le 31 mai 1944, lieu et date retenus par le JO du 23 mars 1994.
À Reims, une plaque commémorative a été apposée en 1947 par la municipalité à son domicile 2, rue des Capucins. Son nom est inscrit sur le Monument aux martyrs de la Résistance et de la Déportation et sur une plaque commémorative à la Maison diocésaine Saint Sixte. Une allée du quartier Croix Rouge à Reims porte son nom depuis 1971].

   Au début de l’année 1943, Pierre GRANDREMY a confié à Henri CARMINATI des missions de renseignement. Ces missions consistaient à identifier et à localiser les unités allemandes d’occupation stationnées dans le secteur, mais aussi à rechercher des terrains susceptibles d’être homologués par la RAF. Il s’agissait de terrains destinés à recevoir des parachutages d’armes et de terrains pouvant être utilisés par des avions Lysander affectés à l’exfiltration des aviateurs alliés abattus en territoire occupé, et des responsables de réseaux ou mouvements de résistance traqués par la Gestapo ?
   
   Lorsque Pierre GRANDREMY a été arrêté par la Gestapo le 28 avril 1943, les parents de ce dernier, quoique convaincus que leur fils ne parlerait pas, ont vivement engagé Henri CARMINATI à passer à la clandestinité d’autant qu’il appartenait à la classe 1923 bientôt appelée à aller travailler en Allemagne dans le cadre du STO (Service du Travail obligatoire). Henri est allé demander à nouveau conseil à Monsieur THIÉBAUT, qui l’a mis en contact avec Jean MARTIN, un résistant rémois qui aidait les jeunes réfractaires au STO à rejoindre les maquis de la zone Sud.

[Coiffeur à Reims, Jean Martin est venu en aide en 1941 à des prisonniers de guerre français évadés, puis il a hébergé des réfractaires du STO, leur a fourni de fausses cartes d’identité et d’alimentation, et les a convoyés dans le maquis.
Il a été arrêté le 24 février 1944 à Reims, interné à Compiègne et déporté le 21 mai 1944 à Neuengamme (matricule 31 269). Affecté au Kommando de Drütte-Salzgitter (usines d’armement Hermann Göring), il a ensuite été transféré à Bergen-Belsen où il a été libéré par l’armée britannique. Il est rapatrié le 3 juin 1945 par avion dans un tel état de faiblesse qu’il est hospitalisé à Paris où il décède à l‘hôpital Saint-Antoine le 22 août 1945.
À Reims, une plaque commémorative a été apposée en 1947 par la municipalité à son domicile 33, rue Landouzy. Après sa disparition, une plaque refaite à l’identique a été apposée dans le Square des victimes de la Gestapo. Son nom est inscrit sur le Monument aux martyrs de la Résistance et de la Déportation]

Dans les maquis d'Ardèche avec le Groupe franc « Raymond »

   Henri CARMINATI a été pris en charge en même temps que plusieurs jeunes Rémois par un convoyeur qui leur a fait franchir la ligne de démarcation et les a accompagnés jusqu’à Lyon, puis jusqu’à Aubenas. Ils ont été ensuite transportés en camion jusqu’à un maquis du Vivarais ardéchois. Henri, pseudo « Carmin », a intégré le Groupe franc « Raymond », commandé par le lieutenant Raymond DURY. Ce groupe qui appartenait à l’Armée secrète (AS) d’obédience gaulliste, a combattu en bonne entente avec des groupes de Francs-tireurs et partisans français (FTPF), d’obédience communiste et avec des unités constituées de républicains espagnols.



Le Groupe franc « Raymond »

   Les conditions d'existence dans la forêt ardéchoise étaient très difficiles pour les maquisards confrontés au froid, mal habillés, mal chaussés, mal nourris, faiblement armés, obligés par sécurité de changer souvent de campement, dans des fermes abandonnées ou des granges en ruines, pour échapper à la traque lancée par les SS de la division Brandebourg épaulée par des miliciens français.
   
   Devenu dès la fin de 1943 l’agent de liaison du lieutenant DURY, Henri CARMINATI s’est rendu à bicyclette dans le secteur d’Aubenas et de Vals-les-Bains où il a pris contact avec le lieutenant AUSSEUR, chef d'escadron de la Garde mobile de réserve (GMR) aux ordres de Vichy, qui était prêt à se mettre au service de la Résistance. Avec lui, fut mis au point un coup de main contre un dépôt d’habillement de la GMR, destinée à équiper le groupe en treillis, chemises, chaussures, guêtres et ceinturons neufs. Deux autres opérations menées dans un entrepôt civil et dans une manufacture de tabac ont permis de récupérer des couvertures, des cigarettes et du tabac.

