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La chute du réseau d'évasion Possum
et ses conséquences dans la Marne


Les circonstances de la chute du réseau Possum

Les arrestations dans la Marne et dans la Somme

Les déportations dans la Marne

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Les circonstances de la chute du réseau Possum

   Le 28 décembre 1943, accompagné de LAFLEUR, POTIER a rencontré LORGÉ à Reims dans la matinée et lui annonça qu'il allait le faire évacuer sur Londres dans les huit jours. Dans le rapport qu'il a rédigé à Londres à son retour, Conrad LAFLEUR note aussi que ce même jour, en fin de matinée, POTIER a rencontré « le chef de la police de Reims », sans donner plus de renseignement sur cette rencontre à laquelle il dit avoir assisté.

   POTIER et LAFLEUR déjeunèrent ensuite au Bar des Gourmets avec Raymonde BEURÉ, à qui POTIER demanda de louer deux chambres d'hôtel pour la nuit du 28 au 29 décembre. Il leur fixa le prochain rendez-vous, le même jour à 18 heures 30 à Reims au Café de la Paix, place d'Erlon.

    Au milieu de l'après-midi, 161 rue Lesage à Reims, dans une maison appartenant à Fernande MONDET, où il avait l'habitude d'émettre, Conrad LAFLEUR tenta d'entrer en liaison radio avec Londres. Raymonde BEURÉ en observation à ses côtés lui signala que des véhicules venaient de stationner dans la rue. Lorsque les agents de la Gestapo firent irruption, LAFLEUR fit usage de son arme, abattit l'un d'entre eux, et en blessa grièvement deux autres.

La maison de Fernande Mondet en 2006

161, rue Lesage à Reims : la maison où la Gestapo a fait irruption
le 28 décembre 1943 alors que le radio Lafleur
tentait d'établir la liaison avec Londres

   Profitant de la confusion qui s'en suivit, LAFLEUR s'échappa par l'arrière de la maison en escaladant les murs des jardins des maisons voisines, tandis que Raymonde BEURÉ parvenait à s'enfuir par la rue. Mais dans la précipitation, ils ont laissé dans la maison, lui son poste radio émetteur-récepteur, ainsi vraisemblablement que ses codes, elle son sac qui contenait sa carte d'identité et une photographie de son fiancé, Raymond JEUNET.
    POTIER se présenta à 18 heures 30 au Café de la Paix où il avait rendez-vous avec LAFLEUR et Raymonde BEURÉ. La serveuse, Gilberte ROCHETTE, lui indiqua qu'ils l'attendaient à son domicile, dont elle avait fourni la clé à LAFLEUR. POTIER les y retrouva. Selon LAFLEUR, Raymonde BEURÉ l'informa que, dans le feu de l'action rue Lesage, elle avait oublié son sac contenant sa carte d'identité, et déclara qu'il n'était pas prudent de se rendre à l'Hôtel Jeanne d'Arc, où elle avait réservé deux chambres pour POTIER et elle-même 36, rue Jeanne d'Arc, à quelques 200 mètres du siège de la Gestapo.
   POTIER, toujours selon LAFLEUR, estimant que son radio avait opéré depuis trop longtemps dans la région de Reims où il avait sans doute été repéré, lui donna l'ordre de quitter la région d'urgence et de se cacher. LAFLEUR lui fit remarquer qu'aucun véhicule de détection radio-goniométrique n'avait été vu dans le quartier où il émettait, et qu'il fallait trouver une autre explication à la descente de la Gestapo rue Lesage. Il quitta Reims et alla se cacher à Warloy-Baillon dans la région d'Amiens, chez le docteur Robert BEAUMONT, le médecin qui l'avait soigné en 1942 lors de son évasion.

   À Fismes, en fin d'après-midi, Raymond JEUNET, sans nouvelle de Raymonde qui devait lui téléphoner, prit le train pour Reims et se rendit rue Lesage pour y retrouver sa fiancée. Il fut arrêté par des policiers allemands et conduit au siège de la Gestapo, où il fut interrogé.

