Enseigner la mémoire ? > Histoire et mémoire de la 2° GM > L'Italie dans la 2° GM( 1944-1945 )

L'Italie dans la 2ème guerre mondiale :
les chemins de la liberté
( Décembre 1944 - Janvier 1945 )

par Hervé CHABAUD
Chargé de cours, université de Reims Champagne-Ardenne
Rédacteur en chef adjoint de L'Union de Reims

Le débarquement allié en Sicile

La chute de Mussolini

Les louvoiements du gouvernement Badoglio et la capitulation de l'Italie

L'occupation allemande et la République de Salo

L'engagement de l'Italie aux côtés des Alliés

La victoire de Monte Cassino et la libération de Rome

La libération de l'Italie du Nord et la capitulation des troupes allemandes

Les démêlés de la France avec ses alliés anglo-saxons

Le traité de paix de 1947

Indications bibiographiques






Le débarquement allié en Sicile

   Les chutes de Sfax le 10 avril 1943, celles de Kairouan et Sousse le 12, les libérations de Tunis et Bizerte les 7 et 13 mai 1943 mettent fin aux combats et contraignent la coalition italo-allemande du général Von Arnim et du maréchal italien Messe à évacuer la Tunisie.
   Dès lors les alliés s'appliquent à préparer l'ouverture d'un front au Sud de l'Europe qui exige la conquête de la Sicile et de la Corse pour mieux s'implanter sur la péninsule italienne.
   L'opération Husky est déclenchée le 10 juillet 1943 par des Alliés qui alignent une armada de 3 000 navires provenant d'Égypte, de Malte, du Maghreb et des États-Unis.150 000 soldats débarquent sur les côtes de Sicile. Ils sont rejoints dans les 48 heures par 320 000 hommes supplémentaires.
   L'effet de surprise est total puisque les services de la propagande alliée ont parfaitement réussi leur campagne de désinformation, faisant croire à l'État-major général allemand que l'objectif immédiat était la Sardaigne.
   En Sicile ne se trouvent alors que la 6e armée italienne et le 14e corps allemand en partie constitué de combattants d'Afrique dont le moral n'est pas bon selon les rapports de leurs chefs.
   La 8e armée britannique ne rencontre qu'une faible résistance dans le secteur de Syracuse tandis que les Américains se heurtent à la division blindée d'élite Hermann Goering équipée des puissants chars Tigre de 56 tonnes aux tirs redoutables. L'appui réclamé des parachutistes et des commandos transportés par planeurs est insuffisant surtout en raison de grossières erreurs de largage mais aussi de l'inexpérience troublante des pilotes de planeurs.
   Les plans alliés sont rapidement modifiés par Montgomery, qui tient à ce que la 8e armée soit la première à entrer à Messine. Aussi fait-il monter ses colonnes par le Nord pour qu'elles atteignent l'Est de l'Etna, ce qui a le don de mettre hors de lui le général Patton dont les GI's de la 7e armée doivent avancer vers l'Est et Palerme.
   La tension entre les généraux alliés est patente et contre-productive. Patton, qui est un dur,proteste avec véhémence auprès du commandant en chef de l'opération, le général Harold Alexander. Il juge les changements anglais intempestifs et enrage de devoir jouer les seconds couteaux.


La chute de Mussolini

   Ce nouveau front menace politiquement Mussolini. Ce n'est pas le discours de 5 heures qu'Hitler prononce à l'adresse du Duce qui change la donne. Mussolini est déstabilisé, bouleversé par les bombardements massifs des forteresses volantes qui touchent en particulier Rome. La réorganisation de l'armée en Sicile lui semble impossible et il cherche en vain un moyen de rebondir. Le Grand Conseil fasciste ne lui en laisse pas le temps puisqu'il se réunit pour la première fois depuis 1939 et se prononce par 19 voix contre sept abstentions en faveur du retour de la monarchie constitutionnelle dotée d'un parlement démocratique.
   C'est un ami proche de Mussolini, Dino Grandi, soutenu par Giuseppe Bottai et le comte Galeazzo Ciano, le propre gendre du Duce, qui mène la fronde. Mussolini fait mine d'ignorer leurs états d'âme et ne comprend pas qu'ils bénéficient du soutien du roi Victor Emmanuel III, du prince héritier Umberto et du maréchal Badoglio. Le parti n'a pas accepté la multiplication des défaites enregistrées par l'armée, ni les tentatives intéressées de son secrétaire, Carlo Scorza.
   Le 25 juillet 1943, Mussolini est renvoyé par le roi et arrêté. « Je le regrette, je le regrette, mais il n'y a pas d'autres solutions. En ce moment vous êtes le plus haï de l'Italie » lui déclare Victor Emmanuel III. Le Duce est placé en résidence surveillée à la caserne de la police militaire de la via Quintino Sella. Le roi prend le commandement des armées et place le maréchal Pietro Badoglio à la tête du gouvernement. Badoglio est l'officier qui a conduit la conquête de l'Éthiopie mais qui, convaincu des faiblesses structurelles et de l'insuffisance tactique de son armée, avait tenté de dissuader le Duce d'entrer en guerre en 1940.


