60
ans après la fin de la 2e guerre mondiale, l'histoire de la Résistance
en France suscite encore des débats et alimente des controverses.
Qui et combien étaient les résistants ?
Quelles étaient leurs motivations ?
Quand et pourquoi se sont-ils engagés ?
Comment la résistance intérieure s'est-elle organisée
?
Quels étaient ses rapports avec la résistance extérieure
et le général de Gaulle, avec les Alliés ?
Quelle stratégie a-t-elle adoptée ?
Comment et quand s'est-elle unifiée ?
Quel a été son rôle dans la libération et la reconstruction
de la France, ainsi que dans la victoire alliée de 1945 ?
De
nombreux travaux sont venus renouveler et enrichir l'historiographie
de la Résistance en France.
Diversité,
complexité, spécificité
de la Résistance française |
Qui
étaient les résistants ?
Les résistants étaient des hommes et des femmes de
tous âges mais
souvent jeunes voire très jeunes.
Moins
nombreuses que les hommes, les femmes y étaient souvent cantonnées
dans des rôles subalternes.
Ils étaient issus de toutes
les couches sociales.
Toutes les sensibilités politiques de gauche
comme de droite, toutes les sensibilités philosophiques et
religieuses étaient représentées au sein de
la Résistance.
Des étrangers ont
combattu aux côtés
des résistants français : antifascistes
italiens, antinazis allemands et républicains espagnols réfugiés
en France ; immigrés polonais
et arméniens ;
juifs apatrides.
Volontaires
engagés dans l'action clandestine, les résistants
risquaient à
tout moment d'être dénoncés,
arrêtés, torturés, emprisonnés, exécutés ou déportés.
Ils constituaient une toute petite minorité
courageuse, qui a suscité à
la fin de l'Occupation un mouvement
social beaucoup plus vaste, entraînant l'adhésion de
la majorité des Français.
Quand
se sont-ils engagés, avec quelles motivations
et pour quoi faire ?
L'engagement dans la Résistance a été
plus ou moins précoce, dès 1940-1941 ou au contraire plus
tardif, en 1943-1944.
Les
motivation des résistants étaient diverses : refus
de la défaite et de l'occupation allemande, refus du régime de Vichy
et de la collaboration, refus de la répression et des mesures antisémites,
volonté de combattre pour libérer la France.
La Résistance a revêtu des formes multiples
qui allaient de l'attentisme prudent ou l'écoute de la BBC,
jusqu'à la l'action directe ( attentats, sabotages ) ou la lutte
armée dans les maquis, en passant par les manifestations patriotiques,
le renseignement, la diffusion de la presse clandestine, la participation
à des réseaux d'évasion, le refus du Service du travail obligatoire
(STO) mis en place à la fin de 1942 et au début
de 1943.
Quelles
difficultés ont-ils dû surmonter ?
Les résistants étaient isolés.
Ils ne pouvaient guère compter sur la population
accablée par la défaite, soucieuse d'assurer d'abord sa survie et
terrorisée par les menaces de représailles, ni sur l'aide des Alliés
qui a tardé à venir et est restée limitée.
Ils ont dû surmonter leurs propres divisions :
- cohabitation
conflictuelle entre communistes, non communistes et anticommunistes,
entre partisans du général de Gaulle et antigaullistes de différentes
sensibilités, en particulier ceux qui n'avaient pas rompu
avec le régime de Vichy ;
- désaccord sur
le plan stratégique entre ceux qui préconisaient le sabotage et
la lutte armée immédiate, en particulier les communistes avec l'Organisation
spéciale (OS), puis les Francs tireurs et partisans
français (FTPF) et leurs groupes de la Main- d'oeuvre immigrée
(MOI), et ceux qui privilégiaient le renseignement, la propagande,
l'aide aux pilotes alliés abattus au-dessus du territoire
français et aux prisonniers évadés, dans l'attente
des troupes alliées ;
- opposition enfin,
entre ceux qui entendaient combattre pour des changements profonds
et ceux qui souhaitaient simplement un retour à la situation d'avant-guerre.
