La
principale activité du réseau
Carte créé André
GIRARD, fut de rassembler en zone Sud, dès
le début de l'Occupation, une sorte de
fichier de résistants immédiatement opérationnels
et de résistants potentiels ou sympathisants, en particulier
parmi les officiers de l'Armée d'armistice, susceptibles
de s'engager en dehors, voire contre la mouvance gaulliste.
Dans le même temps, le général
GIRAUD, évadé d'Allemagne en
avril 1942, envisagea une possible
reprise du combat par l'Armée
d'armistice venant appuyer un débarquement allié
sur les côtes méditerranéennes. Ce fut ce qu'on
a appelé le « Plan Giraud ».
En septembre 1941,
André GIRARD entra en
contact avec un agent britannique du SOE,
Francis BASIN, pseudo Olive,
pour lui réclamer des armes.
Fin juillet-début
août 1942, le major Nicholas BODINGTON
fut envoyé en France pour évaluer
l'importance du réseau Carte. Il arriva à
Golfe Juan en « felouque », nom de
code donné aux bateaux armés et camouflés en
bateaux de pêche qui faisaient la navette entre Gibraltar et les
côtes françaises de la Méditerranée.
À Cannes,
BODINGTON rencontra GIRARD
qui lui réclama 50 000 mitraillettes Sten et 600 postes émetteurs,
ainsi que le colonel VAUTRIN,
ancien chef de cabinet de Paul REYNAUD,
qui l'assura du soutien d'un
grand nombre d'officiers de l'Armée d'armistice.
GIRARD, qui en réalité
ne pouvait alors disposer au maximum que de 3 000 hommes, pensait pouvoir
armer 100 000 hommes et mobiliser 300 000 réservistes, à
partir d'un fichier secret tenu
par le Service national des statistiques
pour le compte de l'armée. Ce fut ce qu'on a appelé
l'« Armée Carte ».
Le 12 septembre 1942,
BODINGTON, de retour en Angleterre,
présenta à l'état-major du SOE un rapport enthousiaste
qui surévaluait considérablement les capacités
et les potentialités de l'« Armée
Carte » et du « Plan
Giraud ».
En novembre 1942,
GIRARD qui, à la demande
de BODINGTON, avait indiqué
l'adresse à Paris de Germaine TAMBOUR,
son ancienne secrétaire, comme pouvant accueillir le chef
du réseau Physician-Prosper,
chargea un de ses agents, André MARSAC,
d'acheminer depuis Marseille
jusqu'au domicile de Germaine TAMBOUR à
Paris, une liste
d'environ 200 membres du réseau Carte, susceptibles
d'être utilisés par le réseau
Prosper.
La sacoche
contenant cette liste qui indiquait
leurs noms, leurs adresses, leurs professions, leurs numéros
de téléphone, et donnait leur signalement, fut perdue
ou volée en gare de Marseille, mais aurait été
récupérée par le commissaire
de police DUBOIS, chef du service de sécurité
du réseau Carte.
Pierre
GEELEN et Walthère MARLY,
recrutés par Dominique POTIER,
le chef du réseau d'évasion
Possum, en juillet-août
1943, étaient tous les deux anciens agents
belges du réseau Carte, passés au service
du réseau Physician-Prosper.

Pierre Geelen
|

Walthère
Marly
|
(Archives notariales Défense-Bruxelles) |
Selon les informations qu'il a fournies au SOE
en octobre 1943, lors de son
arrivée à Londres, Pierre
GEELEN a quitté la Belgique pour tenter de rejoindre
Londres par la France et l'Espagne et aller s'engager dans les Forces
belges reconstituées au Royaume-Uni.
Il avait été recruté en
août 1942 à Marseille
comme agent du réseau Carte,
par le Belge André HEYERMANS
et avait participé à cinq opérations de
la fin du mois d'août jusqu'à la mi-novembre 1942,
date où il a reçu pour mission de se rendre en Belgique
avec André HEYERMANS,
afin d'y recruter des agents et d'y repérer des terrains
d'atterrissage pour le compte du réseau
Carte.
Avant de gagner la Belgique, GEELEN
et HEYERMANS ont fait étape
à Paris, où ils
ont rencontré Germaine TAMBOUR,
et Francis SUTTILL, le chef
du réseau Prosper. Malheureusement lors de leur
séjour à Paris, André HEYERMANS
qui avait déjà été arrêté
en septembre 1942 en voulant
franchir la Ligne de démarcation à La
Réole en Gironde, et qui avait été interné
dans un camp en France, d'où il était parvenu à s'évader
au bout de deux mois, fut à nouveau
arrêté.
Après avoir cherché en vain à
localiser la prison où HEYERMANS
était interné, GEELEN quitta
Paris le 10 décembre 1942,
et se rendit à Cannes pour
rendre compte à André GIRARD,
le chef du réseau Carte,
de l'arrestation d'HEYERMANS.
Au début de 1943,
à la suite de querelles internes
opposant André GIRARD
à son adjoint Paul FRAGER,
GEELEN décida de retourner
à Paris et de se mettre
au service de Francis SUTTILL
qui a accepté de le faire entrer dans le réseau
Physician-Prosper.
Originaire
de Malmedy, un des trois cantons
belges annexés par l'Allemagne en
mai 1940, Walthère MARLY
était passé en zone libre française en
juillet 1942 pour échapper à l'enrôlement
obligatoire dans la Wehrmacht des Belges résidant dans ces
cantons dits « rédimés » ( payant
à nouveau la dîme ), désignant les anciennes
circonscriptions prussiennes,
rattachées à la Belgique en
1919 au terme du traité de Versailles, et qui
ont été annexés
au IIIème Reich en 1940.
Il avait lui aussi été recruté à Marseille
comme agent au sein du réseau Carte,
et il était devenu l'ami de Pierre GEELEN,
après avoir été entraîné par Pierre
CHURCHILL,
un agent SOE sans lien de parenté avec le Premier ministre
britannique..
Au cours de l'été
1942, il participa à une
opération de débarquement d'armes et de munitions
près de Cannes.
Le 6 septembre 1942,
il fut arrêté en gare de Marmande
par la Sûreté française au service du gouvernement
de Vichy. Interné trois jours au camp
de La Réole, il fut ensuite transféré
à la prison d'Agen, puis
au camp du Vernet dans l'Ariège
avec le statut de prisonnier politique.
Il s'en évada le 20 novembre
1942.
Le 27 novembre 1942,
il fut envoyé à Paris avec Pierre
GERITZ, un autre agent belge du réseau
Carte, pour remettre des documents à André
HEYERMANS. Constatant que ce dernier avait été
arrêté le 23 novembre,
il remit ces documents à Germaine
TAMBOUR.
Dans la nuit du 20 au
21 février 1943, il participa au
pick-up par avion Hudson
qui emmena en Angleterre
sept personnes parmi lesquelles se trouvaient André
GIRARD, le chef du réseau
Carte, le colonel VAUTRIN
du 2e Bureau, Jean NOHAIN et
André MAROSELLI. Sénateur-maire
radical de Luxeuil révoqué par Vichy en 1942, MAROSELLI
fut le premier sénateur à avoir rejoint la France
libre. Il deviendra ministre de l'Air
dans le gouvernement Ramadier
en 1947.