Les louvoiements du gouvernement Badoglio
et la capitulation de l'Italie

   Dès le 30 juillet 1943, le nouveau front et le changement de gouvernement conduisent des milliers d'ouvriers à se mettre en grève pour exiger la paix. Les manifestations ne sont pas dispersées par l'armée qui refuse d'ouvrir le feu. La gauche démocratique demande que l'Italie se range auprès des Alliés et que l'armée se retourne partout contre les troupes allemandes stationnant dans la péninsule.
   Badoglio réprime toutefois une manifestation antifasciste à Rome alors que Hitler ordonne au maréchal Rommel de réunir 8 divisions pour préserver les grandes voies de communication en particulier les ponts et les tunnels
   Badoglio est embarrassé d'autant que le général Dwight Eisenhower lui offre la libération de prisonniers de guerre italiens, si son pays cesse toute coopération avec l'Allemagne.
   En effet, après la capitulation de l'Afrika Korps le 13 mai 1943, un peu plus de 130 000 soldats allemands et italiens ont été envoyés aux États-Unis en application de la Convention de Genève. Les prisonniers italiens sont installés principalement dans les États du sud, surtout au Texas, où le président Roosevelt les considèrent comme des hôtes des USA. Ils seront répartis dans 511 unités d'accueil !
   Badoglio charge l'un de ses généraux d'une mission secrète à Madrid où il doit s'entretenir avec l'ambassadeur de Grande-Bretagne. Un autre de ses officiers est en pourparlers à la frontière avec Rommel. Le 14 août, Badoglio qui joue sur les deux tableaux déclare Rome ville ouverte, mais les Alliés ne sont pas dupes et annoncent que « tant que la capitale italienne sert de centre de communication militaire aux Allemands, elle demeure un objectif légitime de bombardement ». Plusieurs observateurs voient dans cette attitude la preuve que Badoglio veut continuer la guerre. D'autres pensent au contraire qu'il cherche à négocier la paix.
   Le 3 septembre, les Britanniques débarquent en Calabre. C'est le début de l'opération Baytown au cours de laquelle les défenses allemandes de Salerne sont littéralement balayées. Le 13e corps, qui comprend en particulier la 5e division anglaise et la 1re division canadienne, ainsi que la 8e armée britannique sont à pied d'œuvre. La 5e armée alliée composée du 6e corps américain, ainsi que le 10e corps britannique du général Mark Clark prennent position à Salerne. Cette situation nouvelle aboutit le 8 septembre à la publication par le général Eisenhower de la « reddition sans condition de l'Italie ».
Badoglio fait à la radio une déclaration similaire.
   L'heure de la proclamation de ces déclarations concordantes a été calculée pour correspondre avec les principaux débarquements alliés sur les côtes de la péninsule, afin d'éviter une résistance inutile des troupes italiennes. L'accord a en réalité été trouvé au Portugal après une médiation des représentants du Pape Pie XII, entre le général anglais Adrian Carton de Wiart et le général italien Zanussi. Ils ont travaillé dès le 26 août à cette finalité et ont ainsi torpillé la mission confiée au général Castellano.
   L'opération Avalanche est alors déclenchée à Salerne , mais les Alliés sont alors pris sous le feu croisé de trois divisions de Panzer auxquelles s'ajoute la 29e Panzergrenadieren qui compte sur d'autres renforts.