   Au cours de l’hiver 1943-1944, malgré la rareté des armements et des explosifs, le Groupe franc Raymond s’entraînait et réussissait à mener une quinzaine de sabotages sur des voies ferrées et des ponts.
   
   À partir de mars 1944, grâce à des parachutages réussis, le groupe a été doté enfin d'un armement conséquent : des fusils Garant, des mitraillettes Sten, des fusils-mitrailleurs Bren, une mitrailleuse Browning et un mortier Piat avec leurs munitions, ainsi que des explosifs, des grenades Gammon et des grenades incendiaires. L’instruction des maquisards s’intensifia avec l’aide de deux officiers canadiens parachutés dans le secteur.
   
    Enfin bien équipé, le Groupe franc Raymond s’est installé près de la Bastide de Juvinas. Au cours d’une mission, l’agent de liaison CARMINATI se heurta à un barrage routier tenu par des feldgendarmes, et ne put s’échapper qu’en abattant un Allemand et en profitant de l’effet de surprise.

   En juin 1944, au lendemain du débarquement allié en Normandie, le Groupe franc Raymond renforcé par le ralliement à la Résistance de nombreux jeunes et d’une centaine de gardes mobiles de réserve arrivés avec armes, munitions, ravitaillement et engins motorisés, a reçu pour mission de saboter les voies ferrées, de harceler les troupes allemandes et de contrôler des carrefours routiers le long du couloir rhodanien. Au cours d’une de ces missions, Henri CARMINATI a fait prisonnier un milicien, plusieurs soldats allemands et un soldat italien enrôlé de force dans la Wehrmacht. Il a aussi participé à l’attaque d’un dépôt de carburants destiné à alimenter en essence les tractions-avant et les camions dont le groupe était désormais doté.

   En août 1944, après le débarquement allié en Provence, le Groupe franc Raymond a été engagé dans des opérations de harcèlement des troupes allemandes battant en retraite, d’abord dans la vallée du Rhône entre Meysse et Rochemaure, puis au Sud du département, dans la vallée de l’Ardèche, entre Vallon et Ruoms. Il a participé entre Lussas et Darbres, à l’Est d’Aubenas, à l’encerclement de la Légion SS d’Azerbaïdjan contrainte de se rendre, et il s’est emparé de son drapeau, avant d’être accueilli et fêté en libérateur dans la ville de Vals-les-Bains.

 

Le drapeau de la Légion SS d'Azerbaïdjan pris à l'ennemi par la Groupe franc « Raymond »
( Au premier plan à Gauche, le lieutenant Dury )

Sur le front des Alpes avec le 15e régiment de chasseurs alpins

   Après la dissolution en septembre 1944 du Groupe franc Raymond dans lequel il avait servi comme caporal, Henri CARMINATI a décidé de poursuivre le combat au sein de l’armée régulière. Il a été dirigé vers Valence puis Saint-Jean de Maurienne en Savoie, où il a intégré le 15e Régiment de chasseurs alpins. Il y a reçu une formation intensive à l’issue de laquelle il a été élevé au grade de sergent. Au cours d’une courte permission à Reims auprès de sa famille, il a fait la connaissance de Renée sa future femme dont le beau-frère, Paulin PECQUEUX, avait été fusillé par les Allemands en octobre 1943.