La maison de la Gestapo en novembre 1986

18, rue Jeanne d'Arc à Reims
Photographiée avant sa destruction, la maison bourgeoise de la reconstruction
de Reims après le 1ère guerre mondiale, qui avait été réquisitionnée
par les Allemands et transformée en siège de la Gestapo
où plusieurs membres du réseau Possum ont été interrogés et torturés

   Le 29 décembre 1943, vers 8 heures, le commandant POTIER a été arrêté à Reims, dans la chambre de l'Hôtel Jeanne d'Arc, où il était descendu sous le nom de Monsieur DUCHESNE.
   Grâce à la carte d'identité de Raymonde BEURÉ découverte dans son sac et présentée aux tenanciers de plusieurs hôtels de la ville, la Gestapo a retrouvé sa trace. La tenancière de l'Hôtel Jeanne d'Arc a reconnu Raymonde sur la photographie qu'on lui at présentée, et a déclaré aux policiers allemands que cette dernière avait loué deux chambres, qu'elle n'étaitt pas dans sa chambre, mais qu'il y avait un homme dans l'autre chambre. Ils sont montés à l'étage et se spont emparés de POTIER, qu'ils ont pris pour le radio de la rue Lesage.

L'emplacement de l'Hôtel Jeanne d'Arc en septembre 2006

36, rue Jeanne d'Arc à Reims
C'est dans cet immeuble que se trouvait en décembre 1943
l'Hôtel Jeanned'Arc où le commandant Potier a été arrêté par la Gestapo

   POTIER a été présenté à Raymond JEUNET qui déclara ne pas le connaître, puis il a été transféré à Fresnes, où il a été détenu pendant trois jours et confronté à Jean LORGÉ qui a été arrêté à Paris le 31 décembre.

   Ramené à la prison de Reims, le commandant Potier s'est ouvert les veines des poignets, puis s'est jeté du haut de la galerie intérieure de la prison, alors que les Allemands tentaient de lui poser des garrots pour stopper l'hémorragie.

La prison de Reims en septembre 2006

L'entrée de la prison située Boulevard Robespierre

Les cellules de la prison de Reims côté rue du général Battesti

   Sur les circonstances de cette tentative de suicide, nous disposons de trois témoignages, celui du commissaire André CHAUVET, celui du pilote britannique Ian ROBB et celui d'un habitant de Fismes, Clodémir CHÉZELLES, tous les trois détenus à la prison de Reims en même temps que POTIER.
   Nous savons aussi que deux employés de la SNCF, codétenus de POTIER à la prison de Reims ont été interrogés sur les circonstances de sa tentative de suicide. Il s'agit de Fernand LEROY et de Claude HUEZ, membres de la Confrérie Notre-Dame-Castille, réseau créé par le colonel RÉMY, et qui travaillait pour le BCRA.
   Le commandant POTIER a été conduit dans le coma à l'American Memorial Hospital, où les Allemands se sont efforcés de le réanimer pour pouvoir l'interroger à nouveau et tenter de le faire parler.
   Il y est décédé
le 11 janvier 1944
après de longues heures d'agonie, sans avoir parlé.

L'American Memorial Hospital de Reims en septembre 2006

L'entrée de l'American memorial Hospital de Reims,
hopital pour enfants construit avec l'aide des États-Unis
au lendemain de la 1ère guerre mondiale
réquisitionné par les Allemands pendant le 2e guerre mondiale

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   L'acte de décès du commandant POTIER, qui a été dressé le 12 janvier 1944, date le décès du chef du réseau Possum le 11 janvier 1944.
   Le 15 janvier 1944, le cadavre du commandant POTIER a été enterré dans la fosse commune du cimetière du Sud
de Reims.