L'occupation allemande et la République de Salo

   Le 10 septembre, les Allemands réagissent très vite à cette série de mauvaises nouvelles et occupent Rome avec l'intervention de la 10e armée du général Von Vietinghoff, soutenue par une division de Panzer.
   Les Italiens tentent de s'y opposer mais le corps motorisé du général Carboni ne peut résister à la poussée allemande et ses cinq divisions déposent les armes en quelques heures aux portes de la capitale ! Victor Emmanuel III, le prince héritier et plusieurs ministres sont déjà partis se réfugier à Brindisi.
   Le 12 septembre, Hitler abat son dernier atout et ordonne aux commandos spéciaux du capitaine SS Otto Skorzeny de délivrer par tous les moyens Mussolini. C'est l'opération Chêne placée sous la direction du général Student.
   Le Duce est alors gardé à l'hôtel refuge Campo Imperatore, un établissement situé à 2 000 mètres d'altitude dans le massif du Gran Sasso. Les 90 hommes arrivent à bord de plusieurs planeurs. L'opération est réussie sans qu'un seul coup de feu soit tiré puisque le général Cueli, chargé de garder Mussolini, sympathise immédiatement avec Skorzeny. L'officier SS et le Duce montent dans un avion Storch et atteignent très vite Practica Dimare. De là, le Duce est tranféré à Vienne en Autriche où il est accueilli par le Führer.
   Le 23 septembre Mussolini est de retour en Italie pour établir les bases d'un nouveau régime à Salo sur les bords du lac de Garde. Il a déjà annoncé la couleur sur la radio de Munich en chargeant Pavolini de reconstituer le parti fasciste. Il s'engage aussi à rétablir une République sociale italienne et confie au général Graziani le soin de restructurer l'armée.
   Le Duce décide de convoquer une assemblée constituante et fixe ses grands objectifs à savoir que le fascisme doit retrouver ses origines : « être socialiste, anticapitaliste et républicain ».
   Le 30 septembre, les troupes alliées sont aux portes de Naples. La population se soulève contre la garnison allemande à l'initiative du Front révolutionnaire conduit par un ouvrier septuagénaire, Tarsia, dont le poste de commandement est établi au lycée Sannazzaro. Au prix de pertes élevées, les insurgés stoppent huit des unités Panzer engagées contre eux par le colonel Scholl, commandant la place.
   Le 1er octobre, Naples est une ville libre, mais à moitié détruite, conséquence des violents combats qui s'y sont déroulés.
   En trois semaines, les Anglo-Américains ont perdu plus de 12 000 hommes.
   Hitler radicalise sa répression contre les Italiens en donnant l'ordre d'instituer un climat de terreur et de piller les musées et les églises de Rome et d'ailleurs. Le butin doit être transféré en Allemagne. Il décide aussi que les anciens soldats italiens désarmés devront être envoyés dans le Reich au titre du travail obligatoire. Il ordonne d'assiéger le Vatican. Aussi le Pape Pie XII adresse-t-il une lettre scellée à ses cardinaux, au cas où il serait arrêté.