[Paulin Pecqueux est né le 18 décembre 1911 à Bohain en Vermandois Aisne).
Chef d’atelier dans une entreprise de Sancoins dans le Cher, liée à l’Imprimerie Prot Frères de Reims, il a rejoint le groupe de Libération-Sud dirigé par Fernand Duruisseau, coiffeur à Sancoins. En 1943, le groupe de Sancoins a été infiltré par Roger Picault, un agent de la Gestapo française, infiltration qui a abouti à une vingtaine d’arrestations à la suite de parachutages réceptionnés par ce groupe en juillet 1943. Paulin Pecqueux a été arrêté le 7 août 1943 sur son lieu de travail avec son camarade Maurice Lucas. Le 6 septembre 1943, ils ont tous les deux fait partie des onze condamnés à mort pour « acte de franc-tireur » par le tribunal militaire allemand de Bourges. Malgré l'intervention des autorités locales mises en place par Vichy, leur recours en grâce a été rejeté et ils ont été  fusillés le 7 octobre 1943 à Montifaut sur le polygone militaire de Bourges, avec sept de leurs camarades.
Le corps de Paulin Pecqueux, initialement inhumé dans le cimetière Saint-Lazare de Bourges, a été transféré au cimetière de l’avenue de Laon à Reims dans le caveau de famille de son épouse, née Prévoteau.
Dans le Cher, à Sancoins, où une rue porte son nom, Paulin Pecqueux figure sur le monument aux morts.
Dans l’Aisne, son nom est inscrit sur le monument aux morts de Bohain-en-Vermandois avec la mention erronée de « déporté ».
À Reims, les noms de Paulin Pecqueux et de Maurice Lucas figuraient sur une plaque apposée dans la cour des Établissements Prot Frères à Reims, imprimerie aujourd’hui disparue, avec la mention « Fusillés par les Allemands à Bourges le 7 octobre 1943 »].

   Après cette permission à Reims, Henri CARMINATI est retourné en Savoie, à Modane, siège du PC de son bataillon de chasseurs alpins. Affecté sur le front des Alpes au sein de la Compagnie Soty, il a d’abord reçu le commandement d’un convoi de ravitaillement utilisant des mulets, puis il a été affecté à la défense du Fort du Lavoir. C’est à ce moment qu’il a entrepris de s’inscrire à des cours par correspondance auxquels il consacrait tous ses moments de repos, avec l’intention de se présenter aux épreuves du baccalauréat et de passer le brevet de chef de section, sésame ouvrant la voie au concours d’élève-officier qui désormais devenait son objectif.

   À la fin de 1944, sa compagnie a quitté le Fort du Lavoir pour prendre position au pied du Mont-Cenis dans le secteur de Sollières.

  En mars-avril 1945, la Compagnie Soty a participé à l’attaque du plateau du Mont-Cenis. Après avoir remonté la vallée de l’Arc jusqu’à Bessans, elle est entrée par le col d’Arnès en Italie où les chasseurs alpins français ont été accueillis comme des libérateurs. Au cours de la montée vers le col d’Arnès, Henri CARMINATI a perdu ses gants emportés par le vent glacial, alors qu’il entreprenait de porter le fusil-mitrailleur d’un de ses hommes exténué, et il a eu les doigts gelés. Dans le Piémont italien, il a servi d’interprète.


L’entrée dans le Piémont italien des chasseurs alpins de la Compagnie Soty
(Au premier rang à gauche, le sergent Henri Carminati porte un fusil-mitrailleur)

   Après la reddition des troupes allemandes d’Italie à la fin du mois d’avril 1945, la Compagnie Soty a quitté l’Italie et a été ramenée en France à Vallouise près de Briançon. C’est là qu’Henri CARMINATI a appris la signature de la capitulation de l’Allemagne nazie à Reims le 7 mai 1945. Il a fait partie des hommes du 15e Régiment de chasseurs alpins choisis pour participer au défilé du 14 juillet 1945 sur les Champs-Élysées en présence du général de GAULLE chef du gouvernement provisoire de la République restaurée.

   Le 15e Régiment de chasseurs alpins a ensuite été envoyé en Autriche, où il a tenu garnison à Schruns dans le Tyrol, au titre d’armée d’occupation. Logé avec les officiers et les sous-officiers dans les meilleurs hôtels de la ville, Henri CARMINATI y a  bénéficié de bonnes conditions pour préparer pendant ses temps de repos le concours d’entrée à la nouvelle école d’élèves-officiers ouverte à Coëtquidan.

Une carrière militaire bien remplie

En mars 1946, Henri CARMINATI a intégré l’École spéciale militaire interarmes de Coëtquidan dont il est sorti en mars 1947 avec le grade de sous-lieutenant. Après une année d’école d’application au camp d’Auvours à Champagné dans la Sarthe, il a choisi de servir dans l’Infanterie au sein du 7e Régiment de tirailleurs algériens, stationné à Trèves en Allemagne.