L'organisation
et l'unification de la Résistance |
Des
débuts difficiles, un développement séparé
dans les deux zones
Les rares Français qui se sont engagés dans la
R ésistance dès 1940 l'ont fait à titre individuel ou au sein de
petits groupes isolés, agissant de façon spontanée, sans mots d'ordre,
sans liens entre eux.
D'autres
se sont mis au service des réseaux britanniques du Special
Operation Executive (SOE) du major Buckmaster et des
réseaux de la France libre,
mis en place par le Bureau central de recherche et d'action (BCRA).
Ce n'est que progressivement que des liens se
sont établis, que le recrutement s'est étoffé, que des mouvement
structurés se sont constitués dans les deux zones
séparées par une ligne de démarcation contrôlée
par les troupes d'occupation allemandes
:
- d'abord
en zone Sud non occupée, qualifiée de « zone libre »
(Combat, Libération, Franc-Tireur, Témoignage chrétien, Armée
secrète, Groupes francs,
Organisation de résistance de l'armée ou ORA...)
;
- puis en
zone Nord occupée (Libération-Nord, Défense de la France, Organisation
civile et militaire, Ceux de la résistance ou CDLR, Ceux de la libération
ou CDLL, Résistance-Fer ...) ;
Dans les deux zones, les communistes ont
mis en place, à partir de mai 1941, le Front national de
lutte pour l'indépendance de la France.
Les facteurs de son développement
Quatre
facteurs extérieurs à la résistance ont favorisé son développement
:
- En
juin 1941, l'attaque allemande contre l'Union soviétique
a levé les équivoques qui pouvaient subsister chez certains militants
communistes depuis le pacte germano-soviétique d'août 1939, et
a renforcé la détermination des résistants communistes qui constituaient,
depuis 1940, la cible privilégiée de la répression nazie et vichyste.
- En
septembre 1942, l'établissement du Service du
travail obligatoire (STO) a poussé les réfractaires
à rejoindre les maquis.
- En
novembre 1942,
l'invasion de la zone Sud par la Wehrmacht a discrédité
le régime de Vichy incapable de s'y opposer, anéanti le
mythe d'un « Vichy-bouclier », État
indépendant et souverain jouant le double-jeu pour le plus
grand intérêt de tous les Français, et elle
a uniformisé les conditions de la Résistance dans les deux zones.
- En
février 1943, la capitulation de la VIème Armée allemande
à Stalingrad a fait s'effondrer le mythe de l'invincibilité de
la Wehrmacht et de la victoire définitive du Reich hitlérien auquel le régime de Vichy avait adhéré
Les étapes de l'unification de la Résistance
La France libre avait besoin de se faire reconnaître
par la Résistance intérieure et la Résistance intérieure avait besoin
de l'aide de la France libre.
En
janvier 1942,
de Gaulle a envoyé Jean Moulin en France avec pour mission
d'unifier la Résistance intérieure.
Au printemps 1943, les mouvements de la zone
Sud ont fusionné dans les Mouvements unis de Résistance (
MUR ), et ceux de la zone Nord ont commencé à coordonner
leur action.
Un Conseil national de la Résistance (CNR) a été créé où siégaient les représentants
des mouvements des deux zones, des partis politiques et des syndicats.
Présidé par Jean Moulin puis après son arrestation
en juin 1943, par Georges Bidault, le CNR a élaboré un programme
qui a été adopté en mars 1944.
Ce programme fixait les conditions de la lutte
immédiate pour la libération du territoire français et les mesures
à appliquer après la Libération pour rétablir la légalité républicaine
et promouvoir de profondes réformes sur le plan économique et social.
Au début de 1944, a été créé le
Mouvement de libération nationale (MLN) qui regroupait
les MUR et plusieurs mouvements de la zone Nord.
Le
rôle de la Résistance dans la libération
de la France
|
L'action
des maquis et les combats de la Libération
Dès
septembre 1943, les résistants corses ont déclenché
une insurrection qui a libéré leur île avec
l'aide de commandos venus d'Afrique du Nord.
Au début de 1944, les groupements armés issus
des différents mouvements de résistance ont été unifiés au sein
des Forces françaises de l'intérieur (FFI) placées sous
le commandement du général Kœnig.
