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Henri Choisnel,
itinéraire d'un résistant rémois

Extraitde  Jean-Pierre HUSSON
La Marne et les Marnais à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale
,
tome 2, Presses universitaires de Reims, 2ème édition, 1998, pp. 13-16.

Des Croix de feu au Rassemblement du peuple français, en passant
par le Parti social français et le Front national de lutte pour l'indépendance de la France

   Henri CHOISNEL, adhérent des Croix de feu depuis le début des années 1930, participe avec le groupe rémois de ce mouvement à la manifestation du 6 février 1934 à Paris.
   Candidat de l'Alliance républicaine, il se présente pour la première fois aux élections cantonales d'octobre 1934 dans le 3ème canton de Reims où il est battu par le radical-socialiste Clovis CHÉZEL.
   Aux élections municipales de 1935, il fait partie des trois membres des ligues admis sur la liste d'« Union républicaine pour la défense des intérêts rémois » conduite par Paul MARCHANDEAU, qui est entièrement élue.
   Le 19 août 1936, il préside à Reims, dans la Salle des fêtes de la rue Gambetta, une réunion du Parti social français ( PSF ) qui rassemble 3 000 personnes, tandis qu'une centaine de militants communistes tentent d'empêcher la tenue de cette réunion.
   Après l'évacuation de Reims décidée le 19 mai 1940 par Paul Marchandeau qui avait fermé sa mairie le 20, Henri CHOISNEL s'installe avec quelques élus à la sous-préfecture qu'il ne quitte que le 9 juin à la veille de l'entrée des Allemands dans la ville.
   Revenu à Reims après l'exode, il reprend son activité de représentant de commerce qui le conduit dans le Nord de la France et même en Belgique, où il récupère des aviateurs alliés abattus et les ramène dans sa voiture chez Léon HABRAN  propriétaire du café Au Lion de Belfort, Place d'Erlon à Reims, où ils sont pris en charge par un réseau d'évasion.
Arrêté en 1942 à la suite d'une dénonciation, Léon HABRANa été déporté en mai 1943 ; il est mort au camp de Dora, en mars 1945.
   Proposé « en deuxième ligne » comme conseiller municipal susceptible d'être maintenu à son poste par Paul MARCHANDEAU et le préfet BOUSQUET, au début de 1941, Henri CHOISNEL n'est finalement pas confirmé par le gouvernement de Vichy dans cette fonction.
   Il cesse de siéger au conseil municipal avant même que cette décision lui soit notifiée.
   En septembre 1941, son fils Pierre CHOISNEL, âgé de 20 ans, impliqué à la suite d'une dénonciation, dans
l'Affaire du drapeau de la Fontaine Subé, est condamné à deux mois de prison par un tribunal militaire allemand. Dans la nuit du 19 au 20 août 1941, un drapeau français frappé d'une croix de Lorraine, avait été hissé par un groupe de jeunes en haut de cette fontaine située au centre de Reims. Pierre CHOISNEL, qui avait créé en 1938 le Club des Gais Lurons et chez qui la police avait découvert des photographies du général de Gaulle, avait revendiqué devant le tribunal allemand l'initiative de cette opération.
   Au printemps 1943, Henri CHOISNEL et sa femme sont arrêtés par les Allemands et emprisonnés à la prison de Châlons-sur-Marne, à la suite de la découverte d'un dépôt d'armes dans les ruines d'un immeuble dont ils étaient propriétaires avant la guerre.
   Leur fils Pierre qui, après avoir effectué sa peine de prison, était passé clandestinement en zone sud pour échapper au STO en février 1943, se présente spontanément à la police comme l'auteur de ce dépôt d'armes afin de disculper ses parents.
   Il est interné au camp de Compiègne, puis déporté à Buchenwald en décembre 1943.
   Libéré de prison, Henri CHOISNEL adhère à l'été 1943 au Front national de lutte pour l'indépendance de la France, où il retrouve un autre membre du PSF, Georges DOMPMARTIN, organisateur du Front national dans la Marne avant l'arrivée du communiste Michel SICRE.
   Devenu " Georges Grant " dans la résistance, il est nommé responsable local du NAP ( Noyautage des administrations publiques ).
   Épargné par la vague d'arrestations qui décime la résistance rémoise en décembre 1943 et en janvier 1944, il se cache chez Lucien BARBIER, viticulteur de la Montagne de Reims, après avoir échappé de peu à la Gestapo venue pour l'arrêter le 13 juin 1944.
   Au lendemain de la libération de Reims, il est désigné par le Comité local de libération de Reims pour siéger à la délégation municipale provisoire présidée par le docteur BILLARD, autre membre du Front national venu du PSF, et devient maire-adjoint.
   Membre du comité directeur de la section marnaise du Front national, il signe un article intitulé « Unité pour la reconstruction de la France » dans le journal de ce mouvement, Les Fils de Valmy, daté du 25 novembre 1944, dans lequel il déclare : « La Révolution est en marche. La Classe Ouvrière accède à la majorité, la République du Travail va s'instaurer. La Civilisation bourgeoise s'en trouvera certainement et profondément modifiée ».
   Le 9 décembre 1944, il participe à une réunion des anciens dirigeants du PSF de Reims, qui appellent à l'unanimité les membres du PSF marnais à adhérer au Front national.
   À partir de novembre 1944, Henri CHOISNEL siège à l'Assemblée consultative provisoire dans le collège de la résistance métropolitaine, au titre du Front national.