L'engagement de l'Italie aux côtés des Alliés

   Le 13 octobre 1943, l'ambassadeur d'Italie à Madrid remet à son homologue allemand une déclaration de guerre à transmettre à Berlin. Le maréchal Badoglio enjoint « à tous les soldats italiens de lutter contre les Allemands jusqu'au dernier homme ». Dans un courrier qu'il adresse au général Eisenhower il déclare : « Cet acte permet de rompre avec un passé peu glorieux et mon gouvernement sera heureux de marcher à vos côtés vers une victoire inéluctable ».
   Les Italiens vont-ils se battre contre les Allemands sur leur sol ? Ils luttent déjà aux côtés des Anglais en mer Egée, assistent les Alliés en Sardaigne et en Corse. Dans l'île de Beauté, des Italiens avaient cherché à monnayer des renseignements dès le mois de février 1943. Mandaté par le général de Gaulle et la France libre pour unifier la Résistance en Corse, Fred Scamaroni était alors préoccupé par une curieuse proposition de son adjoint le colonel Ferruci  : le haut commandement italien en Corse représenté par un certain Prunelli était prêt à livrer ses plans de défense de l'île.
   Giovoni, un des responsables du Front national de lutte pour l'indépendance de la France, organisation créée par les communistes et qui fédère les mouvements de résistance corses, suit la filière et obtient ce document qu'il remet à Alger au général Giraud, le 6 septembre 1943. Giraud promet d'apporter une aide à la Résistance corse et décide d'engager dans cette opération le 1er corps d’armée du général Henri Martin.
    Dans la nuit du 13 au 14 septembre, lorsque les premiers détachements français de l'Armée d'Afrique appartenant au 1er bataillon de choc du commandant Gambiez débarquent du sous-marin Casabianca, les troupes italiennes basculent dans le camp allié.
   Restait à régler le difficile problème des prisonniers italiens aux mains des Alliés.
   Dans le même temps, les actes de résistance se développent à Rome, Milan, Turin et, en représailles, les nazis exécutent dix Italiens pour chaque soldat allemand abattu dans un attentat.
   À la mi-novembre1943, les Alliés sont au bord de l'épuisement et le front semble bloqué entre le Mont Camino et le Mont Cassino, le long la ligne Gustav tenue par les Allemands entre Gaeta et Ortona, de la Mer Tyrrhénienne à la Mer Adriatique.
   Les Allemands prennent en otages deux mille ouvriers à Milan, et ils expédient aussi vers le Reich les soldats britanniques qu'ils ont faits prisonniers.
   Le 25 novembre 1943, le général Juin arrive à Naples avec son chef d'État-major le général Carpentier et quelques officiers. Juin commandait les troupes françaises pendant la guerre de Tunisie. Ni le Britannique Alexander, commandant en chef en Italie, ni Clark, patron de la 5e armée américaine ne sont là. Il se met à la disposition du général Lucas commandant le 6e corps US, et après trois semaines de durs combats à Castennuevo, Pantano, Mainarde, Monna Casale, obtient le commandement du Corps expéditionnaire français ( CEF ).
   En janvier 1944, les Alliés passent à l'offensive. Le 10e corps britannique et le 2e corps US percent le 7 janvier la ligne de défense ennemie au Sud de Rome, mais ils doivent se résoudre à lutter pour chaque mètre de terrain dans une zone montagneuse et difficilement accessible. " Passer là où cela semble impossible " telle est la devise de Juin.
   Pendant ce temps, les fascistes règlent leur compte puisque le 11 janvier, le comte Ciano est fusillé avec quatre autres anciens dignitaires du régime fasciste dans l'enceinte de la prison de Verone sur ordre de Mussolini qui ne lui pardonne pas de l'avoir trahi.
   Le 22 janvier, les Alliés établissent une tête de pont à Anzio au Sud-Ouest de Rome, sans rencontrer de résistance sérieuse et le jour même ce sont 50 000 hommes et 3 000 véhicules qui sont à pied d'œuvre. L'opération Shingle se révèle un succès, mais la prudence du général Lucas est bienvenue car le maréchal Kesselring fait venir des renforts d'un peu partout pour encercler les Anglo-Américains.
   Le 12 février 1944, la situation n'a toujours pas évolué ce qui fait dire à Churchill : « Nos fauves se sont rués sur Anzio et on dirait maintenant des baleines échouées ».