Extrait du registre du cimetière du Sud de Reims
sur lequel a été enregistrée l'inhumation du commandant Potier

avec la mention du lieu du décès « H. américain » ( Hôpital américain )

   Le 30 décembre, Raymonde BEURÉ est revenue à Fismes chez ses parents pour informer l'équipe de Possum de l'incident de la rue Lesage et de l'arrestation du commandant POTIER.
   Le 31 décembre, de bonne heure, Raymond GALLET, Camille BEURÉ, Camille RIGAUX fils et son épouse, Etienne LANIER, Edmond LE ROUX et Simone LEDRU onnt quitté Fismes, tandis que Raymonde BEURÉ se rendait à Warloy-Baillon, près d'Amiens, conformément aux instructions, pour y rejoindre LAFLEUR. Quelques heures après la Gestapo est arrivée à Fismes et a procédé aux premières arrestations.

    Dans les jours qui ont suivi, les Allemands ont saisi le matériel stocké à Fismes, et la procèdé à des perquisitions dans les gîtes qui abritaient les équipages alliés dans la région de Fismes et de Reims, ainsi qu'au domicile de POTIER à Paris.

   Dans la soirée du 4 janvier 1944, Suzanne BASTIN, partie en mission en Belgique depuis le 27 décembre sur ordre de POTIER qu'elle avait rencontrée pour la dernière fois le 24 décembre, rentra à Paris. Une convoyeuse de Possum l'attendait en gare du Nord et l'avertit de l'arrestation de POTIER. La nouvelle lui avait été communiquée par téléphone le 2 janvier à 18 heures. Une voix anonyme de femme lui avait déclaré avant de raccrocher immédiatement : « Monsieur Edgard Potier vient d'être arrêté. Prévenez Suzanne et tous les autres de se tenir sur leur garde ».

   Sans perdre de temps, Suzanne BASTIN essaya de retrouver la trace de POTIER afin de tout tenter pour lui porter secours et le faire évader.
   Elle avertit Robert ROCHER
, pseudo Rolland, qu'elle considérait comme un des amis les plus sûrs de POTIERet qui résidait à Levallois, et alerta Georges d'OULTREMONT qui alerta Willy LEMAÎTRE, l'opérateur-radio de Jean de BLOMMAERT dont le matériel de transmission était resté à Fismes, et qui avait perdu le contact avec Londres.
   Elle a pris en charge les sept aviateurs qui se trouvaient alors à Paris dans l'attente d'être évacués par Possum dans le secteur de Fismes, et elle a dû faire face à la défection de plusieurs personnes qui avaient accepté d'héberger chez eux des équipage, et qui demandaient à en être déchargées au plus vite.

    Le signalement de Georges d'OULTREMONT étant connu à Fismes, c'est Monique de BRIEY, son agent de liaison à Paris, accompagnée de Mausy de GUITAUT, qui reçut la mission d'aller enquêter à Fismes.
    Au début du mois de janvier, vraisemblablement le 7 janvier – date indiquée par Monique de BRIEY avec un point d'interrogation dans un rapport d'activité conservé dans les archives américaines à Washington – les deux jeunes femmes se rendirent à
Fismes et y rencontrèrent Camille JEUNET père, sa fille Colette, et son fils Roland, en ignorant que ce dernier s'était mis au service de la Gestapo. La mère, Marie-Louise JEUNET, était absente.
   Elles demandèrent à parler à Raymond JEUNET, le fiancé de Raymonde BEURÉ,
qui avait été remis en liberté par la police allemande, mais les JEUNET s'y opposèrent, en leur laissant entendre qu'après son interrogatoire par la Gestapo, Raymond n'était pas en état de leur parler.
   En gare de Fismes Colette JEUNET les accompagna, elles aperçurent un instant Marie-Louise JEUNET qui descendait du train venant de Reims et dans lequel elles montèrent pour regagner Paris.
Colette JEUNET leur tendit un lapin pour leur ravitaillement, qu'elle refusèrent de prendre. Marie-Louise JEUNET leur donna rendez-vous deux jours plus tard à Paris, un rendez-vous auquel elles ne sont pas rendus.
   
