Histoire et mémoire 51 > Les soldats indigènes, oubliés des 2 GM > Le dernier tirailleur sénégalais
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Le dernier tirailleur sénégalais ancien combattant de la 1ère guerre mondiale
Abdoulaye N'DIAYE

   À l'occasion du 80e anniversaire de la victoire de 1918, le président de la République, Jacques CHIRAC, ayant décidé que la Légion d'honneur serait remise le 11 novembre 1998 à tous les anciens combattants de 14-18 encore vivants, l'ambassadeur de France au Sénégal fut chargé de la remettre à Abdoulaye N'DIAYE, dernier tirailleur sénégalais survivant de la 1ère guerre mondiale.

   Âgé de 104 ans, ce dernier est décédé le 10 novembre 1998 alors qu'il choisissait son boubou pour la cérémonie du lendemain.
   Il avait été engagé dès le début de la guerre et blessé une première fois en Belgique en août 1914, avait participé à l'expédition des Dardanelles en 1915, puis en 1916 aux combats de la Somme où il avait été blessé une seconde fois (une balle dans la tête, quatre mois d'hôpital).
   Il avait terminé la guerre à Verdun en 1918.
   Rentré au Sénégal, on lui avait dit de retourner travailler au champ comme si rien ne s'était passé.
   Il n'a appris qu'en 1949, par des tirailleurs sénégalais de la 2ème guerre mondiale qu'il avait droit à deux pensions : une pension d'ancien combattant et une pension d'invalidité.
   Le montant mensuel de ces deux pensions qui a été gelé par le gouvernement français à partir de l'indépendance du Sénégal en 1961, s'élevait au moment de sa mort à 340,21 francs français ; en outre, l'administration française lui avait fourni une carte de réduction SNCF.

   Dans son village sénégalais sans électricité et ne disposant que de quatre points d'eau pour 1 500 habitants, ce vétéran de ce que les Africains appelaient « la guerre des Français », ne possédait pour seules richesses qu'une minuscule cabane de paille et de tôles, une lampe-tempête et un transistor.
   Sa modeste pension permettait cependant d'améliorer l'ordinaire de sa famille qui comptait une trentaine de personnes.
   Son petit-fils a déclaré au correspondant du journal Le Monde qu'il rêvait de Paris, mais qu'il n'était pas sûr d'obtenir un visa pour la France (1).
   Peu de temps avant son décès, Abdoulaye N'DIAYE avait été photographié et son témoignage avait été filmé par le journaliste
Olivier MOREL (2).

   « Vous Tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude
sous la glace et la mort.
   Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ?
   Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux généraux
   Je ne laisserai pas - non ! - les louanges de mépris vous enterrer furtivement.
   Vous n'êtes pas des pauvres aux poches vide sans honneur
   Mais je déchirerai les rires banania sur tous mes murs de France [...] »

Léopold Sédar SENGHOR,
Extrait de Poème liminaire,
Premiers vers de " Hosties Noires ",
Paris, Seuil, 1990