La victoire de Monte Cassino
et la libération de Rome

   Ce sont désormais les troupes alliées du Monte Cassino qui multiplient les initiatives pour essayer de desserrer l'étau d'Anzio où la 14e armée du général Von Mackenzen oppose dix divisions aux cinq divisions alliées, avec l'appui de la Luftwaffe. La situation se stabilise le 19 février 1944 alors que les bombardiers US pilonne l'abbaye du Monte Cassino défendue par les parachutistes allemands.
   Sur le front social, de nombreuses grèves antinazies sont signalées en particulier en Italie du Nord dans les usines d'armement de Breda et Marelli ainsi que chez le fabricant de pneumatiques Pirelli et chez le constructeur d'avions Isotta Fraschini. Le journal communiste clandestin romain Unita Proletaria affirme que le gouvernement italien est prêt à laisser déporter un million de travailleurs vers l'Allemagne.
   À Rome, le 24 mars de violentes attaques de partisans ont lieu et 335 otages sont exécutés.
   Les troupes françaises progressent en transportant mitrailleuses et munitions à dos d'hommes ou sur des mules, dans des secteurs très escarpés que ne peuvent atteindre ni les blindés, ni l'artillerie alliés. La 4e division marocaine de montagne du général Sevez et les goumiers du général Guillaume enfoncent les positions allemandes sur le front du Garigliano. Ce sont les succès du Faito le 12 mai, le Majo le 13, le Mont Perilla le 16 mai. Dans la nuit du 15 au 16 juin, 25 000 hommes, disposant de 4 000 mulets, montent à l'assaut des parois du Mont Aurunces réputé infranchissable par l'ennemi.
   Le 17 mai, le maréchal Kesselring donne l'ordre d'évacuer Cassino à ses troupes qui battent en retraite, pourchassées par les troupes du Corps expéditionnaire français. Celles-ci progressent jusqu'aux portes de Rome.
   Le 4 juin, les véhicules légers des compagnies d'éclaireurs franchissent le Tibre et atteignent la basilique Saint-Pierre. Les Allemands ont laissé la ville intacte. La première capitale de l'Axe tombe et depuis le Capitole une foule immense acclame le général américain Mark Clark, tandis que le soldat Poggionovo hisse le drapeau tricolore à croix de Lorraine sur l'ambassade de France au palais Farnese.
   Alors que le débarquement en Normandie débute le 6 juin 1944, les Italiens retrouvent le goût du combat. Les patriotes réfugiés dans les reliefs du Nord vont au contact des Allemands. La 8e armée britannique équipe et entraîne des brigades italiennes composées de soldats qui peu de temps auparavant étaient des ennemis ! L'un des officiers instructeurs confie : « on avait de la pitié et même du dédain pour les Italiens lors de la campagne d'Afrique. Maintenant on les découvre. Ce sont des soldats accomplis auxquels on a redonné toute leur fierté ».
   La situation se stabilise puisque l'État-major allié décide de retirer 100 000 soldats pour les affecter à la préparation du débarquement allié sur les côtes françaises de Provence. La totalité du 6e corps américain et le Corps expéditionnaire français convergent sur Naples pour embarquer. Ils vont être remplacés par les 25 000 hommes du corps expéditionnaire brésilien et la 96e division américaine exclusivement composée de Noirs américains, dont ce sera le baptême du feu.
   Le Corps expéditionnaire français laisse en Italie 7 251 morts, 4 201 disparus et compte 20 913 blessés.
   Ce sont 153 000 hommes qui restent face à la puissante ligne Gothique tenue par les Allemands.


La libération de l'Italie du Nord
et la capitulation des troupes allemandes

   Le 21 juillet 1944, les Alliés font leur entrée à Florence. Cinq des six ponts ont été détruits. Il ne reste plus que le Ponte Vecchio. De nombreux immeubles classés ont été volontairement piégés et dynamités.
   Le 25 août, Churchill qui assiste à l'offensive de la 8e armée britannique contre la ligne Gothique déclare : « je n'ai jamais été si près de l'ennemi et je n'ai jamais entendu siffler autant de balles durant la guerre ». L'objectif du général Oliver Leese est de traverser la rivière Foglia et d'enfoncer la ligne de défense allemande le long de la côte Adriatique, de manière à réaliser une large percée de blindés dans la plaine du Pô.
   Les combats sont d'autant plus difficiles que le Reich aligne dix divisions d'infanterie face aux Alliés ! Des champs de mines, très denses, s'étendent de la côte de l'Adriatique à la mer de Ligurie. Les nids de mitrailleuses ont été creusés à l'explosif dans les Apennins ! La bataille d'Italie se poursuit avec le 1er novembre la réussite de la 10e division indienne, qui atteint la rivière Rabbi près de Ravenne. Pourtant la guerre s'enlise dans la péninsule. Chacun consolide ses positions.
   Il faut attendre le mois d'avril 1945 pour que les Alliés décident d'en finir et de déclencher leur plus grande offensive sur l'Italie : 234 bombardiers de l'US Air Force larguent 24 000 bombes incendiaires, puis ce sont 740 bombardiers dépendant de l'US Tactical Air Force, qui détruisent les positions d'artillerie ennemies. Enfin 825 autres bombardiers larguent 1 690 tonnes de bombes sur les environs de Lugo.
   Dès l'aube, les Alliés traversent le fleuve en force sur trois ponts Bailey, construits par le génie britannique. Alors que les anglo-américains construisent un nouveau barrage, les Pendjabis de la 8e division indienne se préparent à franchir le Santerno. Sur la rive droite, les Fantails, véhicules chenillés amphibies de la 9e division blindée, ainsi que la 56e division d'infanterie traversent les eaux peu profondes du lac Comacchio puis atteignent les lignes allemandes et menacent les positions des fleuves Argenta et Reno.
   Les Alliés sont satisfaits de leur domination aérienne d'autant que les bombardiers sont aidés par le nouvel atlas de la marine qui permet l'identification des cibles.
   Le 29 avril 1945, Mussolini est exécuté par des partisans, après avoir été intercepté près du lac de Côme alors qu'il cherchait à gagner la Suisse. Le Duce, qui se trouvait dans un convoi allemand et portait un uniforme du Reich est reconnu et abattu par le colonel Valerio, officier appartenant à un groupe de partisans communistes ( de son vrai nom Walther Audisio ), qui fait aussi fusiller les quinze autres prisonniers, dont cinq ministres du gouvernement fantoche de Salo.
   Les généraux Herr et Lemelsen, chefs des 10e et 14e armées, ainsi que le général Von Pohl décident de capituler. Cette capitulation sera effective le 2 mai 1945 à 2 heures avec ou sans l'accord du maréchal Kesselring. Les trois généraux évitent de justesse l'arrestation mais le maréchal se résout à les suivre puisqu'on lui oppose que cela permettra aux anglo-américains de bloquer l'avance soviétique vers l'Ouest, de contrer la menace sur Trieste, mais aussi un possible soulèvement communiste capable de transformer l'Italie du Nord en république rouge
.