   Il est membre de la Commission de la Justice et de l'Épuration, ainsi que de la Commission de l'Agriculture et du Ravitaillement.
   De décembre 1944 à décembre 1945, il siège également à la Commission d'instruction près la Haute Cour de Justice, en tant que membre non magistrat.
   Devenu membre du Comité directeur national du Front national, c'est à ce titre qu'il prend la parole au congrès départemental de ce mouvement réuni à Reims à la fin du mois de décembre 1944, afin d'y exposer le travail de l'Assemblée consultative.
   Dès janvier 1945, dans un article des Fils de Valmy, il appelle à l'union et à la constitution de listes communes sur la base du programme du Conseil national de la résistance, pour préparer les élections municipales et cantonales du printemps et de l'automne 1945.
   Un peu plus tard, dans ce même journal et sous le titre « 6 février 1934 - 11 février 1945 », il répond à Jacques DEBÜ-BRIDELqui avait publié un article sur le 6 février 1934 dans la revue Front National.
   Il y expose comment il a lui-même participé en toute bonne foi à la manifestation de la Place de la Concorde à Paris : « Avec des dizaines de milliers d'honnêtes gens nous participâmes, à notre insu, ainsi qu'il apparaît clairement maintenant, à une tentative de coup de force contre la République ».
   Et d'ajouter : « Onze années se sont écoulées. Onze années qui ont éclairci bien des choses [...] Des centaines d'anciens Croix de feu ont rejoint les rangs de notre Front national. Incarnation de l'unité profonde du peuple de France. Unité précieuse et sacrée pour la victoire et le redressement de la Patrie ».
   Il signe ses articles en tant que délégué du Front national à l'Assemblée consultative.
   C'est aussi à cette époque qu'il dépose avec plusieurs de ses collègues délégués sur le bureau de l'Assemblée consultative, la proposition de résolution n° 311 relative à l'indignité nationale.
   Le 25 mars 1945, au cours d'un meeting à Reims, il évoque « la lutte du Front national dès mai 1941 contre l'occupant, par des hommes politiques de toutes tendances politiques ».
   Compte tenu de ses responsabilités à l'échelon national au sein de l'Assemblée consultative et du Comité directeur du Front national, qui le retiennent le plus souvent à Paris, Henri CHOISNEL ne figure pas sur la liste conduite par Michel SICRE, qui remporte les élections municipales provisoires à Reims, en avril-mai 1945.
   C'est en tant que membre de de la Commission d'instruction près la Haute Cour de Justice, qu'il est chargé d'enquêter sur les conditions d'hébergement de Pétain incarcéré au fort de Montrouge.
   En juin 1945, il dépose la proposition de résolution n° 489 qui invite le gouvernement à faire procéder le plus vite possible au procès de Pétain et à prendre les mesures nécessaires pour donner à ce procès la plus large audience.
   Une fois acquise la victoire sur l'Allemagne nazie, le compagnonnage d'Henri CHOISNEL avec les communistes marnais est bientôt mis à l'épreuve des vicissitudes de la politique politicienne et du retour en force des partis d'avant-guerre, remis en selle à l'issue des scrutins de 1945-1946, tandis que se manifestent les prémices de la guerre froide.
   Il prend progressivement ses distances avec le Front national.
   En septembre 1945, il donne sa démission du comité directeur du Front national qui appelait à voter « oui-non » au référendum sur les institutions , en même temps que François MAURIAC, Max ANDRÉ, Louis MARTIN-CHAUFFIER, Jacques DEBÜ-BRIDEL, Louis BERGERON, le père PHILIPPE et monseigneur CHEVROT.
   Le Parti communiste et le Front national appelaient à voter « oui » à la première question : « Voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit une assemblée constituante ? », et « non » à la deuxième question : « Approuvez-vous l'organisation provisoire des pouvoirs publics indiqués dans le projet qui vous est soumis ? ».
   Le général de GAULLE, chef du gouvernement provisoire, appelait quant à lui à voter « oui-oui », c'est-à-dire à rejeter le retour aux institutions de la Troisième République, tout en acceptant que les pouvoirs de l'Assemblée constituante soient limités, contrairement à ce que voulaient les communistes.
   En mars 1946, Henri CHOISNEL rallie Ceux de la Résistance, un mouvement avec lequel il avait vraisemblablement pris contact pendant la guerre avant d'adhérer au Front national.
   En juillet 1947, il adhère au Rassemblement du peuple français ( RPF ), créé par le général de GAULLE.
   C'est à ce titre qu'il est élu conseiller municipal et adjoint au maire Albert RÉVILLE, aux côtés d'André THIÉNOT, autre adjoint RPF.
   Tous les trois avaient siégé ensemble avant-guerre dans la municipalité dirigée par Paul MARCHANDEAU, mais seuls Albert RÉVILLE et André THIÉNOT avaient été confirmés et maintenus dans cette fonction par le gouvernement de Vichy, tandis qu'Henri CHOISNEL s'était engagé dans la résistance aux côtés des communistes.

   En 2007, son petit-fils Emmanuel CHOISNEL, polytechnicien passionné d'histoire, a publié aux éditions de L'Harmattan L'Assemblée consultative provisoire ( 1943 - 1945 ). Le sursaut républicain.