À
partir de juin 1944, FFI et FTP ont participé activement à
la libération des autres départements français.
Pour retarder l'arrivée des renforts allemands
au lendemain du débarquement de Normandie, les forces armées
de la Résistance ont mis en oeuvre les plans de sabotage
des moyens de communication : Plan vert pour les voies ferrées,
Plan violet pour les lignes téléphoniques et Plan
bleu pour les installations électriques.
Dans le même temps, elles ont été
mobilisés dans l'application du Plan Paul, qui visait à
détruire les dépôts allemands de munitions et
de carburants, à harceler les renforts allemands et à
préparer l'arrivée des troupes alliées.
Elles ont subi l'assaut de la Wehrmacht
appuyée par la Milice française au cours de batailles meurtrières
livrées dans les Alpes sur le Vercors et le plateau des Glières,
dans le Massif-Central au Mont Mouchet, et en Bretagne à Saint-Marcel.
Elles
ont déclenché l'insurrection parisienne qui a libéré Paris
le 25 août 1944 avec l'appui de la 2e Division blindée
du général Leclerc
Elles ont libéré la plus grande
partie du sud-ouest et du centre de la France, et facilité
dans le sud-est la progression de la 1ère Armée française
du général de Lattre de Tassigny débarquée
en Provence en août 1944.
Le
rétablissement de la légalité républicaine
Dans
la France libérée ont été mis en place partout des Comités départementaux
et locaux de libération (CDL et CLL) constitués par des résistants,
comités qui se sont substitués à l'administration
de Vichy et ont rétabli la légalité républicaine.
Des cours de justice et des chambres civiques
ont été créées avec la participation
des résistants, pour mettre fin ou éviter les exécutions
sommaires et les règlements de compte qui ont accompagné
les
journées libératrices, et installer les instruments
de l'épuration légale des collaborateurs.
CDL, CLL et milices patriotiques ont constitué
parfois, en particulier dans les départements où la
résistance communiste était en position de force,
une menace de contre-pouvoir face aux commissaires de la République
et aux préfets nommés par le gouvernement provisoire
de la République française restaurée, qui se
sont rapidement imposés partout.
Le
bilan de l'action de la résistance
Lorsque s'achève la libération de la France au
printemps 1945, avec la réduction des dernières poches tenues par
les Allemands, le bilan est lourd : 20 000 FFI ou FTP
tués au combat, 30 000 fusillés, plus de 60 000 déportés, dont près
de la moitié sont morts dans les camps.
Mais le sacrifice des résistants n'a pas été inutile
et l'action de la Résistance, même si elle n'a été qu'une force
d'appoint, a bien servi la France.
Cette action a été reconnue par
le commandant en chef des armées alliées en Europe,
le général Eisenhower, et a contribué ainsi
à épargner à la France d'être soumise à l'AMGOT (Allied
Military Government for Occupied Territories - Administration
militaire alliée des territoires occupés).
Après la Libération, les résistants
qui se sont engagés dans la nouvelle armée française
reconstituée et qui ont poursuivi le combat aux côtés
des Alliés, ont permis d'associer la France à la victoire
de 1945 sur l'Allemagne nazie.
Enfin, le Résistance est parvenue à réaliser
l'union la plus large, à rétablir la République et à amorcer un
renouveau.
Au
lendemain de la guerre, beaucoup de résistants ont été déçus parce
que le rétablissement
par la IVe République, en 1946,
du régime d'assemblée ne correspondait pas à l'idéal de changement
profond qui avait motivé leur engagement dans la Résistance.
Confrontés
à la reconstitution des partis traditionnels, les résistants
ne sont pas parvenus à créer
un grand parti de la Résistance, mais ils ont
cependant joué un rôle important dans la reconstruction
administrative, politique, économique et sociale de la France.
La vie politique française allaient être
durablement marquée par l'héritage de la Résistance, et dans l'immédiat,
le programme du CNR s'est en partie concrétisé avec l'instauration
du vote des femmes, la nationalisation des secteurs clés de l'économie
et la création de la Sécurité sociale.
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