Les démêlés de la France avec ses alliés anglo-saxons
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

   La France réussit à élargir la zone d'occupation qui lui avait été attribuée par les Alliés en avril 1945 au Nord des Alpes, et qui s'étend en fait jusqu'à la Méditerranée. Les villes d'Aoste, Suse, Tende, Vintimille passent sous contrôle français. Le territoire occupé par les Français est vingt fois supérieur à celui initialement prévu. Mais les Américains ne sont pas prêts à accepter la politique française du fait établi. Clark résume ainsi la situation : « nous n'avons nullement l'intention de forcer les Français à regagner leur territoire. Tout ce qu'il nous reste à faire est d'adopter une attitude ferme et de laisser aux dirigeants politiques le soin de régler cette querelle ». Le 7 mai, l'ancien chef de la 5e armée n'omet pas de remercier Juin pour l'action du CEF : « Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir rappeler à la 2e DIM, à la 3e DIA, à la 4e DMM et à la 1re DMI que nous n'avons pas oublié, au 15e groupe d'armées, leurs courageux combats de l'année dernière ».
   Pourtant les États-Unis considèrent depuis le 4 mai que la présence permanente des troupes françaises en Italie est indésirable. Elle pourrait provoquer un nouveau conflit avec les partisans locaux, ce qui déstabiliserait le nouveau gouvernement italien encore fragile. Les Américains vont même jusqu'à affirmer que les Français préparent des incidents de frontières pour justifier leur présence. Les soldats US reçoivent l'ordre de bloquer les routes qui mènent en France. Cette décision provoque la colère du général Doyen qui parle « d'une action inamicale et grave », aussi demande-t-il la médiation du général Devers, commandant le 6e groupe d'armées.
   À Paris, le gouvernement provisoire réaffirme l'impérieuse nécessité de ne pas se résoudre à laisser des étrangers administrer des territoires occupés par des soldats français. Dans un télégramme daté du 4 mai, de Gaulle est catégorique : « Pas d'AMGOT [ administration militaire alliée sous contrôle américain ] à l'Ouest de Turin ! Il y a urgence à occuper entièrement le Val d'Aoste ». Une semaine plus tard, il est toujours aussi ferme à l'adresse de Doyen : « L'étranger n'a pas à se mêler davantage de la sécurité de notre frontière. L'administration de Tende et de la Brigue doit être exercée sous votre autorité par des fonctionnaires désignés par le préfet des Alpes-Maritimes ».
   Les Français ne cherchent pas l'escalade, aussi ne profitent-ils pas de la pétition de 20 000 signatures en leur faveur pour exiger le Val d'Aoste. Doyen écrit le 25 mai au général Sevez : « Le référendum fait ces jours derniers à Aoste montre qu'il existe une majorité en faveur du rattachement à la France. Si nous en tirions les conséquences extrêmes et que nous annexions le Val d'Aoste, il est certain que ce ne pourrait être que par un acte de force qui créerait dans le flanc de l'Italie une plaie béante qui ne se cicatriserait jamais. Au contraire une action de notre part pour faire octroyer aux Valdôtains une large autonomie administrative et culturelle dans le cadre de l'État italien, créerait l'atmosphère nécessaire aux rectifications de frontières qui sont à exiger au col du Petit Saint-Bernard dans la région de Suse et dans les Alpes-Maritimes ».
    Partisan d'un compromis, Doyen suggère que les troupes alliées s'approchent jusqu'à la limite des troupes françaises ou des frontières françaises, en maintenant les Français en place. Le général Clark tempère alors les différends mais le général Truscott est beaucoup moins conciliant. Cela va jusqu'à l'étude des conséquences d'une confrontation armée avec la France !
    Trois semaines après la capitulation, il est clair que Français et Alliés anglo-saxons entretiennent une querelle très inquiétante. Ces derniers sont convaincus que les Français ne disposent pas des moyens suffisants pour se maintenir en Italie, mais en faisant un exemple, ils tiennent à montrer aux Italiens comme aux Soviétiques leur détermination. Les Français n'ont pas de revendications territoriales importantes mais ils ne veulent pas céder aux injonctions américaines.
   Une nouvelle escalade est enregistrée en juin 1945 lorsque le chef du gouvernement allié dans le Piémont, le colonel Marshall, affirme : « Dans tous les cas, je ferai tout ce qu'il sera nécessaire pour exécuter les ordres que j'ai reçus jusqu'à ma mort ou ma relève ».
   Le général de Gaulle donne son accord pour un retrait des troupes françaises derrière la frontière de 1939 et préconise de poursuivre les discussions avec les anglo-américains. Cependant, les Français ne sont pas informés de l'accord qu'ils négocient avec Tito et qui concède pour moitié l'Istrie à la Yougoslavie. Or, les deux situations sont assez similaires. Il y a une majorité de la population pro-française dans le Nord-Ouest de l'Italie et pro-yougoslave en Istrie. Et le contrôle par la France de la ligne de crête des Alpes-Maritimes relève du même intérêt stratégique que celle des hauteurs slovènes par la Yougoslavie. Les Français auraient donc beau jeu de faire valoir qu'aux mêmes causes répondent les mêmes effets.
   Finalement les Français se retirent, mais aucune unité italienne ne devra s'approcher à moins de 25 kilomètres de la frontière entre l'Italie et la France
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Le traité de paix de 1947