Redoutant d'avoir été signalées et d'être attendues à leur arrivée à Paris, elles ôtèrent leurs manteaux et se mirt des foulards sur la tête
  
 À la gare de l'Est, craignant d'avoir été suivies, elles quittèrent rapidement le train et s'engouffrèrent dans le métro, direction la station Trocadéro, où elles rendirent compte à Georges d'OULTREMONT et à Jean de BLOMMAERT. Tous les deux les invitèrent instamment à quitter Paris au plus vite.
   Monique de BRIEY demanda à Jacques de POIX, un officier français membre de l'ORA, qu'elle avait mis en relation avec Georges d'OULTREMONT, d'envoyer un message à Londres pour l'informer des arrestations survenues à Reims et à Fismes, message qui est resté sans réponse.

   À la mi-janvier, ayant acquis la certitude que POTIER après avoir été transféré quelques jours à Paris au siège de la Gestapo, avait été ramené à la prison de Reims, Suzanne BASTIN prit la décision avec Robert ROCHER de le faire évader à n'importe quel prix, mais le 20 janvier, au moment de mettre leur plan d'évasion à exécution, ils apprirent le décès de chef de Possum.
   
Dans son rapport sur la disparition du chef de Possum, Suzanne BASTIN rend hommage à la détermination de Robert ROCHER qui était, dit-elle sur le point de réussir l'évasion du commandant POTIER. au courage de deux Rémois, l'abbé SCHROBILTGEN, l'aumônier de la prison de Reims, et Madame MARTIN –  homonyme sans lien de parenté précise-t-elle avec l'épouse du commandant POTIER, née MARTIN –, qui avaient accepté d'apporter leur aide.
   
Elle déclare aussi avoir appris par l'abbé SCHROBILTGEN, que POTIER avait découvert au cours de ses interrogatoires, que les Allemands savaient quasiment tout des activités clandestines dans la région de Reims. Il est vraisemblable hélas qu'une fois les codes de POTIER trouvés avec l'émetteur radio de LAFLEUR, rue Lesage, il a été facile pour la Gestapo de décoder tous les messages envoyés par Possum au cours des mois précédents et d'être largement informée sur l'activité du réseau.
   De son côté, Robert ROCHER est entré en relation avec un détenu qui avair partagé la cellule de POTIER, et a appris que le chef de Possum a fait des confidences à un autre détenu de la prison Robespierre de Reims, Pierre JOHNSON, membre du réseau Uranus-Kléber. Descendant d'Andrew JOHNSON, le président des États-Unis qui a succédé à LINCOLN, Pierre JOHNSON a été arrêté à Épernay le 7 janvier 1943, quelques jours avant le décès de POTIER. Transféré à Compiègne en mai 1944, il a été déporté à Flossenbürg, puis à Dachau où il a été libéré en avril 1945.

    Georges d'OULTREMONT qui, ne disposant pas de radio, avait averti Londres de la chute de Possum par l'intermédiaire de Lorrain CRUZE, a reçu l'ordre de quitter la France et de rallier l'Angleterre, ce qu'il a entrepris en février 1944, en passant par l'Espagne.
 
Conrad LAFLEUR
, Jean de BLOMMAERT et son radio Willy LEMAÎTRE en ont fait de même, ensemble, et en utilisant la ligne Comète.

   Prise en filature lorsqu'elle s'est rendue à la gare d'Austerlitz acheter des billets à l'intention de Georges d'OULTREMONT, Jean de BLOMMAERT et Conrad LAFLEUR pour leur départ vers l'Espagne, Monique de BRIEY a dû changer de domicile et se cacher. S'interrogeant sur le fait de savoir si elle avait été repérée dès sa visite à Fismes ou lors de sa rencontre avec Jacques de POIX, elle lui a demandé un rendez-vous d'urgence, qu' « il décommanda ». Le 5 février 1944, Jacques de POIX était arrêté, incarcéré à Fresnes, puis déporté à Neuengamme. Il est décédé le 5 juillet 1945 peu de temps après son rapatriement en France.

   Georges QUINOT, le trésorier belge du réseau Possum, a été arrêté une première fois en février 1944, puis à nouveau en août et déporté au camp de Neuengamme, où il est décédé en mars 1945.

