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L'Armée coloniale indigène pendant la 1ère guerre mondiale


Le recrutement des troupes indigènes

 À la veille de la 1ère guerre mondiale, les troupes indigènes, ex-troupes de marine devenues troupes coloniales en 1900 (d'où la présence d'une ancre marine sur leurs uniformes) étaient composées de tirailleurs recrutés sur la base du volontariat et devenus soldats de métier, en Indochine, en Afrique orientale (Madagascar, Côte des Somalis et Djibouti), en Afrique équatoriale et occidentale, en Guyane, dans les Antilles et les territoires du Pacifique.

   En août 1914, lorsque la France est entrée en guerre, le haut-commandement français qui envisageait d'utiliser des troupes indigènes dans le conflit, décida de multiplier les appels à l'engagement dans les colonies, en particulier en Afrique occidentale française.
   Il fut relayé par Blaise DIAGNE, premier député noir africain à l'Assemblée nationale, inscrit dans le groupe de l'Union républicaine radicale et radicale-socialiste, qui appela «  les populations africaines au loyalisme patriotique, au rassemblement sous les plis du drapeau de la " Mère Patrie " ».
   Ces appels ne suscitèrent pas l'enthousiasme et le commandement français dut recourir à la contrainte. Mais le recrutement forcé se heurta à une vive résistance des populations indigènes qui se manifesta en 1915 par de sanglantes révoltes durement réprimées.
   
En 1917, CLEMENCEAU, devenu président du Conseil, nomma Blaise DIAGNE Commissaire de la République, avec pour mission de mener une nouvelle campagne de recrutement en Afrique noire, en proposant aux indigènes des primes, des allocations, la création d'écoles, l'exemption de l'indigénat, voire pour les fils de chef qui s'engageraient, la promesse d'accéder à la citoyenneté française en échange de « l'impôt du sang ». Cette campagne permit de recruter 63 000 hommes en Afrique occidentale française et 14 000 en Afrique équatoriale française (1).

L'engagement des troupes indigènes en Champagne

  En 1915, a été créée l'Armée coloniale indigène, dont les dépôts ont été installés à Fréjus-Saint-Raphaël.

   Dans la Marne, durant l'hiver 1914-1915, le 1er Corps d'armée colonial a tenu le secteur de Beauséjour - Main de Massiges au prix de lourdes pertes .
   Lors de l'offensive du 25 septembre 1915, 10 Bataillons de tirailleurs sénégalais et 13 régiments de zouaves ont été engagés en Champagne (2).
   En avril-mai 1917, 10 régiments de tirailleurs sénégalais et de zouaves ont participé à la conquête des Monts de Moronvilliers.

   Le président de la République, Raymond POINCARÉ et le général MANGIN
passent en revue un régiment de tirailleurs sénégalais
à Fismes dans la Marne, l
e 2 avril 1917

   Lors de l'offensive allemande de juillet-août 1918, qui correspond à la seconde bataille de la Marne, la ville de Reims a été défendue et sauvée par le 1er Corps d'Armée coloniale qui comptait 9 bataillons de tirailleurs sénégalais.
   En septembre 1918, 8 régiments africains combattaient au sein de la IVème Armée en Champagne.

Un bilan très lourd

   Au total, entre 1914 et 1918, plus de 275 000 soldats indigènes ont servi dans l'Armée coloniale :
         - 181 512 tirailleurs dits « sénégalais » mais venant en réalité de toute l'Afrique occidentale et équatoriale française, les plus nombreux, répartis au sein de 141 Bataillons de tirailleurs africains qui constituaient l'essentiel de ce que le général MANGIN appelait « la Force noire » ;
         - 41 355 Malgaches ;
         - 2 434 Somalis ;
         - 48 922 Indochinois ;
         - 1 067 Canaques et Polynésiens.

   A la fin de la guerre en novembre 1918, leurs pertes totales s'élevaient à 28 700 morts
et 6 500 disparus (3).

    En 1924 a été inauguré à Reims un Monument aux héros de l'Armée noire qui a été démonté par les troupes d'occupation allemande en 1940.
    Le 3 novembre 2008, à l'occasion du 90e anniversaire de l'Armistice de 1918, la Ville de Reims a rendu solennellement hommage aux soldats de l'Armée noire au cours d'une cérémonie présidée par Jean-Marie BOCKEL, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, Rama YADE, secrétaire d’État aux Affaires étrangères et aux Droits de l’homme, et Adeline HAZAN, maire de Reims, en présence du ministre de la Défense et des Anciens combattants du Mali, Natié PLÉA, et de nombreux ambassadeurs ou attachés d'ambassade de pays africains.
Au cours de cette cérémonie, la reconstruction du monument a été annoncé.

Pour en savoir plus

  Eric DEROO et Antoine CHAMPEAUX, La Force noire. Gloire et infortunes d'une légende coloniale,
Tallandier, 2006.

 Eric DEROO et Antoine CHAMPEAUX, La Force noire, dvd-vidéo, 60 minutes, ministère de la Défense, 2007.
 Chantal ANTIER-RENAUD et Christian LE CORRE, Les soldats des colonies dans la Première Guerre mondiale, Histoire, Ouest-France, 2008.
Bastien DEZ,
" Mémoires de gloires et d'infortunes Les tirailleurs « sénégalais » au secours de Reims et de la France (1918-2008) ", article publié dans Alexandre Lafon, David Mastin et Céline Piot (sous la direction de),
-  La Grande Guerre aujourd’hui, Mémoire(s), Histoire(s), Actes du Colloque d’Agen-Nérac (14-15 novembre 2008), Éditions. Albret et Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Agen, 2009 ;
" 1918 : des peuples d'outre-mer sur le front de l'Aisne ", dossier en ligne réalisé à partir de l'article (quelque peu modifié) publié dans la brochure 1918, De guerre lasse, diffusée en supplément du quotidien Libération le 11 juillet 2008