   Une conférence des ministres des Affaires étrangères est organisée au Palais du Luxembourg à Paris en avril 1946 pour préparer le traité de paix italien. Molotov se montre très exigeant, puisqu'il tient à ce que l'Italie verse 300 millions de dollars à l'URSS alors que le pays n'en a pas les moyens, puisque 500 millions de dollars viennent d'y être injectés pour faire repartir l'économie. Les angles sont arrondis et Molotov se dit d'accord pour que la France récupère la région de Tende-La Brigue et que les îles du Dodécanèse soient remises à la Grèce tandis que le tracé de la frontière italo-yougoslave est dessiné à Trieste, ville internationale !
   Toutes ces orientations sont confortées lors des réunions des ministres des Affaires étrangères qui se tiennent à New-York en novembre et décembre 1946.
  Par le traité de paix signé le 10 février 1947, la France obtient 709 km2 de territoires qui lui permettent de repousser sa frontière avec l'Italie jusqu'à la ligne de partage des eaux :
      - 560 km2 dans les Alpes-Maritimes,
      - 3,22 km2 au col du Petit Saint-Bernard,
      - 81,79 km2 sur le plateau du Mont-Cenis,
      - 47 km2 au Mont Thabor
      - 17,1 km2 au Chaberton.
   Le 12 octobre 1947, à 91 %, les villages de La Brigue et de Tende choisissent par référendum leur rattachement à la France.
   La France et l'Italie sont prêtes pour rétablir des relations cordiales et développer une coopération qui les conduira à intégrer ensemble la Communauté économique européenne en 1957.


Indications bibliographiques

  • Henri DE BRANCION, La Campagne d'Italie, Paris, Prses de la Cité, 1995, 382 p.

  • Jean-Christophe NOTIN, La Campagne d'Italie : les victoires oubliées de la France 1943-1945, Paris, Perrin, 202, 630 p.

  • Yves GRAS, La 1ère DFL : les Français libres au combat, Paris, Prseesde la Cité, 1983, 450 p.

  • Jean MABIRE, Les Diables verts de Cassino, Italie 1943-1944, Paris, Presses de la Cité, 1991, 315 p.

  • Daniel RONDEAU et Roger STÉPHANE, Des Hommes Libres, 1997, 460 p.
  • Otto SKORZENY, Les Commandos du Reich, Action, 1985, 250 p.

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