   C'est ainsi qu'est intervenue fin 1943-début 1944, la chute du réseau d'évasion franco-belge Possum.
   Si l'on s'en tient strictement à l'activité du réseau Possum, Fred GREYER, fils du commandant POTIER, a recenséune quarantaine de pilotes pris en charge par le réseau, dont onze pilotes effectivement évacués par Lysander.
   La chute de Possum s'est avéré dramatique pour les agents marnais de ce réseau, car elle a été suivie d'arrestations en chaîne et de déportations qui ont frappé l'ensemble de la Résistance dans la région de Reims et de Fismes.

Les arrestations dans la Marne à Paris et dans la Somme

   Le 29 décembre 1943 après-midi, Pierre WIART a été arrêté et torturé dans sa ferme de Courlandon, puis emmené par la Gestapo ainsi que son épouse qui a été remise en liberté. Interné à la prison de Reims, il a été déporté à Buchenwald.

    Le 31 décembre, la Gestapo a interpellé Gilberte ROCHETTE à Reims, et procédé à neuf arrestations à Fismes :
   - le docteur Fernand GÉNILLON, qui n'était pas membre du réseau Possum, et qui a été arrêté comme otage, en tant que maire de Fismes.
   - six membres du réseau Possum : Camille RIGAUX père ; Maurice et Jeanne DÉZOTHEZ ; Eugène GOBERT ; Lucienne LEDRU, et son frère Charles ;
  - deux aviateurs alliés, Ian ROBB et Robert HARPER, arrêtés en même temps que Camille RIGAUX chez qui ils étaient hébergés.

    Le 2 janvier 1944, les agents de la Gestapo sont revenus à Fismes, ont perquisitionné au domicile de Raymonde BEURÉ en fuite, puis ils se sont rendus au domicile de Roland JEUNET, le frère du fiancé de Raymonde.
   Roland JEUNET, qui exerçait la profession de coiffeur, a été longuement interrogé par le lieutenant SS WEISENSEE, au sujet de Raymonde BEURÉ. Satisfait des informations qu'il lui a communiqué, WEISENSEE a proposé à Roland, qui a accepté, d'entrer au service de la Gestapo.

    Le 3 janvier, Roland JEUNET s'est rendu au siège de la Gestapo rue Jeanne d'Arc à Reims, où ila livré des renseignements sur les organisations de résistance.

   Le 4 janvier, cinq agents du réseau Possum ont été arrêtés par la Gestapo à Reims :
   - Fernande MONDET, la propriétaire de la maison de la rue Lesage mise à la disposition de LAFLEUR pour émettre vers Londres ;
   - Marcel et Geneviève TAVERNIER qui ravitaillaient en viande les gîtes du réseau et hébergaient des pilotes alliés ;
   - Berthe et André AUBERT qui avaient accepté à la demande de l'abbé LUNDY et de l'abbé DROESCH, vicaires de la paroisse Saint Benoît de Reims, d'héberger des pilotes alliés, arrêtés, elle à leur domicile 28, rue Victor Rogelet, pas très loin de la rue Lesage, lui sur son lieu de travail à la STEMI.
   Berthe AUBERT, Fernande MONDET et Geneviève TAVERNIER sont internées à la prison de Reims, puis transférées à la prison de Laon et au Fort de Romainville ;
   André AUBERT, interné à la prison Robespierre de Reims, est parvenu à s'en échapper à la faveur du bombardement du 30 mai 1944, mais il y est retourné craignant que, suite à son évasion, les Allemands ne fassent subir des représailles à son épouse.

   Le 13 janvier, Raymonde BEURÉ est revenu à Fismes chercher son fiancé Raymond JEUNET.

   Le 14 janvier, le frère de Raymond, Roland JEUNET, a envoyé une lettre recommandée à la Gestapo, dans laquelle il signalait la présence à Fismes de Raymonde BEURÉ et d'Etienne LANIER, un des chefs de la Résistance à Fismes. Marie BOIVIN, employée à la Poste, recopiea cette lettre et en informa la Résistance.

    Le 15 janvier, les agents de la Gestapo arrivèrent à nouveau à Fismes pour s'emparer de Raymonde BEURÉ, mais ne la trouvèrent pas, car elle avait pris la fuite la veille avec son fiancé Raymond JEUNET. Ils se cachèrent tous les deux dans la Marne, puis à Paris. En avril, ils tentèrent en vain de passer en Espagne et revinrent à Paris.