   En 1948, il a été détaché à l’École des cadres de Langenargen pour participer à la formation des sous-officiers, puis il a été envoyé en Indochine. Arrivé à Saïgon, il a d’abord été affecté à l’encadrement d’unités vietnamiennes du Bataillon Moï à Ankhé sur les hauts plateaux du Sud Annam, puis il a été chargé de tenir la position de Kanak soumise à plusieurs attaques du Vietminh

    De retour en France en 1951, il a été affecté comme lieutenant instructeur à l’École militaire de Strasbourg. Inscrit à l’Université de Strasbourg et à l’antenne du Centre d’études slaves de Paris, il y a suivi des cours de langue et de civilisation russe.

   En 1953, il a été affecté au 5e Régiment de tirailleurs marocains en garnison à Wetzlard en Allemagne et envoyé à nouveau en Indochine. Débarqué dans la Baie d’Along au Tonkin, son régiment est devenu le Groupement mobile n° 8. Sa  mission a été  d’abord de rétablir les voies de communication et de détruire les bases du Vietminh au Nord du Fleuve rouge, puis de tenir l’axe de communication reliant Hanoï à Haïphong. Au moment où s’engageait la bataille de Dien-Bien-Phu, il a été chargé de défendre la base aérienne de Cat-Bi. C’est à bord d’un B26 parti de cette base qu’il a été autorisé à survoler la cuvette de Dien-Bien-Phu lors d’une mission de bombardement.
   
    Après avoir sauté sur une mine au cours d’une opération, il a été évacué sur l’Hôpital d’Haïphong. Cité à l’ordre de l’Armée, il a reçu la Croix de guerre avec palme et a été proposé pour la Légion d’honneur. Après le chute de Dien-Bien-Phu, il a rejoint son bataillon dans la banlieue d’Hanoï pour participer à la défense du camp retranché de Phuly puis des postes français progressivement abandonnés au Vietminh conformément aux accords de Genève signés le 20 juillet 1954.
   En octobre 1954, le général COGNY lui a remis les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur pour faits de guerre.

   Après la fin de la guerre d’Indochine, Henri CARMINATI a retrouvé sa famille à Reims, puis il a suivi son régiment de tirailleurs marocains affecté dans la région du Rif au Maroc, protectorat français qui a accédé à l’indépendance en mars 1956. Ramené en France son régiment de tirailleurs marocains a tenu garnison à Lons-le-Saulnier dans le Jura.

   En 1959,  le capitaine CARMINATI a été affecté en Algérie au 35e Régiment d’infanterie dans le secteur de Colomb-Béchar aux confins du désert saharien, où il devait intercepter les caravanes de ravitaillement et neutraliser les zones tenues par les fellaghas.
   
   En 1960, il a été cité à l’ordre de la Division et a reçu la Croix de la valeur militaire avec étoile d’argent.
   En 1961, il a été cité à l’ordre de l’Armée et a reçu la Croix de la valeur militaire avec palme.

    Après un congé de fin de campagne à Reims, Henri CARMINATI a été rappelé à l’École militaire de Strasbourg où il avait déjà servi en 1951, et où il a été chargé d’organiser les programmes de préparation au concours d’entrée indirect à Coëtquidan, puis il a été promu commandant à la tête du Bataillon d’élèves-officiers.
   
   En 1965, il a reçu les insignes d’Officier de la Légion d’honneur des mains du général MASSU.
   Il a ensuite dirigé dans la Marne le 4e Bureau de l’État-major de la 10e Brigade mécanisée, a assumé les fonctions de major de garnison et a été promu lieutenant-colonel.
   
   De 1970 à 1972, il a achevé sa carrière militaire à la tête du Bataillon de commandement et des services de la Brigade, nouvellement créé.
   
   De retour à la vie civile, il a présidé pendant 25 ans le Souvenir français dans l’arrondissement de Reims.

   En 2009, le colonel Henri CARMINATI a reçu la cravate de Commandeur de la Légion d’honneur qui lui a été remise par son ami, le colonel  Louis CARRIÈRE, ancien déporté au camp de Mauthausen.

Le colonel Carminati (à gauche) et le colonel Carrière (à droite)

   « Nous qui sortions de l’adolescence, qui avions moins de 20 ans, sans attendre l’évolution de la situation nous avons versé dans la résistance active, celle des maquis et des réseaux. Oui, pour nous ce fut peut-être la plus grande décision de notre vie. Il y allait de la liberté de la France, de son Honneur ».
                                                                                                                                 Henri CARMINATI


Condensé de ma vie

Extraits des mémoires rédigées par Henri Carminati en 1992