   Le 15 février, le docteur Robert BEAUMONT père de deux enfants, qui avait caché dans sa maison de Warloy-Baillon près d'Amiens, Conrad LAFLEUR, le radio du réseau Possum, et sa « vigie », Raymonde BEURÉ, fut arrêté à son tour. Il est mort trois jours après en prison.

   Agent auxiliaire bénévole de la police allemande, Roland JEUNET devent à cette époque pour 2 000 francs mensuels, un agent appointé de la Gestapo chargé de surveiller les bars de la ville de Reims.
   À Fismes, le ressentiment contre la famille JEUNET grandit et le bruit circula qu'une opération punitive se préparait.

    Le 7 avril en fin d'après-midi, la Gestapo procèda à huit nouvelles arrestations : Bernard CORRIEZ, Paul DANNA, Jean HUBERT, Edmond LE ROUX et son fils Raymond, René LETILLY, arrêtés à Fismes ; Pierre PRÉVOST et Jules VAUCHEROT arrêtés à Crugny.

    Le 12 avril, des coups de feu ont été tirés contre la maison des JEUNET, ce qui entraîna une enquête de la police française qui tenta d'étouffer l'affaire.

    Le 14 avril 1944, la Gestapo procèda à quatre nouvelles arrestations : Michel GUYOT, Guy MOUCHET, Guy COTTÉ et Georges TANGRE.


    Le 28 avril, pour en finir avec les menaces qui continuaient d'être proférées à l'encontre de sa famille, Roland JEUNET provoqua une opération d'envergure conduisant à de nouvelles arrestations à Fismes : André BACK ; Huguette BONINI ; Émilien BOIVIN et son épouse Marie ; André BEURÉ, fils de Camille et frère de Raymonde, sa mère Marie BEURÉ ; Roger COQUET ; Henri DAMBREVILLE ; Hildevert LEFÈVRE ; Raymond LELIÈVRE ; Joseph MISIAK. Afin de détourner les soupçons, ont été également arrêtés Roland JEUNET, sa mère Marie-Louise, et sa sœur Colette, qui furent remis en liberté quelques jours après.

   Les Allemands retrouvèrent dans les papiers de Colette JEUNET l'adresse à Paris, où se cachaient son frère Raymond et Raymonde BEURÉ.

    Le 2 mai, Roland JEUNET accompagna à Paris les agents de la Gestapo venus arrêter son frère Raymond et Raymonde BEURÉ, qui furent ramenés et internés à Reims.

    Le 5 mai, la Gestapo procèda à cinq nouvelles arrestations :
   - à Fismes, le docteur Jacques BUSSEL ;
   - à Arcis le Ponsart, Jules PICHELIN et ses deux fils, Pierre et Jean, et Alexis KESLER.

    Après le bombardement de la prison de Reims le 30 mai 1944, Raymond JEUNET et Raymonde BEURÉ furent transférés à la prison de Châlons-sur-Marne.

    Fin mai-début juin, ils on été libérés, libération sans doute négociée par Roland JEUNET qui pensait pouvoir les utiliser dans sa traque des résistants. Ils furent placés en résidence surveillée, sous sa garde, à Reims, dans un appartement, où ils se marièrent en juin 1944.
   Roland JEUNET était à cette époque employé aux usines Junkers de Courcy, où il surveillait les ouvriers. Il était également chargé d'effectuer des filatures de résistants rémois et d'enquêter sur le chef départemental des FFI, le commandant BOUCHEZ, dont il ne parvenait pas à localiser la planque.
    Sur un petit carnet, que son frère Raymond est parvenu à lui dérober et à faire parvenir à la Résistance, Roland JEUNET consignait les noms des résistants, des réfractaires du STO et des communistes du secteur de Fismes que sa mère et son frère André lui communiquaient, et il en informait WEISENSEE au siège de la Gestapo de Reims.

   Le 8 juin, Raymonde BEURÉ a été convoquée au siège de la Gestapo et les Allemands après l'avoir revêtue d'une capote l'emmenèrent à l'arrière d'un de leurs véhicules à Sillery et à Mailly-Champagne, où seize patriotes ont été arrêtés.
   - à Sillery : René SERPE ; Gaston GEORGETON, son épouse Marcelle et sa fille aînée Léone ; Raymond PICON et son épouse Marthe ; Maurice HECHT et son fils Didier ; Roger MANGENOT et son épouse Augustine, ainsi que leur fille Huguette ; Paul BÉNARD ; Berthe LEHERLE et Mademoiselle ROGIER ;
   - à Mailly-Champagne : Léa CHANDELOT et Jean de KÉGEL.

    Le même jour, Solange RICHARD, secrétaire du docteur GÉNILLON à la mairie, a été arrêtée à Fismes. Renée WEIGEL qui avait hébergé Ian ROBB, et Anita VAN DEN DRIESCHE, serveuse au Café de la Paix, qui avait aidé LAFLEUR à quitter Reims après l'incident de la rue Lesage, ont été arrêtées à Reims.

    Le 9 juin, c'est l'arrestation d'Auguste MIEL à Reims , le 19 juin, l'arrestation à Gionges, d'Yvette LUNDY, sans doute aujourd'hui une des dernières survivantes du réseau Possum dans la Marne, et le 30 juinà Savigny sur Ardres, l'arrestation de Joseph TIRANT DE BURY, qui avait hébergé le pilote Ian ROBB.

   Le 18 juillet, les frères d'Yvette LUNDY ont été arrêtés à leur tour : Georges à Beine et Lucien à Aussonce dans les Ardennes.

   Dans la Somme, après l'arrestation du docteur BEAUMONT en février 1944, huit autres agents du réseau Possum ont été arrêtés et déportés : René DHAILLE, arrêté le 15 avril ; Léopold ROUSSEL, arrêté le 16 avril ; Lucien DELACROIX, arrêté le 3 mai  ; René GAILLET et Jean SECQ, arrêtés le 16 mai ; Henri et Germaine DESJARDIN ainsi que Julien HECQUET, arrêtés en juin.

    Le 30 janvier 1945, le tribunal militaire de la VIème région militaire a condamné à mort par contumace Roland JEUNET, qui s'était engagé début août 1944 dans la Waffen SS et avait intégré une école d'officiers en Poméranie. Rentré en France en avril 1945, Roland JEUNET tenta de se faire passer pour un requis du STO au Centre d'accueil de la gare de Reims, mais il fut reconnu par un boucher de Fismes, interné à Reims et traduit devant la Cour de Justice de la Marne qui confirma sa condamnation à mort.

Roland Jeunet en avril 1945
( Archives des FFI de la Marne )

   Le réquisitoire daté du 26 juillet 1945 fait le bilan des arrestations qui lui sont directement ou indirectement imputables en ces termes : « 80 personnes ont été dénoncées à la Gestapo, 27 ont été arrêtées, 17 ont été déportées en Allemagne, dont 9 sont rentrées à ce jour, 5 décédées en captivité et 3 dont le sort est inconnu ».

Les déportations dans la Marne

    Parmi les 100 personnes qui figurent sur l'État nominatif comme agents permanents homologués pour leur appartenance au réseau Possum établi en 1947 par Pierre CAMPINCHI, le liquidateur responsable du réseau à la Commission nationale d'homologation des Forces françaises combattantes au ministère des Armées à Paris, on compte 62 Marnais.
   Parmi ces Marnais, 37 ont été déportés, et 20 n'ont pas survécu à la déportation.

Les déportés qui sont morts en déportation

          À Fismes :


   - Marie BOIVIN, décédée à Ravensbrück
   - Jeanne DÉZOTHEZ, gazée à Ravensbrück
   - Maurice DÉZOTHEZ, décédé à Buchenwald
   - Eugène GOBERT, déporté à Neuengamme, non rentré
   - Charles LEDRU, déporté à Buchenwald, transféré à Mauthausen, gazé au Château de Hartheim
   - René LETILLY, déporté à Neuengamme, affecté au kommando de Fallersleben, décédé à Wöbbelin
   - Camille RIGAUX ( père ), décédé à Buchenwald

          À Sillery :
   - Paul BÉNARD, déporté à Dachau, affecté au kommando de Neckargerach, décédé à Vaihingen
   - Gaston GEORGETON, décédé à Dachau
   - Roger MANGENOT, déporté à Neuengamme, affecté au kommando de Breme-Blumenthal, transféré à Sandbostel, décédé avant son rapatriement
   - Raymond PICON, décédé lors de son transport vers Dachau, dans ce qu'on a appelé « le train de la mort » parti de Compiègne le 2 juillet 1944
   - René SERPE, décédé à Dachau

          À Reims :
   - Berthe AUBERT, décédée à Ravensbrück
   - Auguste MIEL, décédé à Dachau
   - Fernande MONDET, décédé à Ravensbrück

          À Beine-Nauroy :
   - Georges LUNDY déporté à Natzweiler-Struthof, transféré à Dachau, décédé à Balingen-Schorzingen, kommando de Natzweiler

          À Cuisles :
       - Eugène MOUSSÉ, déporté à Neuengamme, affecté au kommando de Bremen-Farge, puis à celui de Watensted-Salzgitter, transféré et mort à Ravensbrück

          À Mailly-Champagne :
   - Jean de KÉGEL, déporté à Dachau, affecté au kommando de Neckarelz, décédé au camp de Neckargerach

          À Savigny-sur-Ardres :
   - Joseph TIRANT DE BURY, décédé à Bremen-Farge, qui était un kommando de Neuengamme

          À Verzy :
   - Maurice FRESNET, déporté à Natzweiler-Struthof, transféré à Dachau, puis à Mauthausen, décédé à Melk, qui était un kommando de Mauthausen

Les déportés qui ont survécu à la déportation

          À Reims :
   - André AUBERT, déporté à Dachau, affecté au kommando d'Allach
   - André LACOMBE, déporté à Neuengamme, affecté au kommando de Fallersleben-Laagberg, puis évacué à Wöbbelin
   - Suzanne LACOMBE, son épouse, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, puis transférée à Ravensbrück, et affectée au kommando de Schönegelf-Leipzig où elle a perdu la vision de son œil droit à la suite des mauvais traitements infligés par les SS
   - Gilberte ROCHETTE, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, puis transférée à Ravensbrück et affectée au kommando de Schönefeld
   - Geneviève TAVERNIER, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, puis transférée à Ravensbrück et affectée au kommando de Schönefeld
   - Marcel TAVERNIER, son mari, déporté à Buchenwald
   - Anita VAN DEN DRIESCHE, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, puis transférée à Ravensbrück
   - Renée WEIGEL, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, puis transférée à Ravensbrück.

          À Fismes :
   - André BEURÉ, déporté à Dachau, affecté au kommando de Kemten
   - Lucien LABDANT, déporté à Buchenwald, puis transféré à Mauthausen
   - Lucienne LEDRU, déportée à Ravensbrück, transférée à Allenburg, kommando dépendant de Buchenwald, puis à celui de Schlieben

          À Sillery :
   - Augustine MANGENOT, déportée à Ravensbrück, puis transférée à Sachsenhausen
   - Huguette MANGENOT, sa fille, déportée elle aussi à Ravensbrück, puis transférée à Sachsenhausen
   - Marthe PICON, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, transférée à Ravensbrück, puis à Altenberg, kommando de Buchenwald

          À Mailly-Champagne :
   - Léa CHANDELOT, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, puis transférée à Ravensbrück et affectée au kommando de Schönefeld

           À Cuisles :
   - Édmond MOUSSÉ, déporté à Neuengamme, affecté au Kommando de Bremen-Farge puis à celui de Hambourg

          À Gionges :
   - Yvette LUNDY, institutrice, déportée à Sarrebrück Neue Bremm, transférée à Ravensbrück, puis affectée au kommando de Schlieben qui
dépendait du camp de Buchenwald.